Le discours d’une tres-grande cruauté commise par une damoyselle nommee Anne de Buringel

A Lyon, pour Jehan Bourgeois libraire, tenant sa boutique sus le pont de la Sosne. M. D. (p. Gt.-15).
LE
DISCOVRS
D’VNE TRES-GRANDE
CRVAVTÉ COMMISE PAR
vne Damoyſelle nommee Anne de Buringel,
laquelle a fait empoiſonner ſon mary, ſon pere,
ſa ſœur, deux petis neueux qu’elle auoit, &
de la mort d’vn ieune Gentilhomme qui ſ’en
eſt enſuyuie, le tout pour la paillardiſe. Et
comme ſ’eſtant remariee auec ſon paillard,
Dieu a permis que la verité a eſté cogneuë, &
de la punition d’iceux par iuſtice.
Le tout aduenu à Lucere ville ſituee en
Italie quatre iournées pres de Naples,
au moys d’Auril, 1587.
Preſentee à Noble homme Iean de Columbet,
Gentilhomme ordinaire de la maiſon de
Monſeigneur le Duc de Guyſe.
A LYON,
Pour Iehan Bourgeois Libraire, tenant la
boutique ſus le Pont de la Soſne.
M. D. LXXXVII.
Auec Permiſsion.

LE VRAY DISCOVRS
D’VNE CRVAVTE EXERCEE
par vne Damoiſelle enuers ſon
mary, ſon pere, ſa ſœur & deux
de ſes neueux.


A Lvcere, ville diſtante de quatre iournees de Naples, il y auoit vn bon Gentilhomme d’ordonnance, nommé le Seigneur Alexandre de Buringel, lequel auoit deux filles, fçauoir Anne & Luciẽne, leſquelles il maria haultement ſelon leur qualité : le Seigneur Apian de Boyſe Chancelier de Naples homme fort docte, ſage & vertueux, eſpouſa Anne la plus aiſnee, & Alphonſe de Barſeils eſpouſa Lucienne. Les nopces faictes, & la feſte paſſee ne demeura pas long temps que le Seigneur Apian ſ’en alla à Naples, prenant congé de ſa femme, ſ’achemina à Barſeils pour veoir ſes beaux freres & ſœurs, y ayãt ſeiourné quelques iours ſ’en alla en grãde diligẽce pour parfaire ſon voyage. Cependant Anne demeura ſeule longuement, dont elle commença à ſe douloir, & penſa en elle comment elle pourroit faire quelque feruiteur pour tenir la place de ſon mary, voyant qu’elle eſtoit fort ſolicitee de Maurice Taleys, beau, ieune & hardy, d’aſſez baſſe condition & de mauuaiſe vie, elle meſme bruſloit tous les iours de l’amour de Taleys, & luy d’elle : tellement qu’elle laſcha la bride à toutes ſes voluptez, quictant la foy & amour coniugalle. Le Seigneur Apian ſon mary la manda pluſieurs fois, ce qu’elle refuſa. Le mary indigné, luy remanda derechef de ne faire faute de le venir trouuer, vſant de menace : la Damoyſelle ſ’eſtant excuſee, luy remanda qu’elle eſtoit malade, & craignoit que l’air de Naples ne la feit mourir. Vn iour eſtant auec ſon fauory Taleys, luy monſtra les lettres de ſon mary, ou en fin conſpirerent la mort du Seigneur Apian : La cõcluſion eſtoit qu’Anne deuoit aller viſiter ſa ſœur Lucienne à trois iournees de Lucere, au chaſteau de Barſeils, ou par ſemblable ſe deuoit trouuer Taleys, & là parferoient leurs machinations. Elle eſtãt aduertie que ſon beau frere eſtoit allé en quartier pour faire mõſtre, monta à cheual & ſ’achemina pour aller veoir ſa ſœur. Eſtant pres du chaſteau, enuoya ſon laquaiz pour l’aduertir de ſa venuë, dont la Damoyſelle fut bien ioyeuſe, & ſ’en alla au deuant de ſa ſœur, menant auec elle ſes deux petis fils : ayant premierement donné ordre à ſa maiſon pour la feſtoyer. Or apres la reception & les accollades faites, ſ’acheminerent iuſques au Chaſteau ou ayant mis pied à terre, trouuerent la nappe miſe, lauerent les mains, & ſ’aſſirẽt en table, ie vous laiſſe à penſer la bonne chere que luy feiſt ſa ſœur. Apres diſner les Deux Damoyſelles commencerent à deuiſer du gouuernement de leurs maiſons & maris, ou Lucienne loüa grandement les vertus de ſon mary, l’aſſeurant bien que ſ’il eſtoit preſent, qu’elle ſeroit mieux traittee qu’elle n’eſtoit, priant ſa ſœur de l’excuſer. Anne en ſouſpirant la remercia luy diſant : Certainement ma ſœur, Dieu vous a faict vne plus grand grace qu’a moy, eſtant ainſi bien pourueuë de mary : & ne m’esbahys maintenãt de l’amitié que mon pere vous a touſiours portée au pris de moy, vous ayant trouué party ſi bien à voſtre deſir. Luciẽne luy reſpond : Il vous plaiſt de le dire, car ſans cõparaiſon vous eſtes plus richement & hautement mariee que ie ne ſuis. Anne luy diſt : laiſſons les richeſſes à part, ie voudrois ſeulement eſtre auſſi bien mariee que vous eſtes, & auoir vn mary duquel i’euſſe contentement, car à la verité ie ſuis auſſi mal pourueue de mary que pauure Damoyſelle qui ſoit en ce pays, & ne penſez pas que ie die ces propos pour vous porter enuie, ne qui vous puiſſe preiudicier : mais i’en donne le blaſme à noſtre pere, de m’auoir ſi mal pourueue. Lucienne reſpõdit pluſieurs fois : mon frere voſtre mary eſt venu ceans, de ſa grace, & a demeuré quelques iours, non tant comme nous deſirions, ou nous l’auons trouué en tous ſe faicts ſi honorable & graue, que ne le ſçaurions blaſmer : & meſmes par pluſieurs fois m’a raconté la bonne amour qu’il vous portoit, & nous monſtra lettres de voſtre refus de l’aller trouuer dans Naples, vous excuſant eſtre malade, & craignez l’air d’iceluy. Outre nous diſt qu’il ſeroit cõtent ſ’il pouuoit, ſ’abſenter pour quelque temps de Naples, pour ſe retirer à ſa maiſon : ce qu’il ne pouuoit faire pour l’amour de ſa charge. Anne fort courroucee reſpond : O Dieu quelle pitié ? Ie penſe en moy que mes malheurs augmentent iournellement de plus en plus, pour ce que celle qui me deuroit conſeiller & ſecourir ſe mõſtre à demy ennemye, adiouſtant pluſtoſt foy aux parolles feintes de mon mary qu’aux miennes ? Parquoy ſi vous le cognoiſſiez auſſi bien que moy vous ne diriez pas tels propos, & n’eſtes pas bien informée des actes & bons tours qu’il faict à Naples non content d’vne fauorite, en a trois, voire quatre : & ne ſe fault esbabyr ſi nous n’auõs lignee choſe qui me contriſte grandement, & ſerois biẽ courroucee de vous declarer vne choſe que i’ay ſur le cœur encores que vous ſoyez ma ſœur. La ieune Damoyſelle adiouſtant foy à ſes parolles, luy diſt : Ma biẽ aymee ſœur, ie vous prie ne trouuer eſtrange les propos que ie vous ay dit de prime face, car à ce que ie vois les hõmes ſont mal-ayſez à cognoiſtre : Mais en ces affaires, il nous conuient prier Dieu, & comme vertueuſes eſſayer par tous moyens d’attirer la grace de noz marys, & certainemẽt Dieu changera leur courage. Ie ne dis pas cecy pour moy car (comme ie vous ay dict) ie n’ay nulle occaſion de me plaindre.

Sur ces propos arriuerent quelques Damoyſelles voiſines de Luciẽne, qui fut cauſe de dõner fin à leurs deuis : & apres ſ’eſtre entre ſaluées commencerent à deuiſer en attendant l’heure du ſoupper ou la Damoiſelle du chaſteau pourueut. Incontinent arriua Maurice Talleys, & deux autres Gentilshommes qui furent les bien venuz & bien feſtoyez. Apres ſoupper ſ’en allerent pourmener au iardin ou Talleys print Anne ſa fauorite, ſous les bras, & commencerent à deuiſer comment ils parferoient leur entrepriſe. Elle commẽça ſon propos diſant : Mon bien aymé, vous ſçauez comme i’ay eſté mariée malgré moy à ce vieiliard qui ne tient conte de moy, & crains qu’il ne ſçache noſtre fait, & comme tout ſe paſſe : vous aſſeurant que ſ’il en eſt aduerti c’eſt fait de vous & de moy auſſi, & le plus expedient eſt de le faire mourir le plus finement qu’il ſera poſſible, affin que ſans murmure nous puiſſions acheuer noz amours en ioye : toutesfois à la charge de me prendre à femme & eſpouſe, ie vous feray le plus riche & opulent du pays. Le malheureux reſpondit : Ie vous iure & vous promets, que ie ne vous veux deſobeir en façon que ce ſoit, & accompliray tous voz deſſeings. Or bien donc vous irez à Naples & ie vous bailleray laquaiz auec lettres que i’enuoyeray à mon mary, & incõtinent que l’aurez cogneu regardez les moyens les plus ſubtils pour exterminer ce meſchant, donnant fin à mes malheurs, & pour le plus expediẽt ie trouue qu’il ſeroit de le faire mourir par poiſon, affin qu’on ne ſ’en apperçoiue. Talleys trouua bon ce conſeil : Ce pendant l’heure de dormir ſ’approcha, & les Gentilshommes furẽt menez en vne chambre & les Damoyſelles en vne autre. Les deux ſœurs coucherent enſemble, où Anne n’oublia à expedier les lettres pour enuoyer à ſon mary. La nuict elle ne pouuoit repoſer ne dormir, ains touſiours ſouſpiroit, cõſpirant ſa malheureuſe entrepriſe. La pauure Lucienne la reconfortoit le plus qu’elle pouuoit. Le lendemain matin les Gentils-hommes prindrent cõgé des Damoiſelles, & Anne n’oublia à enuoyer ſon laquaiz, & donner la poiſon à Talleys ainſi qu’il l’auoyent propoſé. Eſtant arriué à Naples, regarda ou le laquaiz alloit, & ayant veu le Seigneur Apian, luy feit la reuerẽce luy preſentant tout humble ſeruice dont il le remercia. Pluſieurs iours luy faiſoit careſſes & ſalutations, l’accompagnant par tout où il alloit. Vn iour il fiſt vn banquet, où il pria le Seigneur Apian de ſ’y trouuer, ce qu’il luy accorda. Voyant l’heure propre, ayant apoſté hõme expres, pour executer le fait, auquel il donna cinquante eſcus, feit empoiſonner le Seigneur Apian miſerablement. Ce fait, de pœur que le fait ne fut reuelé, eſpia tãt qu’il miſt à mort celuy qui l’auoit empoiſonné, & monta à cheual s’en retourna à Lucere eſpérant y trouuer ſa fauorite, pour luy compter le tout. Ce bon Seigneur Apian ſe trouuant ſaiſi de mal, delibera ſe retirer en ſa maiſon ou il ne peut, & deceda à deux lieues près. Anne eſtant à Barſeils auec ſa ſœur fut aduertie par le laquaiz qu’elle auoit enuoyé, du departement de ſon mary, pour venir en ſa maiſon dont elle mõſtra ſigne de ioye, & prenant congé ſe retirant à Lucere où elle trouua ſon mary decedé, dont elle monſtra ſemblant de mener grand dueil. En fin fiſt faire les funerailles, où pluſieurs Gentilshõmes ſ’y trouuerent, ſpecialement le pere de la Damoyſelle qui tous enſemble la reconforterent. Les obſeques faites chacun ſe retira à ſa maiſon. Talleys vint viſiter ſa Dame, ou il conta tout le fait dõt elle fut ioyeuſe, diſant : nous pourrons deſormais viure enſemble auec contentement & ſans crainte. Il ſeroit bon de me faire demander en mariage à mon pere, car vueille ou non, ie n’auray iamais autre que vous. Talleys n’oublia à faire ce que ſa Dame luy auoit enchargé, à laquelle le pere ne feit aucune reſponſe : de quo’y eſtãt aduertie (poſſedee du diable) fut troublee, & imagina comment elle ſe pourroit venger de luy, & le faire mourir : ou ſans autre deliberatiõ propoſa d’empoiſonner ſondit pere, ſa ſœur, & ſes deux neueux, pour mieux faire à ſon plaiſir, ſans contredit & iouïr des biens. Ce pendant le Seigneur Alphonce de Barſeils tomba malade à ſa maiſon, ou le pere de Lucienne l’alla viſiter & le feiſt tres bien penſer : ce neantmoins il deceda, dont le pauure pere & Lucienne furent grandement marris : & le feirent enſepulturer honorablement. Les funerailles faites le pere ſe retira à ſa maiſon, laiſſant Lucienne & ſes deux petis enfans.

Vn peu apres le pere print volonté de faire vn voyage en France : parquoy il delibera de feſtoyer tous ſes amis, entre leſquels il manda ſes deux filles. Anne n’oublia à continuer & braſſer ſa cruelle entrepriſe. Le bãquet fut beau & honorable : le pere meu de ioye, demanda du vin, Anne faiſant la bonne chambriere print la taſſe de ſon pere & y mit le poiſon dedans, ayãt fait verſer du vin d’vne alegreſſe, la preſenta à ſon pere, lequel beuuãt à toute l’aſſiſtance ſans ſoy douter du poyſon, dont en bref iours il deceda, au grand contentement d’Anne & de ſon paillard. Lucienne fut mandee aux funerailles du pere, laquelle amena ſes deux fils : eſtant arriuee Anne luy feiſt grande reception, la priant de venir loger en ſa maiſon, ce qu’elle feiſt, où elle feiourna quelque temps à la mauuaiſe heure : car ſa ſœur voyant l’heure propre à ſon deſſeing luy bailla vn pareil bruuage qu’elle auoit fait à ſon pere, parquoy la bonne Dame ſe ſentant fort malade, ſe retira en ſa maiſon, ayant laiſſé ſes deux enfans en garde à ſa ſœur. Eſtant arriuee ne ſeiourna gueres que la pauure Lucienne deceda, dequoy Anne aduertie feignant en eſtre bien marrie monta à cheual pour aller à Barſeils, pour faire ordõner les funerailles. Et auant que partir donna ordre à ſa maiſon, laiſſant la garde d’icelle à vne ſienne tante, enſemble ſes petis neueux leſquels elle luy recommãda ſur toutes choſes. Mais la malheureuſe leur auoit donné tel breuuage qu’à la mere, leſquels pource qu’ils eſtoient ieunes & tẽdres ne pouuant longuement ſupporter, moururent bien toſt apres le depart de ceſte malheureuſe tante. Eſtant à Barſeils feit enterrer ſa ſœur, en menãt grãd dueil : quelques iours apres elle print poſſeſſion des biens, tãt de ſon pere que de ſa ſœur, faiſant ſemblant de vouloir garder le droict de ſes neueux. Ce fait, ſ’achemina à Lucere, ou trouuant les enfans morts & enterrez feit grand dueil : tellement que nul ne ſe pouuoit appercevoir de ſa trahiſon & cruauté. Ayant fait toutes choſes à ſouhait ne demeura guere qu’elle ſe maria auec maurice Talleis ou la feſte fut grãde, & y aſſiſterent beaucoup de Nobleſſe. Le mariage conſommé Talleis voyant qu’il auoit ce qu’il deſiroit, commença à ſe déborder, hanter ieuz, feſtins & banquets, dont Anne commença à entrer en ialouſie & le hayr, & par tout le meſpriſoit. La parole de Dieu eſtant veritable, qui ne permet que tels meſchans actes demeurent impunis, à fin qu’vn chacun prenne exemple, principalement les enfans pour les tenir touſiours en crainte en l’amour de Dieu, & de leurs peres, meres, parens & amis.

Le Diable voulant acheuer la perdition de ceſte miſerable Anne, ſema telle diſcorde entre le mary & elle, qu’ils ne ſouhaittoient que la ruine l’vn de l’autre. Le Seigneur Anthoine de Boiſe, neueu du ſeigneur Apian decedé par poiſon, premier mary d’Anne, ſe maria, où il feiſt ſemondre pluſieurs Gentilshommes, & entre autres inuita Talleis & ſa femme. La cõpaignee eſtant aſſemblée ſe reſiouyſſant les vns auec les autres, Talleis commença fierement à regarder ſa femme, & l’appellant meſchante, racontant à ſes plus familiers amys, qui eſtoient pres de luy, le deshonneur qu’elle luy faiſoit. Au contraire elle diſoit qu’elle l’auoit mis en biens, & qu’on ſçauoit bien qui elle eſtoit, & luy auſſi. Talleis ſe voyant meſpriſer, la heurta du pied ſous la table, tellement que ſe ſentant blecee, l’appella meurdrier & empoiſonneur, & qu’il auoit faict mourir ſon bon ſeigneur & amy feu ſon mary. Talleis miſt la main à la dague pour la frapper, eſtant empeſché par quelqu’vn de la compaignee : la dague eſchappa de ſes mains, & ſ’alla planter aux coſtez d’vn ieune Gentilhomme de bonne apparence, duquel coup il mourut. Le ſeigneur Anthoine de Boyſe, ayant entendu ces propos, & voyant le meurtre fait en ſa maiſon, enuoya querir la Iuftice, laquelle en grande diligence empoygnerent Talleis & Anne ſa femme, & furent tellement pourſuiuies en Iuſtice, que le pauure Talleis cõfeſſa tout le fait, la maniere de la poyſon : & cõment il auoit fait mourir celuy qui auoit empoiſonné le Seigneur Apian, & que tout ce qu’il auoit fait eſtoit du cõſentement & par le conſeil de ſa malheureuſe femme. La femme eftãt interrogee derechef ſeparément, ſouſtenoit eſtre ignorante du faict, qui troubla grandement la Iuſtice : toutesfois par ſubtils moyens l’attirèrent, & confeſſa veritablement auoir conſenti à la mort de ſon feu mary, ou lui eſtant remonſtré qu’elle meritoit punition : luy amenant la miſericorde de Dieu deuant les yeux, le iugement horrible de noſtre Seigneur, qu’il fera des meſchans. Elle ſe ſentãt coulpable & conuaincuë commença à ſoupirer, eſtant meuë de repentance confeſſa auoir empoiſonné ſon pere, ſa ſœur, & ſes petis neueux : le tout à la perſuaſion du Diable, concupiſcence de ſes deſirs, voluptez charnels, la malheureuſe ambition, ardeur d’auarice, & conuoitiſe : implorant la miſericorde de Dieu, & la douceur de Iuſtice.

La ſentence donnée à l’encontre de Talleis
& d’Anne ſa femme, pour les
meurtres, & empoiſonnemens
par eux commis.



L A Iuſtice ayant le tout rapporté & la confeſsion de tous les deux verifiee par la Iuſtice furent condamnez à faire amende honorable, nuds en chemiſe, la corde au col, chacun vne torche ardãte au poing deuant la grande Egliſe : & là crier mercy à Dieu & à la Iuſtice. En apres furent menez & conduits par l’exécuteur de la haute Iuſtice, à la place publique, où eſtant arriuez eurent la langue & le poing couppé, ce faict furent decapitez : les teſtes miſes en vn lieu eminent & d’apparence pour mémoire à touſiours : les corps bruſlez & conſommez en cendres. Où auãt que de finer leurs iours, la pauure Damoyſelle monſtrant ſigne de grande repentance, leuant ſouuent les yeux au ciel, ſupplia l’aſsiſtãce de bien enſeigner & inſtruire leurs enfans en bonnes mœurs & en la crainte de Dieu, & addreſſant ſa voix aux enfans, les exhorta de prendre exemple à elle : & que ils euſſent touſiours la craincte de Dieu deuant les yeux, rendans obeiſſance a leure parens & amys : & que fouuent ils euſſent à rememorer ce piteux ſpectacle. Faiſans priere à Dieu, & à la vierge ſacrée Marie leur vouloir pardonner leurs fautes commiſes, & à eux de ne tomber en telles extremitez, cruautez & accidens.

Ha mort tu m’eſpie.