Le dernier des Trencavels, Tome 4/Livre vingt-septième

Traduction par Henri Reboul.
Tenon (Tome 4p. 33-69).


LIVRE VINGT-SEPTIÈME.

Le Templier.


Que faisait cependant la malheureuse Cécile ? Elle souffrait et priait. L’ennui était la moindre de ses peines. Les soucis inquiets occupaient ses veilles, troublaient son sommeil. Son chagrin allait toujours croissant et ne lui semblait plus avoir d’autre terme que la mort. Elle avait cherché d’abord à se complaire dans les exercices pieux du monastère, et les partageait en offrant à Dieu ses souffrances, comme autant d’expiations d’une faute presque involontaire. Trencavel était l’objet de ses constantes prières. Ce n’était point le succès de ses armes et le recouvrement de ses états qu’elle demandait à Dieu, mais le repos de son cœur et la conquête de son épouse.

L’abbesse lui témoignait beaucoup d’intérêt et gagna sa confiance. Cécile lui fit l’aveu de ses peines, de ses regrets, de ses espérances. Le caractère de l’abbesse était doux et bienveillant, sa vie n’était point austère ; elle vivait selon les habitudes de l’âge mûr, sans décrier les fleurs du jeune âge, et ne cherchait point à devancer la vieillesse par les austérités de la vie monastique. Elle plaignit et aima l’épouse de Trencavel, essaya de la rassurer et de la consoler. Quoique Cécile ne fut pas au nombre des religieuses, cette bonne abbesse voulut être choisie pour son confesseur, ignorant, ou feignant d’ignorer que le pape Innocent III avait prohibé à ses pareilles l’exercice d’une fonction réservée aux prêtes de l’Église(1).

Le procureur des templiers venait souvent au monastère. Il paraissait avoir beaucoup d’ascendant sur l’esprit de l’abbesse, et comme c’était lui qui prenait soin des affaires temporelles de la communauté, tous les subordonnés lui obéissaient avec empressement. Il ne négligeait aucune occasion de voir la fille de Foulques, et de s’entretenir avec elle. Cécile était aussi soigneuse d’éviter ces rencontres, qu’il se montrait attentif à les chercher. Les rigueurs de l’hiver vinrent ajouter à la tristesse de Cécile ; elle vit, pendant plusieurs mois, sa demeure entourée de neiges inabordables, et se crut encore plus séparée de son époux. — Le printemps succéda aux frimas, les neiges disparurent ; mais aucun messager ne venait dissiper les inquiétudes de la malheureuse recluse, et, après avoir passé la journée dans une attente toujours trompée, elle répétait, chaque soir, en disant ses prières : « Ô mon Dieu ! suis-je abandonnée de mon père et de mon époux ? »

Une nuit comme elle dormait d’un sommeil inquiet, elle se sentit réveillée par un bruit soudain, et entendit en même tems une voix dont les sons étaient étouffés. Saisie de frayeur, elle se mit sur son séant. « Ne craignez rien, » lui dit la voix sépulcrale qu’elle avait déjà ouïe, « je viens de la part du seigneur Trencavel. J’étais son écuyer. Votre époux, revenant d’Italie, se rendait auprès de vous, n’ayant que moi pour compagnon ; des brigands nous ont assaillis près de la chapelle de N.-D. de Héas. Nous avons défendu chaudement notre vie ; mais votre époux eût succombé inévitablement sans le secours divin. Au bruit d’une voix descendue du Ciel, les brigands ont pris la fuite, et nous, blessés et harassés de fatigue, nous avons pu nous traîner jusqu’à la chapelle sainte. Elle était fermée et nous étions seuls dans ce désert ; à peine avons-nous atteint le seuil de la porte, que les blessures du vicomte se sont soudées et guéries miraculeusement. Les miennes étaient plus profondes, la même grâce ne m’était pas réservée, L’ange de la mort est venu fermer mes yeux, en me disant que la miséricorde divine avait effacé mes péchés en considération de ma fidélité et de mon dévouement à celui qu’elle avait fait monseigneur. Il m’a ensuite ordonné au nom de la mère de Dieu qui protège Trencavel et son épouse, de venir vous informer de ces évènemens, et de vous annoncer que le prince, sauvé miraculeusement des mains de l’enfer, serait par la même puissance introduit auprès de vous. Livrez votre âme à la joie, et préparez-vous à recevoir la nuit prochaine celui qui vous est si cher. Votre divine protectrice veut mettre un terme à vos regrets et à vos larmes. »

Ces paroles achevées, Cécile n’entendit plus aucun bruit autour d’elle. Le désordre de ses pensées était extrême ; le charme de cette illusion la séduisit d’abord, puis elle refusait sa confiance à une relation aussi inattendue, et bientôt après se reprochait son incrédulité.

L’agitation, peinte sur son visage frappa les yeux de l’abbesse ; elle voulut en connaître la cause, et la naïve Cécile lui fit la confidence de sa vision, et de toutes les pensées que ce phénomène avait fait naître dans son esprit.

L’abbesse après avoir mûrement réfléchi, dit à Cécile : « Rien n’est plus embarrassant, ma chère fille, que de distinguer dans les apparitions nocturnes celles qui viennent de Dieu, de celles qui viennent des démons ; quelquefois même les tromperies des hommes se déguisent sous cette forme. J’ai plus d’un motif de craindre que vous ne soyez menacée d’un grand danger. Il faut joindre à nos prières des mesures prudentes, qui nous aident à éclaircir ce mystère. J’imagine un moyen qui m’est sans doute inspiré par la volonté suprême ; nous changerons d’appartement cette nuit, et il me sera facile de reconnaître d’où viendra celui qui vous est annoncé. Si c’est votre époux, je vous l’amènerai et vous lui serez rendue ; si c’est un envoyé du démon, il me trouvera prémunie contre tous les maléfices ; si ce n’est qu’un imposteur de l’espèce humaine, c’est à moi qu’il appartient de le confondre et de le punir. »

Cécile se conforma aux vues de l’abbesse, et lui céda sa chambre et son lit ; elle-même ne put trouver le sommeil dans le lit abbatial. L’inquiétude, l’espérance, et même la curiosité, dominaient toutes ses pensées ; enfin, à une heure avancée de la nuit, elle ne put vaincre le désir et l’impatience de savoir ce qui se passait. Elle sortit à tâtons, et marchant pas à pas, en retenant son haleine, parvint à s’approcher assez de la chambre où était l’abbesse pour entendre les sons confus d’une conversation fort animée. La voix qui frappa son oreille ne lui sembla pas inconnue, mais ce n’était pas celle de Trencavel. Cécile, tremblante, se retira aussitôt vers la cellule qu’elle avait quittée, et s’y tint enfermée avec précaution, dévorée de soupçons et de soucis. Avant le point du jour l’abbesse vint la trouver et eut peine à se faire ouvrir la porte.

« Ô ma mère ! » lui dit Cécile, « quel est cet imposteur qui usurpe le nom de mon époux ? sauvez-moi des pièges de ce misérable ! » — « Vous l’avez deviné, » dit l’abbesse, « un homme perfide et abandonné à ses passions est pire qu’un démon. Celui qui a cherché à vous tromper est le plus dangereux de tous les séducteurs ; il ne faut pas se flatter qu’il renonce aisément à ses poursuites ; il n’est pas moins redoutable par sa puissance, que par ses artifices. » — « Je dois vous avouer, » dit Cécile, « que le son de sa voix m’a rappelé celle du procureur des templiers. »

« Eh bien ! » dit l’abbesse, « connaissez toute l’étendue du danger qui vous menace ; c’est lui-même, c’est Guiraud qui a fixé sur vous ses regards impudiques. Je ne sais ce qu’il pourra imaginer pour contenter sa passion ; mais tout est à craindre de son audace et de sa ruse. Si votre père, si vôtre époux, n’étaient point aussi éloignés de vous, le meilleur parti serait sans doute de rejoindre sans délai l’un ou l’autre ; il ne faut pas se le dissimuler, les murs de ce couvent ne sauraient vous préserver des attaques d’un aussi terrible adversaire. » — Cécile effrayée, tomba aux genoux de l’abbesse. « Ô ma mère ! » dit-elle, « sauvez-moi ! délivrez-moi ! la fuite n’a rien qui m’épouvante ; il me reste des parens dans le comté de Foix ; la sœur de ma mère me recevra avec tendresse. Elle a pris soin de mon enfance et de celle de Trencavel. »

— « Je ne puis songer sans frémir, » dit l’abbesse, « aux hasards du voyage que vous auriez à faire seule et sans protecteur. Il vaut mieux chercher un asile ignoré dans ces montagnes, et attendre, pour en sortir, que vos parens aient pu venir à votre secours. Écrivez à Aliénor ; un messager fidèle lui remettra votre lettre, et reviendra avec ceux qui devront vous accompagner. Pendant ce temps ; vous aurez pour refuge l’habitation isolée d’un pasteur affidé, où vous ne serez vue que de sa famille et de ses troupeaux. J’attends aujourd’hui même ce bon montagnard, qui nous doit apporter son tribut de beurre et de fromage. Il recevra mes instructions ; préparez-vous à le suivre. »

Cécile, rentrée dans sa cellule, se hâta d’écrire à Aliénor une épitre qui fut souvent mouillée de ses pleurs. Elle la conjurait, au nom de Dieu et de tout ce qui lui était cher, de pourvoir à sa délivrance. Puis elle fit choix de ses meilleurs vêtemens, passa à son cou le chapelet béni à Notre-Dame d’Appi, et posa sur son cœur les feuilles où étaient écrits les chants que lui avaient adressés Adon et Trencavel. — Dès que la nuit eut déployé son voile ténébreux, l’abbesse la confia au fidèle villageois, et leur ouvrit elle-même les portes du monastère. « Martial, » dit-elle au berger, « n’oubliez jamais que c’est Dieu qui vous remet, par mes mains, ce précieux dépôt, et que vous devez défendre, au péril de vos jours, la vie et l’honneur de celle dont vous répondez. »

Le berger renouvela ses promesses, et présenta sa main rude et brune à la main délicate de la triste Cécile, qui le suivit en gardant le silence. Martial prit, en sortant du couvent, un chemin détourné et arriva promptement au pied de la montagne ; il aida Cécile à franchir quelques rochers, et la fit marcher dans un sentier élevé au-dessus des édifices de Luz, dont la position était indiquée par quelques lumières scintillantes dans l’ombre de la nuit. Cécile frissonnait en songeant à la demeure des templiers, encore si voisins. Après avoir suivi quelque temps le cours du Gave et entendu son bruyant murmure qui troublait seul le silence de la nuit, il fallut passer à l’autre rive sur un pont fragile et mouvant, jeté entre deux rochers qui surplombent l’abîme(2). Peu de temps après, Martial dit à Cécile : « Nous allons arriver à ma cabane d’hiver ; vous y goûterez quelques heures de repos, vous y échangerez vos vêtemens contre les habits grossiers de notre profession, puis à la pointe du jour nous reprendrons le chemin des pâturages d’été. » — Cécile lui disait : « Traitez-moi comme votre fille ; apprenez moi à traire vos brebis et vos chèvres, à soigner vos laitages. Je vous servirai avec zèle, et, quand je serai rendue à mon père, il vous comblera de biens. » Elle parlait de son père et n’osait rien dire de son époux. — Arrivés à la cabane, Martial alluma du feu, offrit quelques alimens à Cécile ; mais elle n’avait besoin que de sommeil, et s’endormit pleine de confiance, sur le bouge jonché de quelques gerbes de paille qu’avait renouvelées le pasteur. Il la réveilla avant l’aurore et lui fit prendre des habits de sa femme, puis couvrit sa tête d’un capulet qui pouvait servir à la fois à dérober les traits de son visage et à la préserver de la pluie. Ensuite, Cécile, s’appuyant sur un bâton ferré, en guise de houlette, commença à gravir avec Martial les pentes de la montagne d’Aubiste. Elle traversa une longue forêt de hêtres et de sapins ; et, la voyant sous ses pieds lorsqu’elle eut atteint les pâturages supérieurs, il lui sembla que cette barrière devait la préserver de la malice des hommes. Martial voulut arriver avant elle à la cabane d’été, pour prévenir sa femme, qui vint au-devant de Cécile, et l’accueillit avec un cœur ouvert et une âme simple. Ce séjour plut à l’épouse de Trencavel ; elle s’empressa de partager les occupations de ses hôtes. C’était l’affaire de quelques heures le matin et le soir. Pendant le reste de la journée elle parcourait les déserts montueux, s’exerçait à gravir les rochers qui en forment l’enceinte, et se plaisait à découvrir au-delà des contrées qui lui étaient inconnues. Elle était ainsi parvenue au lac de Cestrede et aux sommets voisins, d’où sa vue embrassait à la fois l’énorme pyramide de Vignemale, dont les flancs sont couverts de neiges éternelles, et les masses variées du Marboré et du Mont-Perdu, qui, semblables aux ruines d’une ville de géans, s’élèvent du sein des glaces sous la forme de tours, de bastions, et de murailles démantelées.

Pendant ce temps, le procureur des templiers, informé de l’évasion de Cécile, avait mis en mouvement ses émissaires pour en retrouver la trace. Ceux-ci lui apprirent qu’un messager était parti pour le comté de Foix, mais sans être accompagné de personne. Le templier jugea, d’après ces rapports, que la fille de Foulques était demeurée dans quelque retraite peu éloignée. Parmi les agens de cet homme pervers était une paysanne appelée Brunelle, qui avait acquis quelque renom en exerçant l’art de guérir. On la voyait souvent occupée à cueillir sur les montagnes les plantes médicinales, et en composer des remèdes ; mais elle avait un réduit secret pour se livrer aux opérations de la magie et à l’évocation des esprits de l’enfer.

Guiraud était seul admis à ces mystères, et encourageait par ses dons les travaux de cette femme, dont il espérait recueillir les fruits.

Brunelle fut chargée d’explorer les régions solitaires où les pâtres mènent leurs troupeaux, et vivent, pendant des mois entiers, séparés du reste des humains. Elle parcourut d’abord les pâturages de Bergons, de Pragnières et de Brada, puis vint à ceux de Trimbareille et de Cestrede, remplissant son tablier des fleurs bleues de l’aconit, des grelots violets de la digitale, et des bouquets jaunes de la gentiane(3).

L’œil perçant de la sorcière eut bientôt découvert la nouvelle habitante de ces déserts. Guiraud en fut promptement informé et prépara aussitôt les moyens d’en faire sa proie.

Brunelle reparut au pâturage de Cestrede cueillant les fleurs et fouillant les racines des plantes. Elle épia l’occasion de trouver Cécile seule éloignée de la chaumière, et l’aborda en lui disant : « J’ai d’agréables nouvelles à vous apprendre ; un chevalier m’envoie auprès de vous, il se nomme Trencavel. — « Tu trouveras, » m’a-t-il dit, « dans l’Artigue de Cestrede, sous les habits de bergère, une jeune fille qui est mon épouse. Dis-lui que je suis contraint de me cacher, mais qu’elle vienne me trouver ; tu lui serviras de guide jusqu’à ma retraite. » « Voici, » ajouta-t-elle, « une pièce d’or qu’il m’a donnée pour mon salaire, mais je serais trop heureuse de servir pour rien un si beau chevalier. »

La joie qu’éprouva Cécile, en entendant ces paroles, ne laissa point d’accès aux conseils de la prudence ; elle suivit sans délibérer les pas de la messagère et souvent elle les devançait. Martial avait aperçu ; Brunelle errer dans les prairies à l’entour du bois. Il vit aussi de loin Cécile converser avec cette femme, et son cœur fut saisi d’inquiétude lorsqu’il les vit entrer ensemble dans la forêt, dont lui-même était alors séparé par un ravin profond.

La sorcière fit traverser à Cécile le torrent de Cestrede, et la conduisit sur les pâturages inférieurs de Saugué, dont les eaux semblent, du fond de la vallée, naître sous la voûte d’un moulin qui couronne la cime d’un immense rocher, et tombent en cascade sur les débris entassés d’une montagne(4) écroulée. Brunelle voulut s’arrêter quelque temps dans une cabane déserte au-dessus d’Adagas, afin d’attendre la nuit pour entrer à Gavarnie ; où devait se trouver Trencavel. La nuit vint et fut annoncée par la cloche du village, dont les échos de la vallée répétaient les sons lugubres.

Déjà le soupçon et la crainte avaient succédé à l’espérance dans le cœur de Cécile ; elle arriva au hameau, mit le pied en tremblant sur le seuil de la maison où on lui promettait un époux, et se trouva dans une prison, en face du templier qu’elle craignait plus que la mort.

Guiraud ne lui adressa point de paroles amères ; il se borna à lui reprocher doucement d’avoir désobéi à son père en quittant le monastère de Luz, et à lui faire croire qu’il n’attentait à sa liberté, que pour se conformer aux ordres de l’évêque Foulques. Cécile était anéantie et ne répondit rien. Guiraud la fit monter, par un escalier sombre et étroit, dans une chambre placée au haut d’une tour, et disposée pour la recevoir. Il l’y laissa seule, éclairée par une lampe qui s’éteignit bientôt faute d’aliment. — La malheureuse captive se jeta sur le lit préparé pour elle et, se voyant seule, donna un libre cours à ses larmes. L’accablement où elle était engourdit ses sens et la livra au sommeil. Des rêves douloureux succédèrent à ses vraies douleurs. Le lendemain elle vit entrer la perfide Brunelle qui lui apportait les mets dont elle devait se nourrir. Ils étaient choisis et apprêtés avec soin. « Ce n’est point un geôlier, » dit Brunelle à Cécile, « c’est le plus tendre des amis qui veille ici sur vous. Puissiez-vous l’aimer autant qu’il vous aime ! » — Cécile ne répondit que par un regard dédaigneux. Guiraud vint à plusieurs reprises essayer d’amollir le cœur de sa prisonnière, et osant enfin lui révéler son amour, il évita de l’irriter par des paroles menaçantes, ou des tentatives trop hardies. La sorcière se flattait d’obtenir ce qu’il désirait si ardemment, par le secours de ses sortilèges et des philtres amoureux qu’elle mêlait aux alimens de Cécile. La passion du templier semblait s’accroître de jour en jour par les efforts de la contrainte et par la vue de l’objet qu’il tenait en son pouvoir. Il eut recours aux promesses, aux prières, aux pleurs, aux signes de désespoir ; il offrit à Cécile de passer les monts avec elle, et de choisir en Espagne, ou ailleurs, la demeure qu’elle voudrait habiter. Il lui ouvrait ses trésors, et ne désirait qu’un seul bien au monde, celui de la posséder. Cécile répondait à ses instances en lui demandant de la faire mourir.

Un mois s’était écoulé depuis qu’elle était captive, lorsque les pèlerins de la vallée d’Aran arrivèrent à Gédre et à Luz. Le baron se rendit seul au monastère et se présenta à l’abbesse comme envoyé de Foulques et de Trencavel. Celle-ci avait été instruite par le pasteur Martial du malheur arrivé à Cécile. Elle ne doutait pas que cette infortunée ne fût détenue dans la tour qu’ont fait bâtir les templiers, auprès de l’hospice qu’ils possèdent à Gavarnie. Elle déguisa le mieux qu’elle put la cause qui avait fait sortir Cécile du couvent ; mais elle ne dissimula rien de ce qu’elle savait, ou soupçonnait, touchant les manœuvres de l’artificieuse Brunelle et la prison de Gavarnie.

Les pèlerins ainsi informés quittèrent Luz aussitôt. Le baron jugea à propos, pour écarter les soupçons, de faire aller ses compagnons à la chapelle d’Héas, et de se rendre seul à Gavarnie, où ils viendraient le trouver. Arrivé à l’hospice, il s’annonça comme un médecin, et demanda à être conduit dans les montagnes pour aller à la recherche des simples. Brunelle lui fut indiquée, et, après quelques momens d’entretien, elle consentit à lui servir de guide, espérant obtenir la communication d’une partie des secrets d’un homme qui lui paraissait fort savant. Après quelques tours d’herborisation, le baron, se trouvant seul avec Brunelle dans un lieu écarté, lui tint un autre langage.

« Je sais, » lui dit-il, « qu’une jeune fille trompée par tes artifices est livrée au procureur des templiers, qui la tient enfermée dans la tour. Elle est l’épouse d’un homme, que chérissent les esprits régisseurs de cet univers ; ils m’ont chargé de la rendre à son époux et de la délivrer des mains du templier qui leur est odieux. Si tu veux me seconder dans cette entreprise, un trésor sera ta récompense, et cette bourse remplie de pièces d’or en est le gage. Si tu refuses de me servir, ou si tu cherches à me tromper, ta mort est certaine, et tu n’échapperas pas au pouvoir des esprits. » En disant ces mots, il lui remit la bourse. Brunelle, saisie de frayeur, se sentit rassurée à la vue de tant de pièces d’or. « Comment, » dit-elle, « pourrais-je refuser de servir une puissance comme la vôtre, et essayer de tromper celui qui lit au fond des cœurs ? » — Elle fit alors au baron l’aveu de tout ce qui s’était passé. puis lui donna les détails de la captivité de Cécile, et des persécutions dont elle était entourée par la prévoyance jalouse de Guiraud.

Le baron jugea qu’il serait difficile de pénétrer la triple enceinte de cette prison. Il voulut seulement que Brunelle informât Cécile de l’arrivée prochaine de son époux, et comme il fallait s’attendre que celle-ci, ayant été aussi cruellement trompée une première fois, refuserait toute croyance aux discours de la femme qui l’avait perdue, il fut convenu que Brunelle, à sa seconde entrevue, serait munie d’une lettre tracée par Trencavel, dont l’écriture ne pouvait être inconnue à Cécile. — Le pèlerin et son guide rentrèrent à Gavarnie, chargés de plantes et de fleurs. Brunelle monta à la tour ; le baron alla au-devant de ses compagnons, qu’il vit de loin descendre, aidés de leurs bourdons, sur la pelouse inclinée de Caumelie. Dès qu’il les eut rejoints, Trencavel instruit de ces premières démarches eut peine à retenir son impatience. Le baron ne lui permit point de se montrer à Gavarnie, voulant courir seul les dangers qu’aurait pu produire l’infidélité de Brunelle. Il fit écrire à Trencavel quelques lignes adressées à Cécile, et les emporta avec lui. — Brunelle fit de vains efforts pour persuader à Cécile qu’elle était d’intelligence avec un envoyé de Trencavel, et qu’une lettre de son époux lui serait remise par ses mains. Cécile ne savait comment expliquer ce nouveau piège qui lui était tendu, mais elle était prête à tout croire plutôt que la sincérité de sa geôlière. Quelle fut sa surprise lorsqu’elle vit le lendemain cette femme lui remettre un billet où Trencavel avait tracé ces lignes ! « Ton époux est auprès de toi, il veille sur toi ; il ne sortira plus d’ici qu’avec toi. » — Brunelle saisit ce moment pour lui renouveler toutes ses protestations et demander le pardon de son offense. Elle lui avoua tout ce qu’elle avait fait pour servir la passion du templier, et s’accusa d’avoir préparé des philtres pour la séduire. Elle lui parla de la puissance qu’exerçait sur les esprits l’ami de Trencavel, et des récompenses qui lui étaient promises. À mesure que Brunelle parlait, l’espérance rentrait dans le cœur de Cécile, et les moyens d’échapper à son tyran roulaient confusément dans sa pensée. Enfin, elle se sentit frappée comme d’un trait de lumière, et écrivit au bas du billet ce peu de mots : « Dès que vous verrez un linge blanc aux barreaux de ma prison, allez m’attendre à la brèche de Roland. » Elle rendit ce papier à Brunelle qui le porta au baron. Depuis, les pèlerins venaient d’heure en heure jeter les yeux sur la fenêtre grillée de la tour. Guiraud, dont la patience était poussée à bout par les refus de Cécile, entra dans sa chambre l’œil sombre et avec tous les signes d’une fureur concentrée. « Je ne sais, » lui dit Cécile, « ce qui vous rend si inquiet, tandis que je me sens soulagée d’une manière toute miraculeuse. Une femme, rayonnante de lumière, m’est apparue cette nuit ; elle m’a dit : « Je suis ta mère, et je viens sur la terre pour mettre un terme à tes chagrins ; tu ne pourras être désormais heureuse qu’en oubliant toute ta vie passée pour en commencer une nouvelle. » Elle m’a fait boire quelques gouttes d’un breuvage céleste, et a ajouté en me quittant : « Tu ne trouveras le bonheur qu’en Aragon. » « Quand je me suis éveillée, il ne m’est plus resté qu’un souvenir confus de mes premières années, et mon esprit errant est revenu sans cesse à l’idée que vous m’avez souvent présentée de vous suivre en Aragon par un sentier qui n’est pas fréquenté des voyageurs. » — J’essaierais en vain de peindre le délire où ces paroles jetèrent le templier. Il ne pouvait ni les croire, ni renoncer à l’illusion. Un regard de Cécile acheva de fixer ses incertitudes ; il tomba à ses pieds, elle lui abandonna sa main qu’il couvrit de baisers enflammés. L’ivresse de ses transports allait toujours croissant. Cécile les arrêta en lui disant : « Soyons attentifs à ne pas violer la parole divine ; nous ne sommes point en Aragon. » — « Nous y serons demain, » s’écria Guiraud d’un air triomphant, « et je saurai te rendre la plus heureuse des femmes, comme tu en es la plus belle. »

Le projet de voyage fut arrêté ; Guiraud fit apporter à Cécile un habit de pèlerin, un bâton ferré et des crampons de fer pour attacher à ses pieds pendant la traversée du glacier. Il se retira ensuite pour faire ses préparatifs, et le linge blanc fut arboré aux barreaux de la fenêtre.

Les pèlerins virent avec joie ce signe de délivrance ; et, s’étant munis d’un guide, ils allèrent chercher un gîte pour la nuit dans les pâturages de Marboré. — Trencavel, en s’enfonçant dans la vallée, détournait sans cesse les yeux vers la tour de Gavarnie. Dès qu’il l’eut perdue de vue, son attention fut absorbée par l’aspect des lieux. dont il était entouré. La vallée semblait se terminer dans un abîme profond, bordé de murailles inaccessibles. De vastes plateformes chargées de neiges se succédaient en amphithéâtre au-dessus de l’escarpement et se terminaient dans la haute région des nuages par des sommets aplatis, ou des arêtes aiguës. À gauche, sous le principal de ces sommets, un champ de glace s’étendait jusqu’à la saillie du rocher taillé à pic. Les eaux du Gave, qui sortaient des crevasses bleuâtres du glacier, ne trouvant plus d’appui, jaillissaient enveloppées d’un nuage de vapeurs, et tombaient en poussière au fond de la vallée. Elles creusaient(5), dans un lit épais de neiges amoncelées un gouffre profond et un canal voûté, d’où elles s’échappaient en torrent. Du côté opposé, la montagne était moins impraticable, et quelques sapins avaient leurs racines dans les fentes d’un mur entrouvert. Des gradins taillés dans le roc, et suspendus sur le précipice, conduisaient à un sentier qui, tournant autour des masses pierreuses, ou pénétrant dans leurs fractures, s’élevait jusques au haut de la première enceinte.

Les pèlerins suivirent leur guide dans ce passage scabreux, et parvinrent ensuite à des pâturages où une cabane inhabitée leur servit d’asile.

Avant le lever de l’aurore, Guiraud et Cécile sortirent de l’hospice, déguisés en pèlerins ; le jour ne les atteignit que lorsqu’ils furent arrivés dans l’arène neigeuse, où se précipitent les eaux du Gave. Cécile gravit sans effroi les échelons et le sentier périlleux, tracés sur les marbres de cet effrayant rempart. Le templier s’applaudissait en lui-même du courage et de l’agilité de sa compagne. Il suivait d’un œil avide tous ses mouvemens, et le feu de ses désirs en était attisé.

Une montée rapide, mais sans danger, qui dura près de trois heures, les conduisit au bord du glacier, dont les neiges étaient bordées, vers l’Espagne, par une haute et longue muraille, qu’on dirait taillée et construite par la main des hommes, si ses dimensions n’étaient trop au-dessus de nos faibles efforts. Une seule coupure interrompt la continuité de ce mur colossal ; elle se prolonge, en se resserrant, depuis la cime jusqu’à la base ; on l’appèle brèche de Roland, en mémoire des exploits du célèbre paladin neveu de Charlemagne. — Les poètes qui peuvent impunément dans leurs récits, augmenter la force des héros, ont fait produire cette brèche d’un seul coup frappé sur le rocher par la terrible épée Durandal. — Cécile demanda à prendre un peu de repos avant la montée du glacier ; elle s’attendait à tout moment à voir paraître son libérateur, et cherchait à gagner du temps.

Enfin, il fallut se décider à tenter le dernier passage. Le templier s’aperçut avec inquiétude qu’une crevasse large et profonde s’était ouverte au milieu du glacier, et le traversait dans toute sa longueur, parallèlement à la muraille. Un petit tronc de sapin, dépouillé d’une partie de ses branches, avait été placé par quelque chasseur aventureux, pour établir entre les deux parois une communication fragile et périlleuse.

Guiraud marcha sur cet arbre d’un pied ferme, mais arrivé sur l’autre bord ; et craignant pour sa compagne, il se préparait à lui tendre son bourdon, afin qu’elle y trouvât un appui, pour franchir ce passage difficile.

Cécile se baissa en ce moment comme pour rajuster sa chaussure et saisissant d’une main une branche du tronc de sapin qui servait de pont, elle l’ébranla, le tira vers elle, et le fit tomber dans la crevasse. Se voyant ainsi séparée de son ravisseur, elle commença à pousser des cris aigus et à redescendre le glacier. Ses cris furent entendus par les pèlerins qui étaient postés à la brèche ; ils accoururent. Le templier vit qu’il ne pouvait échapper à leur vengeance ; et, aveuglé soit par la crainte, soit par l’espoir d’atteindre de nouveau Cécile, il tenta de franchir d’un saut l’abîme qui le séparait de sa proie. Comme il était très-agile, son pied atteignit le bord opposé de la crevasse ; mais la neige céda sous le poids de son corps et le fit glisser dans le précipice. Il chercha en vain à se retenir, en se jetant en avant, et en enfonçant ses doigts dans la neige qui se détacha en fragmens, et roula avec lui dans les cavités profondes ouvertes sous ses pieds.

Cécile et Trencavel étaient délivrés de leur ennemi, mais une barrière insurmontable les séparait encore. Ils eurent, du moins, la faculté de se voir et de se parler. Malgré l’exemple du templier Trencavel cherchait, en remontant ou descendant la crevasse, quelque endroit où il pourrait la franchir. Il fut retenu par ses compagnons et par les prières de Cécile. Enfin, le baron, après s’être concerté avec le guide, dit aux deux amans : « Vous ne pouvez vaincre la nature, et il faut céder à la nécessité ; puisque vous ne pouvez vous réunir ici, cherchons un rendez-vous ailleurs ; c’est après demain la fête de Héas, les pèlerins y arriveront de tous côtés ; Cécile, avec l’habit qu’elle porte, ne doit point craindre d’être connue. Elle peut aujourd’hui même, descendre le Marboré, passer le Gave, et, remontant la forêt de la rive droite, atteindre avant la nuit les cabanes d’Allans. Demain elle traversera la vallée d’Estaubé, et se joindra aux pèlerins qu’elle ne manquera pas de rencontrer. Ceux-ci la conduiront à Héas ; nous y arriverons avant elle, si nous descendons ce soir le col de Fanlo pour passer la nuit chez l’hermite de Pinède. Là, nous aurons le choix du port vieux ou du port de la Canau, pour arriver de bonne heure au rendez-vous des pèlerins. »

Ce plan fut adopté et mis aussitôt en exécution. Trencavel et Cécile se dirent adieu encore une fois, en jurant de ne plus se quitter dès qu’ils auront pu se réunir.

Cette journée, et celle du lendemain, auraient paru d’une longueur insupportable aux deux amans, s’ils eussent vécu sédentaires ; mais le mouvement de leur marche, hâtée par l’impatience, ne leur permit pas de compter les heures. Cécile suivit la route indiquée ; elle reçut l’hospitalité des bergers d’Allans, partagea leur pas frugal et s’abandonna au sommeil sous l’abri d’un rocher. Le lendemain elle s’achemina de la vallée d’Estaubé vers la chapelle de Héas, avec plusieurs pèlerins espagnols venus de Bielsa. En avant de la chapelle est un amas de rochers(6) écroulés, qui s’étend jusqu’au petit lac dont ces débris ont comblé une partie. Cécile aperçut, sur le plus grand et le plus élevé de ces rochers, trois pèlerins qui semblaient observer les passans ; le cœur lui battit, et elle devina son amant avant de le reconnaître. Les pèlerins descendirent du rocher, et Trencavel eut enfin le bonheur de pouvoir serrer dans sa main la main de Cécile. Les pèlerins se rendirent aussitôt à la chapelle, et les deux époux réunis après tant de traverses, adressèrent à la mère de Dieu leurs actions de grâce pour le présent, et leurs prières pour l’avenir.

Avant la fin de la journée, le bruit se répandit que la communauté des templiers de Luz allait arriver à Héas avant le bailli et ses assesseurs, pour faire subir dans le lac les épreuves de l’eau froide à une femme accusée de sortilèges. Le baron s’empressa de prendre des informations ; il sut bientôt que cette femme était la geôlière de la tour de Gavarnie. Des chasseurs d’isards avaient trouvé, à l’issue du torrent qui s’échappe du glacier de Marboré le procureur des templiers mutilé et à demi mort. Ce malheureux, en rendant le dernier soupir entre leurs bras aurait prononcé le nom de la femme qui le servait. Le corps du templier ayant été porté à Gavarnie, les recherches ordonnées dans la demeure de Brunelle y avaient fait découvrir tous les indices des pratiques magiques. Un crapaud enfermé dans un vase de terre ; des ossemens de jeunes enfans ; des dents de grenouille et de chien, des dépouilles de serpens et de chauve-souris. Brunelle avait été aussitôt conduite à Luz pour être interrogée et jugée. Bientôt l’empressement des pèlerins annonça l’arrivée du cortège judiciaire. Un grand roc de pierre au milieu de la prairie servit de siège au bailli ; les assesseurs et les templiers se rangèrent autour de lui. La foule était répandue sur les deux pendans qui forment les rives du lac. L’accusée fut amenée devant le bailli qui lui demanda si elle se reconnaissait coupable de sortilège. Elle protesta de son innocence. D’après l’ordre du bailli, elle fut dépouillée toute nue, et ses membres, déjà flétris par l’âge, furent entourés de cordages tressés avec le jonc d’Espagne. On la porta ensuite sur un rocher qui s’avançait dans l’étang. On l’y plongea doucement en la tenant suspendue par un câble qui formait un nœud au-dessus d’elle. Le bailli prononça en même temps ces paroles : « Ô mon Dieu ! si cette femme est innocente, ordonnez qu’elle soit reçue dans les eaux du lac ; si elle est coupable, qu’elle ne puisse pas y pénétrer. »

Le corps parut surnager. Les juges déclarèrent qu’il ne s’était point enfoncé jusqu’au nœud de la corde qui le soutenait. Brunelle, condamnée à mort, fut aussitôt ramenée à Luz pour y subir le supplice du feu.

Trencavel et Cécile n’avaient point suivi la foule. Ils jouissaient de la solitude où les laissait la curiosité populaire. Le baron, en les rejoignant avec Aimar, fut d’avis de ne pas séjourner plus long-temps dans le voisinage des templiers de Bigorre.

Il détermina ses compagnons à aller goûter le repos de la nuit dans les cabanes de Troumouse. Ils y montèrent pendant les derniers momens du jour. La nuit fut sereine ; les étoiles brillaient au-dessus des montagnes, et le fond de la vallée était parsemé de foyers, autour desquels les pèlerins épars se livraient au sommeil. Trencavel et Cécile se trouvaient encore une fois réunis dans les hautes solitudes des Pyrénées ; ils se rappelèrent le pèlerinage d’Appi, les temps écoulés depuis la nuit mystérieuse de la caverne, les combats, les voyages, les aventures et cette longue pénitence dont le terme était expiré ; tout cela ne leur paraissait qu’un songe, et ils se crurent revenus au lendemain du jour où l’Église avait reçu leurs sermens.


NOTES
DU LIVRE VINGT-SEPTIÈME.
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(1) Parmi les erreurs qu’on reprochait à Bernard, vaudois converti, était celle de dire qu’il était permis aux femmes d’enseigner l’évangile dans l’église : « Or, je trouve, » dit l’abbé Fleuri, « dans le même temps en Espagne, des abbesses qui donnaient la bénédiction à leurs religieuses, entendaient leurs confessions et prêchaient publiquement le saint évangile. C’est ce qui paraît par la lettre du pape Innocent III, du 10 décembre 1210, adressée aux évêques de Palencia et de Burgos. »

Fleuri, Hist. ecclés. l. 76, §. 48.

(2) Ce passage est appelé aujourd’hui pont de l’Artigue de Scia.

(3) Aconitum lycoctonum, digitalis purpurea, gentiana lutea.

Linné.

(4) Ce lieu est appelé la Peyrade, le cahos, et dans le vieux langage du pays : la raillé, nom commun à tous les entassemens de roches éboulées.

(5) La cascade de Gavarnie tombe d’une hauteur de 1360 pieds, d’après les mesures prises en 1787, par MM.  Vidal et Rebord.

Ann. de chim., t. 13. Mém. de l’Acad.
de Toulouse, t. 4.

La beauté sauvage et la majesté de ce site ne peuvent être exprimées par des paroles ; les pinceaux peuvent même difficilement en reproduire une image fidèle.

(6) C’est encore un entassement de rochers de granit, dont le plus considérable, qui a plus de 20 toises cubes, est appelé le roc de la Raillé. Un orage terrible, en 1788, ajouta de nouveaux débris à cet éboulement, et le lac de Héas fut comblé.

(7) Cette formule a été conservée par dom Martenne.

Voy. Murat., Diff., t. 38, p. 151.

L’empereur Julien a raconté que les Germains exposaient les enfans nouveaux-nés sur le Rhin ; qu’on réputait légitimes ceux qui surnageaient et bâtards ceux qui allaient au fond. C’était l’inverse de l’épreuve judiciaire du moyen âge ; et cette considération rend assez vraisemblable l’opinion que ces jugemens étaient accompagnés de quelque supercherie.


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