Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Aboulaina


◄  Aboulahab
Index alphabétique — A
Aboulaith  ►
Index par tome


ABOULAINA, docteur célébre parmi les Arabes, & qui disoit souvent de bons mots. Moyse, fils du calife Abdalmalek, ayant fait mourir secrétement dans la prison un des amis de ce docteur, & ayant fait courir le bruit qu’il s’étoit évadé, Aboulaïna interrogé sur ce qu’étoit devenu son ami, répondit avec les mêmes termes qui sont couchés dans l’histoire de Moyse le législateur des Hébreux, lorsqu’il y est parlé de cet Egyptien qu’il tua, Moyse le frapa, & il en mourut. Le prince ayant appris ce qu’Aboulaïna avoit dit, le fit venir, & le menaça de le punir, s’il ne retenoit sa langue. Aboulaïna, sans s’étonner, lui répliqua par çet autre verset, qui suit dans la même histoire : Voulez-vous me tuer aujourd’hui comme vous tuâtes hier cet autre homme ? Le prince trouva cette citation si à propos, qu’il modéra sa colere, & résolut de fermer plutôt la bouche de ce docteur par des présens que par des menaces. Une autre fois le calife se plaignit de ce qu’il le faisoit passer pour timide, mais ce docteur l’appaisa bientôt par ces paroles : L’homme véritablement noble est ordinairement modeste & retenu : au contraire l’homme vil & de basse extraction est le plus souvent imprudent & téméraire.

Aboulaïna étoit fort pauvre, & faisoit tous les jours sa cour au visir Ismaël, fils de Bélal. Un jour sa fille, d’une beauté exquise & de beaucoup d’esprit, lui dit : Mon pere, vous allez tous les jours chez le visir, ne lui parler-vous point de vos besoins ? Oui, lui répondit le pere, mais il n’écoute pas ce discours. Mais, lui répliqua-t-elle, ne voit-il pas votre pauvreté ? Comment la verroit-il ? dit le pere, il ne me regarde pas seulement. Alors sa fille lui cita fort à propos ce verset contre les idoles : Ne servez point ce qui n’entend point, ce qui ne voit point, & ce qui ne vous apporte aucun profit. Il y a des vers turcs sur ce sujet, dont le sens est :

C’est une chose digne d’étonnement, que les gens du monde font la cour aux créatures, & abandonnent celle du créateur,
Ils oublient de demander à celui qui est riche,
Et ils cherchent à être secourus de ceux qui sont eux-mêmes dans la nécessité de demander. * D’Herbelot.


◄  Aboulahab
Aboulaith  ►