Le mystère des Mille-Îles/Partie III, Chapitre 11

Éditions Édouard Garand (p. 39-40).

— XI —


— Le bateau se dirigea vers l’île où nous sommes. On m’y fit descendre et je vis alors que l’expédition était commandée par Jarvis.

« À bord se trouvaient également le domestique qui m’avait servie pendant le voyage et sa femme. Vous les connaissez : c’est le couple que vous avez rencontré depuis votre arrivée.

« Jarvis refusa de répondre à mes questions. Après avoir fait débarquer plusieurs caisses, il se rembarqua et le yacht repartit.

« Enfin, j’eus l’explication désirée : on m’avait faite prisonnière et je devais être détenue dans l’île, sous la garde du couple que vous savez !

« Il me fut difficile, tout d’abord, de m’expliquer les raisons de cet enlèvement.

« Mais, plus tard, mon gardien m’apporta des journaux où ma mort était annoncée.

« Une grande terreur m’a alors envahie. Je croyais qu’on m’avait amenée dans l’île pour m’assassiner plus commodément.

« J’ai ensuite réfléchi que, si l’on avait l’intention de me tuer, on l’aurait déjà fait. Au reste, mes geôliers ne me paraissaient pas sanguinaires.

« Je comprenais enfin l’idée de mes persécuteurs. Incapables de s’emparer de ma fortune au moyen du mariage, il ne leur restait qu’à attendre ma mort. Et, comme l’attente serait longue, il fallait hâter la fin.

« Par ailleurs, un meurtre est bien gênant. Il laisse toujours des traces que la police retrouve et qui conduisent à l’exécution capitale.

« Que faire ? C’est, alors qu’avait dû leur venir l’idée géniale : me retrancher pratiquement de la société, en me confinant dans une île, d’où je ne pourrais m’échapper et où personne ne viendrait jamais. Si la police s’en mêlait, on n’aurait qu’à me faire revenir et on éviterait toujours la chaise électrique.

« Telle est l’explication que je me suis forgée et tout indique qu’elle est plausible.

« Seulement, je me demande comment ils ont pu faire croire à ma mort. Ont-ils inventé un cadavre fictif, un permis de médecin ? Organisé des funérailles ? Avec de l’argent, de l’imagination et de la canaillerie, on vient à bout de tout et mes bonshommes n’en manquent pas. Ils ont sans doute réussi et se sont partagés ma fortune.