Le premier livre des Sonnets pour Hélène/Je sens une douceur
LVIII
Je sens une douceur à conter impossible,
Dont ravy je jouys par le bien du penser,
Qu’homme ne peut escrire ou langue prononcer,
Quand je baise ta main en amour invincible.
Contemplant tes beaux yeux ma pauvre ame passible
En se pasmant se perd, lors je sens amasser
Un sang froid sur mon cœur, qui garde de passer
Mes esprits, et je reste une image insensible.
Voila que peut ta main et ton œil, où les trais
D’Amour sont si serrez, si chauds et si espais
Au regard Medusin qui en rocher me mue.
Mais bien que mon malheur procède de les voir,
Je voudrois et mille yeux et mille mains avoir.
Pour voir et pour toucher leur beauté qui me tue.