Le véritable Saint Genest/Notice

Le véritable Saint Genest
Œuvres de Jean de RotrouTh. DesoerTome V (p. 3-5).



NOTICE
HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE
SUR SAINT GENEST.

Séparateur


L’empereur Dioclétien accorde sa fille à Maximin, revenu vainqueur de l’Inde. Des fêtes ont lieu à l’occasion de ce mariage, et une représentation théâtrale en fait partie. Le martyre d’Adrien, que Maximin avoit condamné à mort en haine de la foi, est le sujet d’une tragédie dont Genest, acteur célèbre, remplit le principal rôle. Un théâtre s’élève au fond de la scène, où, après une répétition et des préparatifs dans lesquels le machiniste et les décorateurs paroissent, la cour vient assister à la tragédie. Genest commence son rôle avec les applaudissemens des spectateurs ; mais au moment où dans la pièce qu’il représente on lui promet des honneurs s’il veut renoncer au vrai Dieu, frappé tout à coup de la grâce, ce n’est plus Adrien, c’est Genest qui parle pour lui-même : il insulte aux dieux du Capitole ; ses interlocuteurs troublés attendent en vain leur réclame, la pièce est interrompue : il déclare enfin qu’il adopte les sentimens qu’il n’avoit fait qu’exprimer. Dioclétien irrité le condamne au supplice, et Genest reçoit la couronne du martyre.

Le talent original de Rotrou se décèle tout entier dans la conception de cette singulière tragédie qui renferme, ce me semble, plusieurs des conditions de ce que l’on nomme aujourd’hui le romantique. À des événemens politiques, Rotrou a su joindre des peintures exactes et naïves d’intrigues de coulisses et des discussions littéraires dans lesquelles il a su faire entrer avec adresse l’éloge des ouvrages de Corneille, son élève et son ami : l’intérêt que l’on porte à son personnage principal n’est point affoibli par ces digressions, que l’on a reprochées à Rotrou comme étrangères à son sujet, mais qui cependant s’y rattachent naturellement. Il est peut-être digne de remarque que cette variété de tons employée par Rotrou, que la vérité des divers sentimens qu’il a décrits et mis en jeu, furent la cause principale de l’oubli dans lequel est tombée cette tragédie ; cette même raison deviendroit aujourd’hui un sujet d’éloges de la part des littérateurs qui cherchent à introduire une plus grande liberté dans notre système dramatique. Rotrou pourroit du moins les dispenser de chercher des exemples chez l’étranger.

Voltaire a comparé plusieurs endroits de Polyeucte avec quelques-uns de Saint Genest, et souvent à l’avantage de cette dernière tragédie.