Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/A


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Index alphabétique — A
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Index par tome


LE GRAND

DICTIONNAIRE

HISTORIQUE,

OU

LE MÉLANGE CURIEUX

DE L’HISTOIRE

SACRÉE ET PROFANE.

A

Cette lettre est la premiere de l’alphabet dans toutes les langues qui nous sont connues, excepté l’éthiopienne, ou elle la treiziéme, & tient lieu de toutes les voyelles. Elle est voyelle dans les langues grecque & latine, & dans les autres qui ont cours en occident. Elle l’étoit aussi autrefois dans les langues orientales comme dans le samaritain & dans l’hebreu, où elle tenoit lieu de notre A. Mais depuis l’invention des points, les Juifs en ont fait une consonne muette qui ne sert que d’aspiration, & à laquelle on donne le son de l’A, de l’É, de l’I, de l’O & de l’U, selon les différens points que l’on y joint pour déterminer sa prononciation. Il semble que de tous les sons il n’y en ait point de plus naturel que celui de cette lettre : il ne faut qu’ouvrir la bouche pour la prononcer. En effet, c’est le premier son que les enfans commencent à former ; & chez tous les peuples qui différent même entr’eux d’idiome & de langage, il sert naturellement à exprimer quelques mouvemens de l’ame : tels que sont ceux de l’admiration, de la douleur, &c.

Les Hebreux & les Arabes emploient leur Aleph ; & les Grecs leur Alpha, pour désigner le nombre premier i. Les Latins se sont aussi servi de cette lettre comme d’un chiffre, mais non pas si fréquemment. Elle signifie chez eux 500, comme on le voit dans Valerius Probus. Il y a des vers anciens qui marquent les lettres significatives des nombres, dont le premier est

Possidet A numeros quingentos ordine recto.
Quand on mettoit un titre ou une ligne droite au-dessus de l’A, il signifioit cinq mille.

Cette lettre étoit hiéroglyphique chez les anciens Egyptiens, dont les lettres étoient représentées par des animaux différens. On conjecture que celle-ci représentoit l’Ibis, parceque la marche triangulaire de cet animal a beaucoup de rapport au triangle, qui est la figure de l’A. Dans le langage de l’Ecriture Alpha marque le commencement & le principe de toutes choses. C’est en ce sens que Dieu dit dans l’Ecriture qu’il est l’alpha & l’omega, le commencement & la fin.

A chez les Latins dans les jugemens signifioit absolvo : ce qui l’a fait appeller une lettre salutaire ou de grace, parcequ’on s’en servoit pour déclarer innocent celui qui étoit accusé. Dans les inscriptions ou médailles, A se met pour Augustus, œdes, œdilis, œdilitas, œre, œrarium, ager, albo, amicus, anima, anni, annis, anno, antiquo, argentum, aula, &c.

Dans les noms propres A est souvent mis pour Aulus.

On se sert de la lettre A chez les Grecs & les Latins dans la composition des mots. Les Grecs l’emploient sur-tout pour signifier une négation ou privation de ce que signifie ordinairement le terme à la tête duquel il est ajouté.

Sur les différentes significations de la lettre A, * consultez Isidore, etym. lib. 1. Pierius, hieroglyph. lib. 47. Ludolphus, hist. ethiop. Vossius. Sanctius. La méthode latine de Port Royal, au traité des Lettres.

A.D. dans les lettres que les anciens s’écrivoient, signifioit ante diem. Des copistes ignorans n’en sachant pas la signification, en ont fait ad. C’est ce qu’on voit dans plusieurs éditions des lettres de Ciceron, où on lit ad iv. Kal. ad vj. Id. ad üj. Non. &c. au lieu d’ante diern iv. &c. comme il faut lire, ainsi que Paul Manuce l’a remarqué. On trouve dans Valerius Probus A.D.P. pour dire ante diem, pridie.


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