Le naufrage de l’Annie Jane/Avant propos

Le fidèle messager (p. illust-iv).




AVANT-PROPOS



Dans son magnifique discours prononcé le 20 juin 1890, au grand pique-nique des protestants français du Canada, à l’île Ste-Hélène, monsieur le pasteur Joseph Provost, de Springfield (Mass.), raconte ainsi le triste événement qui fait le sujet des pages que l’on va lire :

La période qui s’étend de 1850 à 1800 est marquée de beaux succès pour la Société franco-canadienne. La sphère d’activité s’agrandit. Monsieur le pasteur Jean Vernier passe en Europe dans le but d’amener de nouveaux ouvriers. Ici se place l’un des événements les plus tristes que nous ayons à enregistrer. Monsieur Vernier, après avoir persuadé messieurs Kempf, van Buren, Marc Ami et J. Cornu de venir au Canada, s’embarque avec ces dignes missionnaires sur un voilier du nom de l’Annie Jane. C’était au mois d’août (1853).

Les premiers jours de la traversée furent favorables et l’on voguait plein d’espoir. Mais bientôt la mer devint mauvaise, et dans la nuit du 28 au 29 septembre, le vaisseau, dépouillé de ses agrès, livré à la fureur des flots, alla se briser sur les rochers. On raconte que monsieur Vernier vit arriver sa dernière heure avec un calme parfait. Il exhortait ses frères désespérés, leur montrant le ciel comme lieu de rendez-vous. C’était la vie sacrée et intime d’un cœur qui aime, s’élevant au-dessus de l’élément déchaîné pour saisir la main du Sauveur. Monsieur Kempf, sa femme et leurs deux enfants restèrent paisibles en face de leur fin tragique. Le lendemain on retrouva leurs cadavres sur le rivage de l’île Vatersay, terre voisine du naufrage. Le corps de monsieur Vernier et ceux de ses infortunés compagnons furent inhumés au milieu d’une solennelle tristesse. En perdant monsieur Vernier, la mission se voyait privée d’un serviteur sincère, ardent, généreux et franchement dévoué.


Le 2 mai 1856, monsieur Marc Ami, alors instituteur à Belle-Rivière, province de Québec, et un des témoins oculaires de ce terrible désastre, acheva de consigner les détails du naufrage de l’Annie Jane. Pendant trente-cinq ans, le manuscrit demeura oublié parmi les papiers de monsieur Ami. Aujourd’hui, cédant aux sollicitations de ses amis, il le livre à la publicité, comptant sur l’indulgence de ses lecteurs.

Nous sommes persuadés que cette petite brochure sera un des documents les plus intéressants de l’histoire du protestantisme français en Amérique.

Monsieur Marc Ami est aujourd’hui à la tête d’une mission évangélique française, à Haverhill, Mass.


J. A. Derome.



Ste-Anne, III., 30 juillet 1891.