Le premier livre des Sonnets pour Hélène/Cruelle il suffisoit
XVIII
Cruelle, il suffisoit de m’avoir pouldroyé,
Outragé, terrassé, sans m’oster l’espérance.
Tousjours du malheureux l’espoir est l’asseurance :
L’amant sans espérance est un corps fouldroyé.
L’espoir va soulageant l’homme demy-noyé :
L’espoir au prisonnier repromet délivrance :
Le pauvre par l’espoir allège sa souffrance :
Pandore au genre humain a ce bien octroyé.
Ny d’yeux ny de semblant vous ne m’estes cruelle :
Mais par l’art cauteleux d’une voix qui me geile,
Vous m’ostez l’espérance et desrobez mon jour.
O douce tromperie aux Dames coustumiere !
Qu’est-ce parler d’amour sans point faire l’amour,
Sinon voir le Soleil sans aimer sa lumière ?