Le premier livre des Sonnets pour Hélène/Je ne veux point la mort
LXII
Je ne veux point la mort de celle qui arreste
Mon cœur en sa prison : mais Amour, pour venger
Mes larmes de six ans, fay ses cheveux changer,
Et semé bien espais des neiges sur sa teste.
Si tu veux, la vengeance est desja toute preste :
Tu accourcis les ans, tu les peux allonger :
Ne souffres en ton camp ton soudart outrager :
Que vieille elle devienne, ottroyant ma requeste.
Elle se glorifie en ses cheveux frisez,
En sa verde jeunesse, en ses yeux aiguisez,
Qui tirent dans les cœurs mille poinctes encloses.
Pourquoy te braves-tu de cela qui n’est rien ?
La beauté n’est que vent, la beauté n’est pas bien :
Les beautez en un jour s’en-vont comme les Roses.