Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 30).

EROS


Hélas ! que la journée est lumineuse et belle !
L’aérien argent partout bout et ruisselle.
N’est-il pas dans l’azur quelque éclatant bonheur
Qui glisse sur la bouche et coule sur le cœur
De ceux qui tout à coup éperdus, joyeux, ivres,
Cherchent quel âpre amour étourdit ou délivre ?
– Mais soudain l’horizon s’emplit d’un vaste espoir.
Tout semble s’empresser, s’enhardir, s’émouvoir
Il va venir enfin vers l’âme inassouvie
L’Eros aux bras ouverts qui dit : « Je suis la vie ! »
Qui dit : « Je suis le sens des instants et des mois,
Touchez-moi, goûtez-moi, mes sœurs, respirez-moi !
Je suis le bord, la fin et le milieu du monde,
Une eau limpide court dans ma bouche profonde,
L’énigme universelle est clarté dans mes yeux,
Je suis le goût brûlant du sang délicieux,
Tout afflue à mon cœur, tout passe par mon crible,
Je suis le ciel certain, l’espace intelligible,
L’orgueil chantant et nu, l’absence de remords
Et le danseur divin qui conduit à la mort… »