Les Éblouissements/Les paradis

Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 181-182).

LES PARADIS


Le paradis c’est vous, beaux cieux lourds de nuages,
Cieux vides, mais si vifs, si bons et si charmants,
Où les arbres, avec de longs et verts jambages,
Pointus, larges, légers, agités ou dormants,

Ecrivent je ne sais quelle suprême histoire,
Quel livre de l’espace, odorant, triste et vain,
Quel mystique Koran, qui relate la gloire
De l’azur éternel et de l’éther divin.

Le paradis, c’est vous, voyageuse nuée,
Robe aux plis balancés d’un dieu toujours absent,
Vers qui montent sans fin, ardeur exténuée,
Les vapeurs du désir, et le parfum du sang.

C’est vous le paradis, jardins gais ou maussades,
Lustrés par le soleil ou le vent du matin,
Où les fleurs de couleur déroulent leurs torsades,
Et jouissent en paix du sensuel instinct.


Et c’est vous, sol poudreux, argileux, tiède terre,
Le paradis naïf et muet qui m’attend,
Lorsque la mort viendra rompre le mol mystère
Qui me lie, ô douceur à la beauté du temps…