Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Abbassa


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ABBASSA, sœur de Aaron, ou Haroun Raschid, cinquiéme calife de la race des Abbassides, fut mariée par son frere à Giafar, à condition qu’ils ne coucheroient pas ensemble. L’amour fit oublier aux deux époux l’ordre qu’ils avoient reçu ; & ils eurent bientôt un fils qu’il envoyerent secretement élever à la Mecque. Le calife en ayant eu connoissance, Giafar perdit la faveur de son maître, & peu après la vie ; & Abbassa chassée du palais, fut réduite à l’état le plus misérable. Plusieurs années après une dame qui la connoissoit, touchée de son malheur, lui demanda ce qui le lui avoit attiré. Elle répondit qu’elle avoit eu autrefois quatre cens esclaves, & qu’elle se trouvoit dans un état où deux peaux de mouton lui servoient, l’une de chemise & l’autre de robe ; qu’elle attribuoit sa disgrace à son peu de reconnoissance pour les bienfaits qu’elle avoit reçus de Dieu ; qu’elle reconnoissoit sa faute, en faisoit pénitence, & vivoit contente. La dame lui donna alors cinq cens dragmes d’argent, qui la rendirent aussi joyeuse, que si elle eût été rétablie dans son premier état. Abassa avoit beaucoup d’esprit, dit-on, & faisoit fort bien des vers. Ben Abou Hagelah en a donné pour preuve ceux qu’elle écrivit à Giafar son époux, avant que d’avoir violé l’ordre rigoureux de son frere. Elle exprime ainsi sa passion pour lui dans ce sixain :

J’avois résolu de tenir mon amour caché dans mon cœur,
Mais il échape & se déclare malgré moi :
Si vous ne vous rendez pas à cette déclaration, ma pudeur
se perdra avec mon secret.
Mais si vous la rejettez, vous me sauverez la vie par votre refus.
Quoi qu’il arrive, au moins je ne mourrai pas sans être vengée,
Car ma mort déclarera assez qui a été mon assassin.
* D’Herbelot, bibliot. orient.