Les Éblouissements/Torpeur d’été

Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 117-118).

TORPEUR D’ÉTÉ


Eté ! sommeil, silence et doux bourdonnement !
Dans la chambre aux murs clairs, par le store charmant
Le soleil, abondant et large, entre et dévie.
Instants où la vie est plus douce que la vie

Où le cœur ne sait plus ce qu’il veut, ce qu’il doit,
Où l’on ne peut tenir son âme entre ses doigts,
Pas plus que l’ombre étroite, en sa faible fumée,
Ne peut garder l’Aurore amoureuse enfermée…

– Les ailes de Juillet palpitent au plafond,
Des danses de soleil se font et se défont
Sur les murs, sur les gais rideaux verts en cretonne,
Toute la chambre luit, et le parquet rayonne.

Près du divan, où l’air est tiède et replié,
La fleur que l’on a prise au beau magnolier,
Avec un fort parfum de pomme et de verveines
Épuise lentement le sucre de ses veines.


Hélas ! pourrez-vous bien durer pour nous toujours
Parfaits enchantements des étés doux et lourds,
Supplice du bonheur et des extases lentes,
Supplice d’être inerte et chaud comme des plantes,

Supplice de trop d’âme et de trop de clarté,
Été, luxurieux et langoureux été,
Qui cachez votre plus alanguissante flèche
Dans cette odeur des nuits, soudain calmes et fraîches…