Le dernier des Trencavels, Tome 1/Livre second

Traduction par Henri Reboul.
Tenon (Tome 1p. 40-73).


LIVRE SECOND.

La Croisade.


L’armée des Croisés avait déjà laissé en arrière les vallées du Lyonnais et du Dauphiné. Elle commençait à traverser le Rhône aux passages de St.-Savournin, d’Avignon et de Beaucaire. Les nouvelles de son approche, de l’absolution de Raymond et de son enrôlement dans la croisade, promptement répandues dans toute l’Occitanie, jetèrent les peuples dans la terreur et le désespoir.

Le seigneur de Montpellier s’était soumis aux décrets des légats, en faisant exécuter les censures prononcées contre les hérétiques. Celui de Béziers, qui avait suivi une autre route, devait donc être le premier à supporter le choc de l’invasion(1).

L’exemple de son oncle, les prières de sa femme, et la juste crainte de se voir accablé, le déterminèrent à venir à Nîmes plaider sa cause devant Milon, et obtenir sa réconciliation avec l’église, dont il n’était encore séparé que par des actes comminatoires.

Milon ne jugea pas à propos d’user de ménagemens envers ce prince, dont il dédaignait la faiblesse. Il avait résolu de frapper un grand coup dès le début, pour effrayer les seigneurs à demi rebelles, et en choisissant le plus jeune d’entr’eux pour être traité avec la dernière rigueur. Sa cruelle prévoyance avait en vue de préserver à jamais l’église des projets qu’un ennemi, dont la carrière était à peine commencée, pourrait concevoir contre elle, dans des temps plus opportuns.

« Dieu, » dit-il sèchement au vicomte, « ne veut plus confier le soin de cultiver sa vigne au fermier négligent ou coupable, qui l’a laissée se couvrir de mauvaises herbes ; il a rejeté les pasteurs qui ont eu l’insouciance de livrer le troupeau à la dent les loups. Les barons et chevaliers de France, appelés par l’église, sont désormais les seuls possesseurs légitimes des domaines que l’hérésie a souillés. Pensez-vous qu’ils aient quitté leurs foyers seulement pour venir en pèlerins réciter quelques prières dans vos églises profanées ? Le temps des négociations est passé ; celui de la justice du ciel est arrivé. Il vous est encore loisible de reconnaître vos fautes et d’en obtenir le pardon ; mais il faut que vos domaines soient livrés sans réserve à l’église, et qu’elle en dispose à son gré ; car elle seule peut les purifier. Au demeurant, il importe fort peu à nos guerriers de les recevoir de vos mains, ou d’avoir à les prendre malgré vous. »

Trencavel fut assez maître de lui-même pour n’opposer qu’un silence absolu à cet insultant discours ; il tourna le dos au légat, et se retira la rage dans le cœur.

À Montpellier, il essaya en vain de faire partager cette indignation au comte Guillaume, son beau-père ; il le trouva de glace, et obstiné dans sa politique égoïste.

Trencavel rejoignit ensuite sa femme dans le voluptueux manoir de Pezènes, et non moins indigné contre Guillaume que contre le légat. « Agnès, » lui dit-il, « ton père n’a qu’une âme de boue ; il caresse ces tigres mîtrés, qui le dévoreront plus tard ; et il l’aura mérité ; car ils ne viennent ici que pour ravir et déposséder. L’hérésie est pour eux un prétexte, et rien de plus. Pour moi, je leur jure une guerre à mort : et si quelqu’un de ces hypocrites vient à tomber en mes mains, je ne laisserai pas à d’autres le soin de lui faire subir le traitement infligé à Pierre de Castelnau. »

« Juste ciel ! » s’écria Agnès, « et vous ne craignez pas que la foudre éclate sur vous et sur nous, en punition de cette horrible menace ? Y a-t-il un plus grand crime que celui de répandre le sang des élus de Dieu et des mandataires du St.-Siège ? »

« Agnès, » reprit le comte, « nos cathares ont raison, le St.-Siège est devenu un centre d’infection, un lieu de prostitution ; et ce pape innocent a fait de la maison de J.-C. une caverne de voleurs. »

Agnès ne répondit à ce discours qu’en faisant un grand signe de croix.

« Au demeurant, » ajouta le vicomte, « je n’ai pas l’intention de te faire partager les labeurs et les dangers d’une lutte à outrance et d’une défense presque désespérée. Le sang des seigneurs de Montpellier fut jadis belliqueux ; maintenant qu’ils se sont faits femmes, leur maison est digne de servir d’asile à des femmes. L’entourage des troubadours et des chapelains te convient mieux que celui des guerriers ; mais je ne me séparerai de mon enfant que pour le mettre hors de la portée des loups.

S’ils tenaient en leur puissance l’héritier de mes domaines, l’envie leur viendrait de s’en délivrer, ou peut-être en feraient-ils un moine, comme on a fait de ton frère Burgondion.

Non, mon fils ne sera ni moine, ni leur victime. Le comté de Foix, les Pyrénées, l’Aragon, l’Afrique, s’il le faut, le déroberont à la poursuite de mes spoliateurs. »

Les beaux yeux d’Agnès se mouillèrent de quelques larmes. « Que la volonté de Monseigneur soit accomplie, » dit-elle au vicomte, « quel que soit le lieu de ma retraite, je ne cesserai de prier le Dieu tout puissant pour vous et pour mon fils. »

Trencavel prit l’enfant dans ses bras et se rendit en toute hâte à Béziers, après avoir dit à sa jeune épouse un adieu assez froid, qui devait être le dernier.

Il envoya aussitôt des messagers dans tous les châteaux ou villages pour annoncer la prochaine arrivée des croisés, et ordonna qu’on abandonnât tous les lieux qui n’étaient pas susceptibles de défense, offrant un refuge à ses vassaux et à leurs hommes dans les murs de Béziers et de Carcassonne.

Les populations isolées ne prirent conseil que de la frayeur, et la plupart abandonnèrent des murailles qui auraient pu retarder de quelques jours la marche de l’ennemi.

Le vicomte fit réparer à la hâte les fortifications de Béziers ; mais jugeant que la position de Carcassonne était bien plus avantageuse, il y dirigea ses principales forces et ses machines de guerre, puis vint lui-même s’y réfugier, après avoir pourvu, autant qu’il le pouvait, à la défense de sa deuxième ville.

Milon demeura en Provence pour y soigner les intérêts de l’église. Ses collègues, Arnaud, abbé de Citeaux, et le chanoine Thédise, se mirent à la tête des croisés. Arnaud avait à conquérir l’archevêché et même le duché de Narbonne. Il était réservé à Thédise de se faire évêque et vicomte d’Agde, en dépit des électeurs canoniques(2).

La ville de Béziers fut bientôt investie. Au corps d’armée venu des bords du Rhône, se joignirent les bandes de l’Aquitaine et de l’Auvergne, conduites par leurs archevêques, évêques et seigneurs ; puis celles du Velai, dirigées par l’évêque du Puy, arrivèrent en traversant le Rouergue. Reginald, de Montpeyroux, était alors évêque de Béziers ; il demanda à parlementer et fut admis dans le conseil commun. Là, il exhorta ceux qu’il appelait ses ouailles à implorer la clémence du légat, et les vrais catholiques à se séparer des hommes entachés d’hérésie, afin de ne pas partager leur triste sort.

« Vénérable père, » lui dit un des consuls, « nous sommes ici tous chrétiens, et ne voyons parmi nous que des frères. Nous prions ensemble, et saurons, s’il le faut, combattre et mourir ensemble.

Si nos frères doivent être assassinés, ils seront livrés par d’autres que par nous, et leur sang, joint au nôtre, retombera sur la tête de nos bourreaux. » Toute l’assemblée témoigna son assentiment à cette déclaration. Le vieux Reginald se retira, gémissant et levant les mains au ciel.

La ville, défendue par une population nombreuse, mais indisciplinée et mal habile, ne résista pas un seul jour à l’effort des croisés ; une troupe de jeunes imprudens se fit ouvrir les portes, et osa venir insulter le camp ennemi. Quelques postes avancés les arrêtèrent, les mirent en désordre, et les poursuivirent avec une telle ardeur, que les assiégeans entrèrent dans l’enceinte des murailles avec les assiégés. Toute l’armée s’étant ébranlée, suivit le mouvement des premiers bataillons, et se trouva en moins d’une heure maîtresse de la ville. Chaque rue devint alors une scène de carnage. Les églises avaient servi de refuge à un grand nombre d’habitans qui imploraient au son des cloches la pitié des vainqueurs. On vint demander les derniers ordres au légat, ce prêtre répondit froidement qu’il fallait tout exterminer ; et que si quelques fidèles se trouvaient parmi des méchans, Dieu saurait reconnaître les siens(3)(4). Cela dit, tout fut passé au fil de l’épée, hérétiques, orthodoxes, vieillards, femmes et enfans. On alluma ensuite un grand bûcher avec les planchers des édifices démolis, et les cadavres y furent consumés.

Les Narbonnais effrayés vinrent se soumettre, et obtinrent une capitulation par l’entremise de leur archevêque Berenger, de leur vicomte et de leur malheureux duc, absous à St.-Gilles,

L’attaque de Carcassonne donna plus de peine aux croisés, Après deux semaines de combats acharnés, interrompus seulement par les ombres de la nuit, l’armée de la Foi n’était parvenue qu’à occuper deux faubourgs, sans pouvoir s’y établir solidement. L’exaltation des soldats de l’Église venait échouer contre des murs défendus par un prince exaspéré, et par un peuple nombreux, réduit à l’alternative de la victoire ou des supplices.

Le légat comptait avec effroi les jours de ce calendrier de sang, et commençait à craindre de voir arriver celui qui mettait un terme à l’engagement des troupes. Il va trouver le comte de Toulouse, qui, pensif et silencieux, méditait dans sa tente, espérant peu de l’avenir, et craignant plus la victoire que la défaite.

« Prince, » lui dit ce prélat, « le péril imminent où se trouve votre neveu doit troubler votre cœur sensible. L’Église ne repousse pas le sentiment de la pitié, et se souvient toujours qu’elle est mère.

« Mon devoir est d’ailleurs d’éviter que le massacre de Béziers ne se renouvelle ici, Ce n’est pas l’effusion du sang humain qui est propre à apaiser la colère divine ; il faut que les innocens soient mis à l’abri du sort réservé aux coupables, et ne trouver de coupables que parmi ceux qui persévèrent dans les voies de l’iniquité. Envoyez au vicomte un de vos chevaliers qui lui porte des paroles de paix, et lui fasse connaître nos véritables sentimens. Votre neveu s’est toujours défendu de l’accusation d’hérésie ; qu’il imite donc votre exemple, et se joigne à vous, et à nous pour assurer le triomphe des lois de l’Église, et purger l’Occitanie de ses damnables corrupteurs.

« Qu’il vienne lui-même régler avec nous les conditions de son accommodement ; il y sera sous la sauve-garde des clefs de Saint-Pierre, qui ne protègent pas en vain. S’il se repent de ses fautes, je suis prêt à l’absoudre, et à attacher la Sainte Croix sur sa poitrine. L’extirpation de l’hérésie n’aura plus besoin désormais du concours de tant de guerriers impatiens de revoir leurs foyers. »

Ce discours inattendu fit luire quelque espérance dans l’âme déchirée de Raymond ; il crut entrevoir sa délivrance dans celle de son neveu.

Hugues d’Alfar fut le négociateur qu’il choisit pour persuader Trencavel et vaincre sa résistance.

Il le présenta à l’abbé de Citeaux, qui lui expliqua paternellement l’objet de sa mission, et engagea sa parole de légat pour servir de sauf-conduit au vicomte, s’il consentait à venir au camp des croisés.

Raymond joignit ses instructions à celles du prélat, et, le cœur palpitant d’espérance, accompagna son gendre jusqu’aux postes avancés du dernier faubourg. Alfar demanda à être conduit devant le vicomte de Carcassonne ; les portes s’ouvrirent, et Trencavel vint lui-même recevoir le parlementaire.

Dès que celui-ci eut exposé les motifs de son voyage : « Je connais, » lui dit le prince, « toute la candeur de ton âme ; mais dois-je partager ta confiance et celle de mon oncle ? Cet abbé de Citeaux n’est pas, il est vrai, le légat qui a refusé de m’accorder, il y a quelques semaines, les conditions qu’on m’offre aujourd’hui. Ce refus sortit de la bouche de son confrère Milon, Mais qu’importe ? faut-il ajouter plus de foi à l’exterminateur de Béziers ? Et ce moine, dont la tunique est rougie de tant de sang, vaut-il mieux que le notaire romain, qui a soustrait frauduleusement les domaines de mon oncle, en Provence ? »

« Votre oncle, » répond Alfar, « en se soumettant aux ordres de l’Église, vous a donné l’exemple de la prudence, non moins que de la piété. Vous êtes, sans doute, convaincu maintenant que la résistance est impossible, quand la force de Dieu se trouve jointe à celle des hommes. Vous devez accorder une confiance pleine et entière aux paroles du légat, puisqu’il m’a fait son interprète auprès de vous ; et je ne crains pas de vous jurer, foi de chevalier, que, si vous voulez me suivre, je vous conduirai et vous ramènerai en toute sûreté, sans qu’il vous arrive aucun tort. »

Ces paroles d’un homme probe et sincère ne suffisaient point à dissiper les soupçons du jeune vicomte, aigri par tant d’injustices ; mais il repassait dans son âme toutes les peines de sa situation. La plus grande de toutes était celle de la soif ; l’eau commençait à manquer, et ce cruel besoin ne laissait aucun espoir de prolonger sa défense. Après quelques momens d’une délibération agitée, il se détermina à suivre Hugues d’Alfar au camp des croisés. Toute fois le sentiment de la méfiance ne l’abandonna pas dans son dévouement ; il fit appeler Raimbaud de Montaillou, et, lui ayant communiqué la proposition faite au nom du légat, il ajouta ces paroles : « En me livrant au meurtrier de mes sujets, à l’incendiaire de ma ville de Béziers, j’obéis, non à la persuasion, mais à la nécessité. Si mes pressentimens sont injustes, j’aurai été plus sage que confiant ; s’ils se vérifient, je serai du moins la seule victime de ces perfides ; car mon peuple sera mis à l’abri de leurs atteintes ? Toute ma sollicitude se porte maintenant sur mon fils. Dieu me préserve de le laisser à leur merci ! c’est à toi, Raimbaud, que je le confie. Sa mère est au pouvoir des croisés ; bientôt ils pourront disposer de son père. Je te laisse le soin de le dérober à leur cruauté et à leur avarice. Tu connais l’issue souterraine(5) qui conduit de ce château aux tours de Cabardès : prends avec toi mon enfant ; fais ton escorte des plus déterminés de nos guerriers, et de ceux qui n’ont qu’un bûcher à attendre s’ils tombent entre les mains des prélats. Va rejoindre le comte de Foix ; dis-lui la résolution où m’a conduit la fatalité ; dis-lui, si je succombe, que je lègue mon fils à sa tendresse, et ma vengeance à son indignation. »

Le vicomte conduisit ensuite Hugues d’Alfar à ses chevaliers, les informa de sa résolution et des pouvoirs confiés à Raimbaud en son absence ; puis s’achemina vers le camp ennemi avec le gendre de Raymond.

Ils se rendirent en arrivant à la tente du comte de Toulouse, où se trouvaient rassemblés quelques chefs avec le légat. Tous, à l’exception de ce moine et du comte, parurent étonnés de voir apparaître Trencavel. Ils revinrent de leur surprise en lui faisant un bon accueil, en louant sa bravoure et lui témoignant leur estime. Le vicomte prit la parole, et, s’adressant au légat, lui fit observer qu’il n’avait besoin pour sa justification que de rappeler les offres et les soumissions qu’il avait faites à son collègue Milon. Il protesta qu’il n’avait jamais mérité le reproche d’hérésie et de désobéissance aux commandemens de Dieu et de l’Église ; que les actes des préposés, établis par son père, ne devaient point lui être imputés à raison de sa jeunesse sans expérience ; qu’au demeurant, il consentait à expier ces fautes, qui n’étaient pas les siennes, en remettant, comme un gage de sa fidélité, ses possessions et domaines entre les mains de l’Église sa mère et sa souveraine, dont il sollicitait l’absolution et les bonnes grâces. Un murmure favorable accueillit le discours du vicomte. Le légat loua sa résignation, l’invita à conférer avec son oncle sur les moyens à prendre pour achever la pacification du pays, et proposa aux autres seigneurs de venir délibérer avec lui dans sa tente sur le même sujet. Hugues d’Alfar le suivit.

« Illustres seigneurs, » dit le légat, « votre noble entreprise est au moment d’être accomplie ; sans rien préjuger sur les véritables sentimens du jeune vicomte, sa démarche prouve assez qu’il regarde sa cause comme perdue. C’est à vous qu’il appartient maintenant de choisir avec prudence les moyens de consolider la victoire en prévenant le retour des désordres qui vous ont arrachés de vos foyers. Il est facile, quand on est maître du présent, de pourvoir aux besoins de l’avenir… »

« Notre délibération présente peu de difficultés, » dit le duc de Bourgogne, « dès qu’il n’y a plus de princes à combattre, mais seulement quelques seigneurs isolés, et un petit nombre de villes, dont les bourgeois ont à redouter le sort de ceux de Béziers. Les offres du vicomte mettent un terme à cette guerre déplorable, et promettent une paix plus solide que s’il fallait l’acheter par de nouveaux massacres. Je pense donc qu’il est de notre devoir d’accorder à l’héritier des Trencavels la jouissance de ses domaines ravagés, et de l’admettre, comme son oncle, dans notre sainte ligue, sous la condition de livrer, pendant la durée de la guerre, les châteaux qu’il tient encore, afin qu’on puisse y poursuivre ceux de ses sujets qui se sont abandonnés à l’hérésie. »

Le comte de Nevers, celui de St.-Paul, et la plupart des autres seigneurs laïques, opinèrent comme le duc de Bourgogne. Les prélats gardaient le silence. Le légat tenait les yeux fixés sur Foulques, évêque de Toulouse, et sur Simon de Montfort, assis auprès de lui. L’évêque dit à Simon à voix basse : « Si vous ne rompez pas le cours de cette délibération, il faudra donc que des paroles de guerre sortent de la bouche des ministres de l’Église ; avez-vous déjà oublié que la cause de Trencavel est jugée à Rome, et que ses États vous sont adjugés dans la pensée du St.-Père ? »

Le comte de Montfort se leva aussitôt : « Les maladies invétérées, » dit-il, « demandent des remèdes héroïques. Loin de nous les palliatifs et les ménagemens. Ceci n’est point une guerre ordinaire ; il ne suffit pas de vaincre l’hérésie, il faut l’extirper. Il faut la faire disparaître de ce monde, et qu’elle rentre dans l’enfer dont elle est sortie. La ressource des faibles est de tromper les forts ; mais les forts peuvent-ils accorder quelque confiance à ceux qu’ils ont surpris dans le mensonge ?

« Dieu nous ordonne de croire à sa parole, et non à celle de ses ennemis. Rendre à Trencavel ses domaines, c’est les rendre à Satan ; c’est y enraciner l’hérésie ; c’est permettre au crime de se propager en se déguisant sous des formes hypocrites. Si le vicomte veut épargner le sang de ses guerriers et de ses sujets, qu’il obtienne sa réconciliation avec l’Église, mais en subissant les lois de la guerre. Ces lois mettent le droit des vainqueurs avant celui des vaincus.

« Est-ce aux vainqueurs orthodoxes qu’il est réservé de supporter les frais d’une guerre à laquelle ils n’auraient point songé, si l’Église n’eût invoqué leurs secours contre des impies ? »

L’évêque Foulques prit alors la parole, et dit : « Plut à Dieu que les voies de la miséricorde se trouvassent d’accord avec celles de la prudence et de la politique chrétienne ! Les nobles princes qui ont énoncé leur avis ne peuvent connaître à fond un terrain qui leur est étranger, et des peuples qu’ils n’ont pas gouvernés. Ils ne sauraient se faire une idée de tous les moyens qui ont été employés depuis cinquante ans pour faire germer les poisons de l’hérésie, sous la protection de la malveillance, ou, si l’on veut, de l’indifférence des maîtres du pays.

« Je le dis à regret, si les seigneurs ne sont pas les premiers auteurs du mal, ce n’en est pas moins sur eux que doit porter le remède. Je ne crains pas de choisir les exemples dans mon propre diocèse, quoique le comte de Toulouse soit avec nous, et revêtu du signe de la croix. Je suis loin de vouloir mettre en question sa bonne foi : mais que faut-il attendre de ceux qui sont moins purs que lui, si, malgré ses intentions, l’hérésie s’est montrée triomphante dans ses États, si les détracteurs de l’Église romaine attirent la foule à leurs prédications publiques ou secrètes, si nos ministres sont abandonnés et honnis, si, de toutes parts, on coupe les canaux qui conduisent à l’autel les offrandes des fidèles ? Vos seigneuries auront peine à croire qu’ayant été appelé, il y a deux ans, à remplir le siège de Toulouse, j’ai trouvé cette église dépouillée de ses biens, nue, et déserte comme les sables de l’Afrique. Le pasteur, chargé de conduire le troupeau, ne pouvait se montrer à lui sans danger, et une escorte était nécessaire pour accompagner à l’abreuvoir les mulets qu’il avait pour son service(6). »

Hugues d’Alfar interrompit l’évêque, en adressant son excuse au légat : « Ces illustres seigneurs, » dit-il, « ne seront pas peu surpris d’entendre ici mettre en cause le comte de Toulouse, qui est absent, et tous ceux qui possèdent des terres dans le midi de la France. L’objet de la guerre est-il donc de les déposséder, et, si on leur donne des successeurs, quelle sera la garantie de ceux-ci ?… à moins que les évêques et les abbés ne s’approprient eux-mêmes toutes ces dépouilles. J’observerai au révérendissime évêque les exemples qu’il a allégués sont mal choisis. Le dénuement où il a trouvé son évêché vient de ce que ses prédécesseurs ont épuisé leurs trésors et engagé leurs domaines, pour soutenir des procès et des guerres interminables contre leurs vassaux(7). Lui-même a été reçu froidement à cause de son inimitié contre un prince chéri de ses sujets, inimitié qu’il ne sait pas même déguiser en votre présence. Tous ces faits sont étrangers à l’hérésie. Ce n’est pas aux seigneurs qu’il faut attribuer ses progrès, mais plutôt aux exemples pernicieux qu’ont donné trop souvent les supérieurs ecclésiastiques. Si ce reproche vous paraît suspect dans la bouche d’un laïque, vous ne pouvez vous dissimuler qu’il a été adressé à vos prédécesseurs par le bienheureux Bernard, abbé de Clairvaux, et à vos contemporains par le saint évêque d’Osma(8), et par son disciple Dominique, mes compatriotes et mes maîtres. »

« Ces questions, » dit le légat, « sont étrangères à l’objet de notre délibération, mais elles ont servi à m’éclairer sur la manière dont je dois accomplir les ordres du Saint-Siège. Clercs et laïques, nous n’avons ici qu’une même foi, une même intention : notre volonté, comme notre mission, est d’extirper l’ivraie du champ de la famille chrétienne, et nous devons refuser toute indulgence aux moissonneurs infidèles. Le vicomte de Carcassonne est venu se mettre en nos mains ; ce n’est pas à nous, c’est au St.-Père qu’il appartient de juger s’il peut être absous de ses péchés, et réintégré dans la communion des fidèles. Jusques là, il ne peut légitimement posséder aucun domaine, ni même jouir de sa liberté. Ses vassaux et ses sujets seraient hors de l’Église s’ils restaient sous sa domination ; c’est Dieu sans doute qui a plié son âme à la soumission, pour nous ouvrir plus promptement les portes d’une ville rebelle, et nous conduire sans délai au dénouement de la guerre, avant l’expiration des quarante jours prescrits pour le service militaire, Nous allons sommer la ville de Carcassonne de se rendre à discrétion, et si le vicomte refuse d’adhérer à cette sommation, il restera parmi nous comme otage, jusqu’à la prise ou reddition de la ville. Nous lui permettrons ensuite de se rendre à Rome, pour obtenir du St.-Père les conditions qu’il n’est pas en notre pouvoir de lui accorder. »

L’abbé de Citeaux se levait pour congédier l’assemblée, lorsque Hugues d’Alfar l’interpella en le priant de s’expliquer sur la résolution de retenir Trencavel en otage. « Je ne puis croire, » dit-il, « que votre révérence songe à violer la foi que j’ai jurée en son nom. J’ai donné ma parole de chevalier de ramener le vicomte dans sa ville de Carcassonne après qu’il aurait conféré avec vous. Si la bonne foi était perdue sur la terre, où pourrait-on la chercher si ce n’est dans une assemblée composée d’évêques, de princes et de barons ? C’est de vos seigneuries que je réclame ici l’exécution fidèle des promesses qui ont été faites non-seulement au nom du légat et du pape, mais aussi au nom du Dieu de l’évangile, et de l’honneur. »

« Alfar, » reprit le légat, « votre mission est terminée ; le vicomte lui-même vous a dégagé de votre promesse, en se remettant volontairement au pouvoir de l’Église. Nous avons tous entendu ses paroles d’acquiescement et de soumission ; n’en diminuez pas le mérite en leur donnant un sens douteux ou reprochable. Pourquoi rouvrir au pécheur qui se repent les voies qui peuvent le ramener à la perdition ? Si son absence de Carcassonne est plus faite pour en décider la reddition que ne ferait sa présence, pouvons-nous négliger ce moyen puissant que la Providence met dans nos mains ? Je dis plus, quand même il serait vrai qu’en agissant ainsi on manquât à quelque faible promesse, ne faut-il pas considérer celui qui en est l’objet ? Les conventions faites avec le démon seraient-elles obligatoires ? Rappelons-nous cette exhortation qui nous a souvent été adressée par le St.-Père lui-même(9) : Qu’il ne faut pas craindre de manquer de foi à ceux qui n’ont pas de foi, et qu’en pareil cas, selon le conseil de l’apôtre, on doit employer la ruse, qui mérite alors le nom de prudence. »

« Que le Ciel me pardonne, » s’écria Alfar, « d’avoir cru que la robe fait le moine, et que la parole de Dieu était la seule qui pût sortir d’une bouche sacrée ! Un agent du St.-Père vient nous parler de promesses faibles et dictées par la ruse !… Ce langage m’est inconnu ; toute promesse a dû sortir de la bouche d’un homme loyal, ou de celle d’un traître. Il y a des hommes loyaux qui ne sont pas chrétiens, soit ; mais y a-t-il un seul traître qui puisse se dire serviteur de Jésus-Christ ? Se parjure qui voudra ; Dieu a mis en mon âme l’horreur d’une telle infamie ; et je ne consentirai jamais à la partager, fût-ce avec le St.-Père lui-même. »

Ces paroles mirent le trouble dans le banc des prélats. Plusieurs quittèrent leurs sièges, et la délibération fut interrompue. Le légat dit à Montfort : « Je vous remets, au nom de l’Église, comme otage et prisonnier, le vicomte de Carcassonne, et vous en serez responsable envers nous jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné. »

Montfort quitta aussitôt l’assemblée pour exécuter l’ordre du légat, qui dit ensuite à Alfar : « Retirez-vous, chevalier, et priez le Seigneur d’éclairer votre conscience ignorante et passionnée. Craignez que ces mouvemens de colère ne soient les premiers indices d’un levain de corruption propre à vous induire à l’hérésie, et à vous séparer de la communion des fidèles. »

Alfar allait répliquer, mais il se vit entouré par les barons qui cherchaient à le calmer et l’entraînèrent avec eux hors de la tente du légat(10). Lorsqu’il fut revenu à celle du comte de Toulouse, Trencavel n’y était déjà plus, et se trouvait au pouvoir de Montfort.

« Qu’est-il donc arrivé, » dit Raymond à son gendre, « et quelle est cette nouvelle scélératesse ? » — « Mon prince et mon père, » lui dit Alfar, « nous sommes tombés dans les pièges de l’enfer. Ma vie n’est plus à moi ; j’ai mérité de la perdre en m’associant à des perfides. Elle appartient aux chevaliers de Trencavel, à qui j’ai fait serment de leur ramener leur maître sain et sauf. Elle appartient à vous-même, que j’ai sollicité dans mon aveuglement de transiger avec des hommes sans foi, qui ont feint de vous pardonner pour tramer plus sûrement votre ruine. Mes yeux sont dessillés maintenant ; fi de leur amitié ! préservez-vous de ce poison ; il n’y a que le fer et la flamme à opposer à de tels misérables ! Se jouer à ce point de la parole divine, de cette loi sainte d’où dérive toute justice, toute vérité ! apposer le sceau de Jésus-Christ sur le mensonge et sur les œuvres du prince des ténèbres !… Un moine faussaire être le légat du St.-Siège ? Et c’est aussi le St.-Siège qui a suscité un autre de ces moines en le faisant évêque, pour vous dépouiller et vous perdre ! Croyez-moi maintenant, leurs robes blanches ressemblent à cet enduit dont on revêt les tombeaux ; il n’y a dessous que pourriture et infection. Quelle folie à moi d’avoir jugé ces prélats d’après nos prêtres espagnols, d’après ce saint évêque d’Osma, trop heureux d’être mort avant d’avoir été témoin de la profanation de l’évangile et du triomphe des pervers ! Je n’ai plus d’autres conseils à vous donner que celui de vous dérober à ces méchans, et de leur faire une guerre à outrance. Je voudrais vous aider et me venger ; mais les lois de l’honneur me condamnent à demeurer à la merci des chevaliers trahis à Carcassonne. Je cours me soumettre à leur indignation, et vous recommande l’épouse chérie que vous m’avez confiée. »

Raymond n’était pas encore revenu de son étonnement, que déjà son gendre avait franchi l’enceinte du camp. Il arrive aux postes avancés, et demande à être introduit dans la ville.

L’anxiété était peinte sur tous les visages. Les regards farouches du parlementaire n’étaient guère propres à rassurer les esprits.

Dès que les chevaliers furent réunis : « Sachez, » leur dit Alfar, « que votre chef et seigneur est victime d’une trahison. Le légat le retient prisonnier et va vous faire entendre ses propositions hautaines. Je suis innocent devant Dieu, mais coupable envers vous ; pour sauver mon âme et mon honneur, je vous apporte ma tête ; faites-moi mourir ; et puisse mon sang retomber sur l’ennemi de Dieu, qui s’est servi de moi pour vous tromper ! »

La fureur des chevaliers, en entendant ce discours, ne saurait se peindre ; aux cris d’indignation se mêlaient les larmes du désespoir, et dans quelques-uns celles de la pitié. Plusieurs voulaient se saisir du navarrois, et le charger de chaînes. Il opposait à leurs reproches un visage tranquille, et demandait la mort.

Raimbaud de Montaillou parvint à se faire entendre : « S’il vous faut, » dit-il à ses compagnons, « un garant de la loyauté de cet homme, je me présente avec assurance. Le vicomte, en partant, m’a fait le dépositaire de ses volontés, et même de ses soupçons. Il a bien jugé le légat ; et, quoique trahi, je puis attester qu’il rend justice à la bonne foi de Hugues d’Alfar. Serons-nous assez insensés pour confondre le trompeur et le trompé, le bourreau et la victime ? Est-ce l’homme innocent, dupe et injurié par le légat, est-ce son ennemi et l’ami de notre vicomte, qui doit périr par nos mains ? devons-nous fournir à ce conseil de renards tonsurés des prétextes pour consommer leur crime, en ôtant la vie au prisonnier qu’ils ont conquis par la fraude et le parjure ? » Raimbaud, voyant que l’effervescence des têtes commençait à se calmer, continua son discours : « Notre prince, » dit-il, « avait prévu la trahison ; mais, dans le doute, il s’est contenté d’y soustraire son fils et ses amis. L’absence de notre maître n’est pas, vous le savez, le seul motif qui rend impossible la défense de la place. Nous pouvons la quitter par une route souterraine dont le secret m’est confié. Suivez-moi, et ouvrons après nous la même issue aux habitans de la ville. » Il dit ensuite à Alfar : « Vous viendrez avec moi, et nous vous aiderons à défendre les domaines de votre beau-père, qui seront bientôt envahis par ceux à qui vous et lui avez eu la crédule faiblesse de vous joindre pour nous dépouiller. »

Le soleil était sur son déclin ; les chevaliers se séparèrent pour faire les préparatifs de leur fuite nocturne. Dès que la nuit fut venue, Raimbaud fit informer les habitans de la résolution qui devait s’accomplir. Lui-même prit dans ses bras le jeune Trencavel, à peine âgé de trois ans, et entra dans l’allée souterraine, précédé de flambeaux, et suivi d’un grand nombre de chevaliers, parmi lesquels Hugues d’Alfar n’était pas le moins avide de vengeance et de combats. Pendant la durée entière de la nuit, les routes du souterrain furent éclairées par les torches et les lanternes des fugitifs, dont les groupes se succédaient sans relâche. Les vieillards, les femmes, les enfans, marchaient avec les guerriers, ou s’aidaient de leurs secours. Avant les premières lueurs de l’aurore, la ville était entièrement évacuée. On apprit dans la suite que le conseil des croisés avait ordonné un assaut général, qui les rendit maîtres d’une ville abandonnée et déserte.

Les fugitifs de Carcassonne, en revoyant la lumière au pied des tours d’un château entouré de forêts, se dispersèrent, les uns du côté de Toulouse, les autres vers les montagnes et les terres d’Aragon.



NOTES
DU LIVRE SECOND.
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(1) S’il en faut croire le récit en langue romane de la guerre des Albigeois, le comte de Toulouse et Trencavel, son neveu, avaient été en 1208 trouver le légat Arnaud à Albenas, ou Aubenas, en Vivarais, et avaient fait de vains efforts pour l’apaiser. Le légat fut sourd à leurs prières et à leurs propositions. Ces seigneurs étant réduits à délibérer sur le parti qu’ils avaient à prendre, Trencavel proposa de convoquer la noblesse et de s’aider de tous les moyens de défense que pourraient réunir eux et leurs alliés ; le faible Raymond n’adopta point cette résolution, et déclara à son neveu qu’il se soumettrait à tout ce qu’on exigerait de lui. À la suite de cette explication, Trencavel, de retour dans ses états, se prépara à guerroyer même contre son oncle.

Hist. de Lang., t. 3, p. 157.

Il est avéré qu’après l’absolution de Raymond, Trencavel fit de nouvelles démarches auprès du légat, qui fut sourd à toutes ses offres. Un historien du 19.e siècle, M. Michelet, a reproché à ce malheureux prince d’avoir persévéré dans sa partialité envers les hérétiques, et de s’être ainsi déshonoré pour vivre un jour de plus. C’est dans cet absurde jugement qu’est le déshonneur.

V. l’Hist. de France, de M. Michelet, t. 2, p. 488.

(2) En 1214 après la mort de l’évêque d’Agde, Raymond, le clergé nomma Pierre Polverel, chanoine de Paris, On ignore comment Thédise lui fut substitué ; mais il est facile de l’imaginer.

(3) Ce propos de l’abbé de Citeaux est mentionné dans tous les historiens. Ceux-ci évaluent différemment le nombre des victimes égorgées à Béziers. Les versions varient de 100,000 à 15,000. Cette dernière évaluation est celle de l’abbé de Citeaux lui-même, dans son rapport au pape.

Voyez Hist. de Lang., t. 3, p. 169.

(4) Ce propos de l’abbé de Citeaux nous rappelle qu’en France, au dix-neuvième siècle, sous le règne de Louis XVIII, un pair de France a proféré cette doctrine, que mettre à mort un sacrilège, c’était le renvoyer devant son juge suprême.

Théocrates ! Durum genus.

Hist. de Langued., année 1209, t. 3, p. 173.

(5) La fuite des habitans de Carcassonne, par cette issue, est longuement racontée par l’historien en langue romane du comte de Toulouse.

Voyez Preuves de l’Hist. de Lang., t. 3, p. 18.

Les autres historiens du temps ne s’accordent pas avec ce récit.

(6) Foulques prit possession du siège de Toulouse en 1205, et non en 1207, comme le suppose le trouveur pour des raisons à lui connues. Il débuta par un sermon sur ces paroles de l’Évangile exiit qui seminat seminare semen suum. Ce qui s’accorde bien, dit un historien du temps, avec la détresse de sa position. Voici les détails que donne cet auteur : Quando intravit episcopatum, a terra usque ad cœlum nihil expeditum quod posset percipere invenit, nisi centum minus quatuor solidos Tolosanos ; qui etiam quatuor mulos, quos adduxerat, nisi guidatos ad amnem communem ad aquatum mittere non audebat ; sed aquam bibebat putei intra domum.

Guill. de Puylaur., ch. 7, et hist. de Lang. p. 143.

(7) Le prédécesseur de Foulques, Raymond de Rabastens, avait engagé la plupart des domaines de l’évêché, tant pour soutenir divers procès, que pour faire la guerre à Raymond de Beaupuy, son vassal.

Hist. de Lang., p. 143.

(8) Diego de Azebés, évêque d’Osma, vint à Toulouse en 1203 avec Saint-Dominique. En 1205 il se joignit aux douze abbés de l’ordre de Citeaux, envoyés en mission par Innocent III. Il assista aux conférences de Monréal et de Pamiers ; puis revint en Espagne, où il mourut, en 1208.

(9) Épîtres d’Innocent III, L. XI, ép. 238. La foi n’est à garder à celui qui ne la garde à Dieu.

Bulle du 10 mars an XI, du pontificat d’Innoc. III.
Viguier, Hist. de l’Église, p. 412.

(10) La perfidie du légat envers le vicomte de Carcassonne est un fait historique sur lequel notre auteur a brodé cette conférence. Il eût pu tirer parti d’une circonstance fort remarquable ; c’est que le roi d’Aragon vint lui-même intercéder pour son vassal. Après bien des pourparlers et des instances, il ne put obtenir du légat d’autres conditions, sinon que Trencavel sortirait de Carcassonne, lui treizième, et livrerait les habitans à la discrétion des croisés. Le vicomte répondit à cette proposition au’il aimait mieux se laisser écorcher vif que de commettre une pareille lâcheté. Le roi d’Aragon se retira.

Hist. de Lang., p. 172.


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