Le premier livre des Sonnets pour Hélène/Cruelle il suffisoit

Sonnets pour Hélène, Texte établi par Roger Sorgéds. Bossard (p. 73).
XVIII

Cruelle, il suffisoit de m’avoir pouldroyé,
Outragé, terrassé, sans m’oster l’espérance.
Tousjours du malheureux l’espoir est l’asseurance :
L’amant sans espérance est un corps fouldroyé.

L’espoir va soulageant l’homme demy-noyé :
L’espoir au prisonnier repromet délivrance :
Le pauvre par l’espoir allège sa souffrance :
Pandore au genre humain a ce bien octroyé.

Ny d’yeux ny de semblant vous ne m’estes cruelle :
Mais par l’art cauteleux d’une voix qui me geile,
Vous m’ostez l’espérance et desrobez mon jour.

O douce tromperie aux Dames coustumiere !
Qu’est-ce parler d’amour sans point faire l’amour,
Sinon voir le Soleil sans aimer sa lumière ?