P.-G. Delisle (p. 214-215).


LA NUIT




La nuit sur l’horizon étend ses grandes ailes.
Mais, grâce à Dieu, la nuit n’a pas d’ombres, ce soir.
La lumière rayonne aux voûtes éternelles,
Et sur un pan du ciel, comme un grand ostensoir,
La lune monte, monte, et de clartés inonde
Les montagnes, la mer, les vallons et les bois.
La nature se tait : on dirait que le monde
Pour mieux voir ce tableau retient sa grande voix.

Au firmament d’azur, d’innombrables étoiles
Etincellent partout comme des diamants,
Pendant qu’à l’Occident, pliant ses sombres voiles,
Un lourd nuage fuit leurs rayons éclatants.
De célestes lueurs, scintillante, embrasée,
La mer, en se calmant, semble se réjouir.
Le rivage s’endort, et la vague appaisée
Ose à peine se plaindre en y venant mourir.


Je chante en contemplant ces scènes toujours belles,
Et mon âme vers Dieu se plaît à remonter.
Qui sait si cette lune, aux splendeurs immortelles,
N’est pas son œil divin, revenant visiter
Notre globe qu’il aime en dépit de ses fanges ?
Et ces astres sans nombre illuminant la nuit,
Qui sait s’ils ne sont pas les prunelles des anges
Dont la troupe fidèle en l’adorant le suit ?


Pointe-au-Pic, Septembre, 1881.



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