Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 213-214).

ANNECY


Annecy, délicate, aimable, humble Venise,
Maisons et quais bâtis sur des canaux étroits,
Ville où Jean-Jacque a vu pour la première fois
Madame de Warens qui sortait de l’église…

Voici, baigné des eaux d’un vert canal qui dort,
Le jardin où vivait, jeune veuve isolée,
Sous un arbre fleuri comme un grand azalée,
Celle dont le regard brillait de gouttes d’or.

Le vent de l’aube fraîche est bleu comme la sauge,
On voit déjà passer un marchand matinal,
Un gai moulin, sur l’eau joyeuse du canal,
Fait, en tournant sa roue, un bruit clair qui patauge.

Là-bas c’est le lac chaud, le lac fondu d’amour
Qui berce sa langueur contre la molle rive
Où déjà le parfum de l’Italie arrive,
Et met sa nonchalance et son pollen si lourd.


Mais j’aime mieux ce coin de la ville où persiste
Le jardin qu’éclairait du rire de ses yeux,
La dame de Lausanne au sein délicieux,
Qui fut prompte au plaisir, insouciante et triste…