Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Abbaye


◄  Abbatius (Baldus)
Index alphabétique — A
Abbaye blanche  ►
Index par tome


ABBAYE, nom qui fut donné aux monasteres d’hommes & de femmes, lorsque leurs supérieurs prirent le titre d’abbés ou d’abbesses. Dans l’empire d’Allemagne on distingue les abbayes en singulieres & collégiales. Les Allemands nomment les premieres Gefurslete & Abteyen, parceque l’abbé de chacune de ces abbayes est prince de l’empire, & a sa voix dans le collége des princes. L’abbé de Fulde, qui est aussi chancelier de l’impératrice, est le plus considérable, & comme le primat de tous les abbés d’Allemagne : ensorte que dans les diètes de l’empire, il a plusieurs fois disputé le rang à l’évêque d’Hildesheim, & même à l’archevêque de Cologne.

abbayes singulieres d’allemagne.
fulde.
Kempten. Pruym.
Saint Gall. Stavelo.
Elwangen. Weissembourg.
Bergtesgaden. Luterbourg.
Corvey. Morbach.
abbayes collegiales.
Weingarden.
Salamonsweyer. Saint Heimeran.
Schussenriedt. Ursperg.
Peterhausen. Quedelimbourg.
Zwyfalten. Essen.
Marchtal. Hervorden.
Saint Peter. Andelaw.

Outre ces abbayes il y en a d’autres qui ont été sécularisés & ajoutées aux états de quelques princes ; comme l’abbaye d’Hirfeld, avec le titre de principauté, qui a été cédée à la maison de Hesse-Cassel par le traité de Munster. Voyez Otton Mencken dans ses notes sur Hornius, où il remarque que le grand-maître de l’ordre de saint Jean a aussi séance avec ces abbés princes. Sous les colléges des prélats dans l’empire, sont comprises les abbesses, à qui la bienséance ne permet pas de se trouver en personne dans les diétes, où l’on traite des affaires d’état, mais elles y envoient des députés qui agissent en leur nom. Il y a quinze de ces abbayes que je mets ici selon l’ordre où elles se trouvent dans Imhoff, en sa notice des princes de l’empire, liv. 3, ch. 29.

Essenden. Herford. Heggenbach.
Buchauw. Gerenrod. Gutenzel.
Quedelimbourg. Ratisbonne. 2. Ab. Roten Munster.
Andlaw. Bortscheid. Baindt.
Lindaw. Gandersheim.

L’abbaye de Lindaw & les quatre derniers sont du banc des prélats de Souabe, les dix autres sont des cercles du Rhin.

Il y a aussi des abbayes royales ou impériales, qui sont des monasteres bâtis & fondés par la libéralité des rois ou des empereurs, dont ils dépendent immédiatement, & qui sont exempts de la jurisdiction des évêques. Elles ont ce privilége, que les abbés ne peuvent être nommés ni investis que par les mêmes princes de qui ils reçoivent la crosse, comme on voit que cela se faisoit anciennement, par la charte de l’empereur Henri II, en date de l’an 1012, & par le témoignage de Suger dans l’Histoire de Louis VI roi de France. Snger, après la mort d’Adam, abbé de saint Denys, fut élu par tous les moines ; mais cette élection n’eut point d’effet, qu’après que le roi, qui n’en avoit rien su, l’eût établi de son autorité, comme une personne qui lui étoit agréable. Comme ces abbayes étoient l’effet de la libéralité des rois, les abbés étoient tenus à de certains services, & sur-tout d’aller ou d’envoyer quelqu’un pour eux à la guerre : ce que du Fresne nous apprend par plusieurs exemples des mêmes abbés de saint Denys & de ceux de saint Sulpice de Bourges. Dans la cérémonie de l’hommage qu’ils rendoient au roi, ils s’exprimoient en ces termes : Sire, je deviens votre homme lige, & vous promets loyauté jusqu à la mort.

Les abbayes de femmes, du moins en France, n’ont commencé que vers l’an 567, après que la reine Radegonde, quatriéme femme de Clotaire I, qui aimoit la solitude, eut fondé un monastere à Poitiers sous le titre de sainte Croix. Cet exemple fut suivi de plusieurs femmes, & peu à peu le royaume s’est rempli d’abbayes, parmi lesquelles il y en a de très-riches & de fondation royale, comme Chelles, Poissi, &c. Dès le troisiéme siécle il y a eu des filles qui prenoient la résolution de ne se point marier, comme nous l’apprenons de Tertullien & de saint Cyprien ; mais elles demeuroient dans la maison de leurs peres ou de leurs proches parens ; elles n’étoient point récluses à part, & se contentant de porter un voile, elles se trouvoient aux assemblées publiques de piété avec les autres fidéles. Telles étoient Paule & Eustochie à qui saint Jerôme écrivoit souvent. Depuis la fin du VI siécle seulement, comme nous venons de dire, on commença de bâtir des abbayes de filles, & ou croit que celle de Jouare en France est une des plus anciennes ; qu’elle fut fondée au commencement du septiéme siécle, & que sa premiere abbesse fut Thelechilde, sous laquelle vécut long-temps sainte Bertille, premiere abbesse de Chelles. On a donné des abbayes aux femmes mariées, comme l’a remarqué Christophe Justel, dans son histoire de la maison d’Auvergne, l. 1, c. 6. Il en produit pour preuve une charte du monastere de Brioude de l’année 879. « Comme les seigneurs, dit-il, prenoient alors le nom des bénéfices ecclésiastiques dont ils jouissoient par bénéfice des rois, & se disoient abbés, abbates laici, abbates milites, abbatioli, abbatiarii, quoiqu’ils n’en eussent pas le titre, ains la seule jouissance du revenu ; & comme ceux qui avoient la dignité de comtes étoient quelquefois appellés abbicomites, dont l’histoire fournit plusieurs exemples, les bénéfices se bailloient aussi aux femmes mariées. Alpaïs, femme de Begon comte, fut abbesse de saint Pierre de Reims : Thietberge, femme de Lothaire, abesse d’Avenai l’an 864 ; Berthe, belle-mere d’Othon premier, abbesse de Merenstein, l’an 952 ; Rhotilde, belle-mere de Hugues le Grand, abbesse de Chelles ; Ogine, mere de Louis IV, & Gerberge sa femme, abbesses de sainte Marie de Laon. » voyez le titre d’ABBÉ & de FRANCE.


◄  Abbatius (Baldus)
Abbaye blanche  ►