Anonyme
Le livre des petits enfantsJohn Wiley (p. 170-175).


LE SABOT DE LA MÈRE THOMAS.


N’est-il jamais arrivé à aucun de vous de s’arrêter en chemin quand il allait à l’école ou lorsque ses parents l’envoyaient en commission ? Vous avez quelquefois rencontré des joueurs de ces serinettes sur lesquelles on voit valser de petites figures, et vous vous établissiez devant ces petits danseurs, oubliant que votre Mère attendait votre retour avec impatience. D’autres fois, peut-être, vous avez été plus coupables !…

Écoutez l’histoire d’un petit garçon qui ne fut pourtant pas puni comme il l’aurait mérité, parce que Dieu, qui est bon et miséricordieux, voulut seulement lui donner une leçon. On m’a assuré qu’il en a profité.

Il se nommait Maximin, et son père s’appelait Gervais. Ce dernier était un honnête charpentier qui gagnait sa vie en travaillant : il était assidu à son ouvrage, et ne demandait jamais au-delà de ce que valait son travail. Il tomba malade, et vous savez que la maladie augmente les dépenses d’un ménage. Il manqua d’argent ; il se rappela qu’un homme qui l’avait occupé, lui devait la somme de dix-huit francs ; et, quoiqu’il attendit d’ordinaire qu’on lui envoyât son argent, il chargea son fils d’aller le chercher en présentant son reçu.

Maximin fit la commission ; il enveloppa soigneusement dans du papier les dix-huit francs qu’il reçut, et les mit dans une poche de sa veste.

En retournant chez lui, il eut le malheur de rencontrer quelques petits mauvais sujets, de ceux qu’on voit souvent sur les quais et sur les places jouant aux gobilles ou à la marelle, parce que leurs parents, qui ne connaissent pas Dieu, ne songent pas à les envoyer, soit à l’école, soit aux salles d’asile, où ils s’instruiraient et apprendraient de meilleures choses que celles qu’on apprend dans les rues.

Ils engagèrent Maximin à faire une partie de gobilles. L’enfant résista d’abord, en disant qu’il allait bien vite porter à son père les 18 fr. qu’il venait de recevoir pour lui ; mais on le pressa d’autant plus de faire une partie, et le pauvre petit finit par céder : car, comme beaucoup d’enfants, il aimait le jeu de gobilles.

Quand la partie fut terminée, les petits garçons se séparèrent ; Maximin s’achemina vers sa maison, et les vauriens se sauvèrent bien vite.

Mais quelle fut la douleur de notre pauvre enfant, quand il s’aperçut que le petit paquet qu’il croyait en sûreté au fond de la poche de sa veste, avait disparu ! Il cria, il pleura ; et comme chacun s’attroupa autour de lui pour savoir la cause de son chagrin, il raconta ce qui lui était arrivé. On voulut courir après les petits voleurs ; mais ils avaient disparu.

Alors une grosse femme du peuple, de celles que l’on appelle poissardes, et qui, malgré la grossièreté de leur langage, ont pourtant souvent un bon cœur, cette bonne femme, dis-je, qu’on appelait la mère Thomas, présenta son sabot à la foule réunie, et déclara qu’il fallait faire une collecte pour remplacer au pauvre enfant ce qu’on lui avait pris ; elle dit que, pour elle, elle commençait par mettre cinquante centimes dans le sabot.

Tout le monde suivit son exemple ; et les plus pauvres, comme les plus aisés, mirent dans le sabot, chacun suivant ses moyens, et bientôt on parvint à faire une somme de trente francs.

Vous jugez, mes amis, de la joie de Maximin ! Il remercia ses bienfaiteurs, et reconnut que la bonté de Dieu est grande, puisqu’il n’avait pas été puni selon sa faute. Depuis lors, il ne se détourna plus du droit chemin ; car il savait que ceux qui le quittent, s’égarent toujours.