Le dernier des Trencavels, Tome 1/Livre cinquième

Traduction par Henri Reboul.
Tenon (Tome 1p. 111-129).


LIVRE CINQUIÈME.

La Conférence.


Le comte de Foix(1) prévoyait depuis long-temps que l’orage de la croisade viendrait fondre sur lui. En se préparant à la guerre, il n’avait négligé aucun des moyens de conserver la paix ; il cherchait surtout à ramener tous ses sujets à une doctrine religieuse uniforme, soit afin d’ôter tout prétexte à l’invasion des légats, soit afin de leur opposer une population unie par la même croyance, comme par un même intérêt. C’est dans cette vue qu’il avait convoqué à Pamiers les ministres et les chefs des deux Églises pour discuter ensemble les dogmes sur lesquels ils étaient en dissentiment, et rédiger une profession de foi qui fût commune aux deux partis. Des chevaliers et des bourgeois, recommandables par leur âge et leur mérite, étaient choisis pour prononcer un jugement solennel sur les points débattus, et le jugement devait être proposé au peuple pour servir de règle à sa croyance(2).

L’abbé de St.-Antonin, celui de St.-Volusien de Foix, le prieur d’Hauterive, celui de Palats, aidé de plusieurs missionnaires, parmi lesquels on distinguait le frère Étienne de la Miséricorde, s’étaient chargés de défendre la cause romaine.

Celle des dissidens avait pour orateurs Arnaud-Hot, pasteur des Vaudois ; Ponce-Jourdain, Gillabert de Castres, l’ancien chanoine de Nevers, Théodore, Bernard de Simorre(3), et plusieurs autres, qui, différant entre eux sur plusieurs dogmes, rejetaient néanmoins d’un commun accord la domination absolue de l’Église romaine et de son chef.

Roger accueillit les uns et les autres avec les plus grands égards, affectant beaucoup d’impartialité, ne laissant apercevoir que l’amour de la vérité et le désir de la paix. Il logea dans son palais plusieurs d’entre eux, sans distinction de secte, et traita successivement les ministres des deux communions opposées(4), puis chercha à les réunir dans des entretiens particuliers, pour préparer les voies de la conciliation. Le jour de la conférence étant arrivé, il s’y rendit lui-même avec sa famille. Raimbaud, l’un des arbitres désignés, ouvrit la séance par un discours plein de paroles de paix et de charité. Il supplia les ministres, qui tous se disaient inspirés par un même Dieu, de s’en rapporter uniquement à sa divine parole, et de prendre l’évangile pour règle de leur croyance, puisqu’il était l’objet de la vénération commune. Il leur représenta qu’ayant tous à partir d’un même texte, et étant doués d’une même intelligence, la bonne foi et le bon sens devaient suffire pour les ramener à une même doctrine. Il les exhorta à ne point s’anathématiser et se maudire réciproquement, en violant la foi expresse de celui qui est venu enseigner aux hommes à s’aimer entre eux.

« En partant de ce principe, » dit frère Étienne, « il sera facile d’élaguer d’un seul coup toutes les questions qui tendent au manichéisme ; car peut-on justifier par l’évangile la doctrine de deux Christs, l’un bon, l’autre mauvais, ou celle de deux fils de Dieu, dont l’un est Jésus-Christ, et l’autre le démon ?(5) »

Les arbitres donnèrent des signes d’approbation, et les dissidens se regardèrent entre eux. « Aucun de nous, » dit Bernard de Simorre, « ne songe à défendre les doctrines du manichéïsme ; elles ont été injustement reprochées à nos frères. Si quelques hommes évangéliques, cruellement persécutés, avaient pu se laisser conduire à une telle croyance, leur erreur serait excusable, en ce qu’ils auraient cru voir dans une puissance exterminatrice, et armée du fer et du feu, tous les caractères que l’on attribue au mauvais principe. » Frère Étienne ne répondit point à ce sarcasme. « Personne n’ignore, » reprit-il, « que dans la conférence tenue à Carcassonne par les légats maître Pierre et frère Raoul, Bernard de Simorre fut convaincu d’avoir prêché qu’il y avait trois Dieux, que Jésus-Christ n’était qu’un pur homme, né d’un homme et d’une femme, et que la vierge Marie n’était pas née selon la chair de parens charnels(6). »

Le vieux Bernard, que ses disciples avaient mis au rang des fils majeurs des parfaits, se contenta de répondre : « Si j’ai reconnu la mère de Jésus pour une femme, comment ai-je pu lui attribuer une origine qui la mettrait au-dessus de son fils, le sauveur des hommes ? »

« Mes frères, » dit Esclarmonde, « qu’il me soit permis de vous demander s’il serait en effet indigne de la bonté divine et de la grandeur des mérites de Marie, qu’elle eût été conçue miraculeusement et sans la tache du péché originel ? Dieu, en donnant à son fils une nature humaine, n’a-t-il pu gratifier aussi notre sexe d’une émanation de sa divinité ? » Frère Étienne de la Miséricorde, que la réponse de Bernard de Simorre avait jeté dans l’embarras, ne put contenir son impatience en entendant la dame de l’Isle-en-Jourdain : « Madame, » lui dit-il, « vous feriez bien mieux d’aller filer votre quenouille, que de faire entendre la voix d’une femme dans une assemblée de ministres de la religion(7). »

« Eh ! c’est justement, » s’écria Esclarmonde, « cet orgueil infernal dont vous êtes possédés, qui achèvera votre perte et notre désolation. Où avez-vous lu, s’il vous plaît, que la femme est un objet de réprobation et de mépris ? Jésus-Christ, qui appelait à lui de faibles enfans, a-t-il répudié notre sexe ? Les saintes femmes qui l’accompagnèrent à la tombe lui furent-elles moins fidèles que ses apôtres ? Enfin, si vous refusez à sa mère toute participation à la nature divine, y a-t-il un seul homme dans le ciel qui puisse être comparé à celle qui a enfanté le messie ? »

En disant ces paroles, Esclarmonde se sentait agitée d’un feu interne, qui animait ses regards et ses gestes. Elle était prête à prouver par l’exemple ce point de doctrine de sa secte, que les simples laïques et les femmes mêmes peuvent recevoir l’inspiration du ciel, et sont en droit de prêcher l’évangile ; mais le comte son frère craignit de perdre en un moment le fruit de la conférence, et saisit cette occasion de donner une preuve éclatante de ses intentions pacifiques. Il interrompit sa sœur, et exigea qu’elle sortît avec lui du lieu de l’assemblée. Cette démarche ne plut point aux dissidens. Ils crurent y découvrir une disposition secrète du comte de Foix en faveur des missionnaires catholiques, et ne songèrent plus à user de ménagemens dans l’exposition de leurs doctrines.

L’abbé Vital ayant mis en question la manière dont il fallait entendre le dogme de la trinité, et si l’on pourrait, comme le docteur Abélard(8), la comparer aux trois propositions d’un syllogisme, qui bien que distinctes entre elles, ne font qu’une même vérité : « À quoi bon toutes ces recherches, » dit aussitôt Ponce-Jourdain ? « Dieu demande des cœurs simples et non des esprits subtils. Il veut que ses ministres distribuent le pain de la parole et non qu’ils en fassent des hameçons pour attirer à eux la substance du peuple. Il a prêché la pauvreté, et il en a donné l’exemple. Ses apôtres l’ont suivi ; et à qui ont-ils transmis leurs traditions et leurs pouvoirs, si ce n’est à ceux qui ont choisi comme eux une vie humble, désintéressée et souffrante ? Si J.-C. eût voulu régner sur les hommes, tous les trônes de la terre se seraient abaissés pour le recevoir ; mais il a choisi pour trône une croix, et pour ministres des hommes vulgaires, marchant à pied, et endurant la faim et la soif. Peut-on reconnaître ces signes de vocation parmi les ministres de l’Église romaine ? Un monarque absolu qui s’approprie les trésors de la chrétienté ; des légats superbes, dont les chevaux et les gens épuisent les ressources des contrées qu’ils parcourent, ne sauraient être les envoyés du Dieu dont le royaume n’est pas de ce monde. On découvre en eux tous les signes indiqués dans l’apocalypse, pour caractériser les ennemis de notre Sauveur et les ministres de l’Antéchrist ; ils ne peuvent être les serviteurs du fils de l’homme qui est dans le ciel…… » — Ici frère Étienne interrompit Jourdain : « Eh ! pensez-vous, » dit-il, « que celui que vous appelez fils de l’homme soit au ciel comme homme ? » — « Comme homme et comme Dieu, » répondit Jourdain, « puisqu’il est ressuscité et a fait son ascension au ciel sous cette forme qu’il a daigné revêtir ». — « Donc, » reprit frère Étienne, « le prophète Isaïe ayant dit : Le ciel est mon siège et la terre l’escabeau de mes pieds, il s’en suivrait que la distance du ciel à la terre serait déterminée par la longueur de sa jambe(9) ? » — « Pourquoi non ? » répondit Jourdain ; « et en quoi cette question peut-elle nous intéresser ? » — « Hérétiques grossiers, » s’écria le missionnaire, « puissiez-vous être maudits pour être tombés dans une erreur aussi épouvantable ! » — « Il me semble, » dit Bernard de Simorre, « qu’il ne s’agit pas ici de disputer sur la longueur des jambes du fils de l’homme, mais de savoir s’il a institué l’Église romaine avec tous ses sacremens, ses canons, ses décrétales, ses instrumens de domination et de richesses, et si la mission de celui qui se dit le souverain pontife est légitime. » — « Eh bien, » reprit frère Étienne, « quel est celui d’entre vous qui n’a pas lu dans l’évangile ces paroles éclatantes : — Tu es pierre, et sur cette pierre j’édifierai mon Église ? » — Cette réponse fit une impression profonde sur l’esprit des juges, que l’observation sur la jambe de J.-C. avait déjà ébranlés. L’un d’eux, Arnaud de Campran, s’écria : « Si N. S. J.-C. a dit ces paroles, tout bon chrétien doit croire et se taire. » Arnaud s’avoua converti, et Ponce Adhemar de Rodélie dit à l’abbé Vital(10) : « En vérité, je n’aurais pu croire que vos orateurs eussent pour eux des argumens aussi forts(11). » — Les ministres dissidens perdirent contenance en voyant ce qui se passait, et tous voulaient à-la-fois répondre au missionnaire. La voix de Ponce-Jourdain prit le dessus et fit entendre ces paroles : « Les oracles du Dieu tout-puissant ne sont pas des jeux de mots, et les violations de la parole divine ne se justifient pas par des énigmes. Qu’y a-t-il de commun entre les vertus évangéliques du premier des apôtres et les actes inhumains du pape Innocent ? Nous déclarons donc reconnaître dans ce faux pontife, non le pasteur du troupeau chrétien, mais le loup dévorant qui en fait sa proie, et dans sa prétendue église, non l’épouse de J.-C., mais une église de troubles, endoctrinée par satan, et cette Babylone que St.-Jean dans l’apocalypse qualifie de mère de fornication et d’abomination, enivrée du sang des saints et des martyrs(12), Nous offrons de prouver par la parole des Écritures, que la hiérarchie, la police, établies par cette église, sont en contradiction avec les préceptes de J.-C., et que les cérémonies actuelles de la messe n’ont été prescrites ni par ce divin maître, ni par ses apôtres. Nous ne craignons pas d’ajouter que le purgatoire est un songe suggéré aux chapelains par la cupidité, que les vœux sont des fictions humaines, et le monachisme un foyer d’infection ; que les ordres sont le caractère de la bête ; que les dédicaces des temples, les anniversaires des morts, les bénédictions, pèlerinages, fêtes superflues, et toutes les cérémonies ajoutées au baptême et à la cène pascale, sans la parole de Dieu, sont des inventions diaboliques(13). »

« Achevez, » s’écria frère Étienne, « et que nous sachions en entier votre profession de foi. Dites-nous que la résurrection des corps est un mensonge ; qu’il y a deux Dieux dans le ciel, et que l’un d’eux a engendré des fils et des filles avec les prostituées Olla et Oliba, que Saint-Jean-Baptiste n’était point prophète ; que Marie-Magdelaine a été la concubine de J.-C. — Parlez-nous de vos sortilèges, des pratiques abominables que vous ont enseigné les hommes du démon envoyés pour corrompre les peuples. Vantez-nous vos plaisirs infâmes imités de Sodome. Parez-vous de tous ces noms que l’Église a foudroyés de ses anathêmes, adamites, publicains, gnostiques manichéens, nicolaïtes, calaphrygiens, patatrins et boulgares(14). » Frère Étienne allait poursuivre ses invectives ; l’abbé Vital le retint et dit à ses confrères : « Que faisons-nous ici ? Et pourquoi nous soumettre à entendre de nouveaux blasphêmes ? Comment sommes-nous descendus à ce degré d’humiliation, qu’il nous faille supporter le poids de tant d’hérésies injurieuses ? Par quelle fatalité, des chevaliers, des bourgeois, de simples laïques, se trouvent-ils institués juges en matière de foi ? Que deviendront désormais les conciles, et sur qui s’exercera la juridiction du St.-Père ? « Mes frères, » ajouta-t-il, « vos discours, vos raisonnemens, sont maintenant hors de saison ; laissez à Dieu le moyen de se faire entendre à ces sourds volontaires. Ils refusent de reconnaître la voix du pasteur ; qu’ils éprouvent le châtiment du maître. Une armée de véritables chrétiens a endossé la croix pour punir les impies ; Dieu l’a suscitée pour venger sa cause. Il a déposé dans la main de ces Machabées son glaive et ses argumens. C’est à eux que les sectaires auront à répondre. Les victoires de Béziers et de Carcassonne leur ouvrent l’entrée de ce pays, et les ennemis de notre foi vont être dissipés comme la poussière des chemins. Quant à moi, je croirais manquer à mes devoirs si j’assistais plus long-temps à ce colloque profane, et j’invite mes frères à se retirer. Notre poste est auprès des légats du St.-Siège, puisque le signal de la guerre est donné. Le moment est venu où le grain doit être séparé de la paille, et où les élus de Dieu doivent passer à sa droite en abandonnant les réprouvés à leur perdition ».

L’abbé sortit alors de l’assemblée ; ses confrères le suivirent, et la conférence fut rompue. Le comte de Foix en eut un profond regret, surtout quand on l’eut informé que Vital s’était éloigné promptement de son monastère en se dirigeant vers Carcassonne. Les catholiques les plus prononcés ne tardèrent pas à abandonner le pays sous divers prétextes. Quelques hommes du peuple ayant manifesté le désir de se séparer des sectaires, Durand de Hüesca se mit à leur tête ; puis les emmena en Catalogne pour y embrasser la vie religieuse et pratiquer les austérités usitées parmi les bons hommes sans renoncer à la communion de l’Église(15).

Les dissidens, se trouvant seuls, célébrèrent comme une victoire la retraite de leurs adversaires, et cette exaltation n’eut plus de bornes. Ils se distribuèrent en plusieurs assemblées. Les simples croyans, c’est-à-dire les hommes du peuple, écoutaient les instructions des bons hommes appelés aussi les parfaits. Ceux-ci se divisaient en fils majeurs et en fils mineurs, termes équivalens aux titres d’évêques et de diacres. Gillabert de Castres, fils majeur de l’église toulousaine, fut choisi par Esclarmonde pour l’initier solennellement avec cinq autres dames de la cour du comte(16). Ces illustres récipiendaires déclarèrent se rendre à Dieu et à l’évangile, et s’engagèrent à ne plus manger à l’avenir, ni chair, ni œufs, ni fromage, mais d’user seulement d’huile et de poisson. Elles promirent aussi de ne jurer, ni mentir, de n’avoir aucun commerce charnel, et de ne jamais abandonner la secte par la crainte de la mort. Gillabert leur imposa les mains et leur donna le baiser de paix, après plusieurs génuflexions. Les assistans répétèrent entre eux cette cérémonie en se baisant deux fois en travers de la bouche, et achevèrent ainsi l’œuvre de la consolation. Les parfaits et leurs disciples participèrent ensuite à un repas frugal, en se conformant au régime des apôtres. Arnaud Hot prononça ces paroles : « Que celui qui a béni les cinq pains d’orge et les deux poissons au désert nous bénisse cette table ! » — Cette oraison était la seule qu’ils se permettaient de joindre à l’oraison dominicale enseignée par le Sauveur du monde(17).

Arnaud de Campran, que les discours de frère Étienne avaient ramené au sein de l’Église, sollicita son absolution, et l’obtint en se conformant aux règles établies par l’évêque d’Osma et par Dominique. Il fut conduit, les épaules nues, pendant trois dimanches ou fêtes, par Étienne qui le flagella depuis l’entrée de la ville jusqu’à l’église. Il endossa l’habit religieux avec deux petites croix cousues des deux côtés de la poitrine, s’engagea à observer trois carêmes dans l’année, à garder une chasteté perpétuelle, et à demeurer sa vie entière sous la surveillance du chapelain de Pamiers(18).

Cependant les routiers s’étaient mis en campagne. Alfar en avait choisi quatre cents des plus déterminés pour rôder avec lui autour de l’armée des croisés, et s’informer de leurs marches et de leurs projets.

Quelques-uns des siens rencontrèrent un messager de Simon de Montfort, le tuèrent, et enlevèrent ses dépêches. Alfar les lut et se hâta de les envoyer au comte de Foix.

Ce fut ainsi que Roger fut informé que le légat, devenu maître de Carcassonne, avait fait enfermer le vicomte dans une tour obscure et inaccessible, et qu’ayant offert l’investiture des domaines du malheureux prisonnier aux principaux chefs de la croisade, cette offre avait été rejetée avec dédain par le duc de Bourgogne et les comtes de Nevers et de St.-Paul, mais acceptée par Simon de Montfort(19).



NOTES
DU LIVRE CINQUIÈME.
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(1) Raymond Roger de Foix succéda a son père Roger Bernard en 1188. Prisonnier du comte d’Urgel en 1204, il fut délivré en 1208 par l’entremise du roi d’Aragon. Simon de Montfort l’attaqua en 1209 sur la dénonciation de Vital, abbé de St.-Antonin. Ce prince n’était point hérétique, mais protégeait ses parens qui l’étaient. Il transigea avec Simon, et lui livra en otage son fils Aimery. En 1211 il se joignit au comte de Toulouse, tailla en pièces 6 000 allemands qui venaient au siège de Lavaur, puis fut battu à Castelnaudary. Il se rendit à Rome en 1215, et y réclama en vain la restitution de ses domaines ; en 1218 il était dans Toulouse quand Montfort fut tué, contribua beaucoup à la levée du siège et battit les croisés l’année suivante à Basièges. Il mourut en 1223, après avoir assiégé et recouvré Mirepoix. Son nom se trouve parmi ceux des poètes provençaux dont il fut le Mécène et l’émule.

Voy. l’Art de vérifier les dates et l’Hist. de Lang.

(2) Il paraît que l’évêque d’Osma, Diego de Azebés, fut l’auteur de ces conférences : avant lui les prédications des dissidens n’étaient contredites que par d’autres prédications ou des actes d’autorité. La première controverse eut lieu à Carcassonne en 1204, entre ce prélat et Bernard de Simorre. Dans les deux années qui précédèrent la croisade, l’histoire mentionne trois célèbres conférences entre les missionnaires catholiques et les dissidens appelés Albigeois. Celle de Carcassonne dura huit jours, celle de Montréal en dura quinze. L’évêque d’Osma et Dominique assistèrent à l’une et à l’autre ; les arbitres de la dernière furent deux chevaliers, Bernard de Villeneuve et Bernard d’Arseus, et deux bourgeois, Bernard de Got et Arnaud de la Rivière. Les orateurs albigeois étaient Arnaud Hot ou d’Othon, Guillabert de Castres, Benoît de Termes, et Ponce de Jourdain. Pierre de Vaux-Cernay raconte que St.-Dominique, ayant fait un écrit sur les questions en litige, et l’ayant donné à lire à ses adversaires, l’un d’eux le jeta au feu en présence des autres, et essaya en vain de le brûler à trois reprises consécutives ; ce qui ne put suffire a les convertir. La dernière conférence fut celle de Pamiers. Foulques, évêque de Toulouse, y assista avec celui d’Osma et probablement St.-Dominique ; mais d’après les relations contemporaines, le frère Étienne de Minia ou de la Miséricorde en fut le héros. Arnaud de Campran, l’un des arbitres, se convertit et fit abjuration entre les mains de l’évêque d’Osma.

Voy. l’Hist. de Languedoc et la Chronique
de Guillaume de Puylaurent.

(3) Voyez l’Histoire de l’Église, par Viguier, année 1208.

(4) Vaissette, Hist. de Languedoc, t. 3, p. 147

(5) Voyez Pierre de Vaux-Cernay et Histoire de Languedoc, t. 3, p. 134.

(6) Suivant Benoît, Histoire des Albigeois, t. 1, p. 269 et suivantes, on accusa les hérétiques dans la conférence de Carcassonne, tenue en présence de l’évêque et des deux légats, d’avoir soutenu, 1.° que Jésus-Christ n’était qu’un homme, né d’un homme et d’une femme ; 2.° que la vierge Marie n’était pas née selon la chair de parens charnels.

Voy. l’Hist. de Langued., t. 3, p. 135.

(7) Cui frater Stephanus de Minia : Ite, domina, inquit, filate colum vestrum ; non interest vestra loqui in hujus modi contentione.

Guill, de Pod. Laur. c. VIII.

L’animosité des catholiques contre Esclarmonde fut poussée au point qu’au concile de Latran, Foulques, évêque de Toulouse, osa l’accuser d’avoir fait mourir son mari pour l’amour des hérétiques, avant de se retirer à Pamiers.

Hist. de Languedoc, t. 3, p. 273.

(8) Voici le jugement de St.-Bernard sur les écrits d’Abélard, et notamment sur la doctrine de la trinité. « De virtutibus et vitiis non moraliter, de sacramentis ecclesiœ non fideliter, de arcano sanctissimœ trinitatis nec simpliciter nec sobrie disputatur. »

Bernard, épist. 190.

(9) C’est dans la bouche de l’évêque d’Osma que Guillaume de Puylaurent met cet argument pendant un colloque qui se tint à Verfeil : « Dicente ergo domina per Isaiam, Cœlum mihi sedes est, terra autem scabellum pedum meorum, consequens est si ipse homo sedens est in cœlo, pedibus terram tangentibus, tibiarum cœli ad terram sit spatium longitudo : quibus ita esse fatentibus, ipse statim subjunxit : Malediçat vos deus quia grossi heretici estis. »

Guill, de Pod. Laur. c. 8.

(10) C’est à Foulques, évêque de Toulouse, que Ponce Adhémar de Rodelie, miles sagax, dit Guillaume de Puylaurent, fit ce compliment : « Nulla tenus possemus credere quod Roma haberet tot efficaces adversus istos homines rationes. »

Guill, de Pod. Laur. c. 8.

(11) Ceci ressemble beaucoup à l’admiration que témoigne Cebes dans le dialogue du Phédon, pour les argumens, où Simmias cherche à prouver que l’âme est une harmonie, et sur ceux bien plus sophistiques de Socrate réfutant Simmias. Que les platoniciens, me pardonnent cette comparaison.

(12) Non esse sanctam ecclesiam neque sponsam Christi sed ecclesiam diaboli et doctrinam doemoniorum ; et esse illam Babylonem quam Joannes appellabat in apocalypsi matrem fornicationum et abominationum, ebriamque sanguine sanctorum et martyrum Jesu Christi.

Guill, de Pod. Laur. c. 9.

(13) Ces imputations sont énoncées textuellement dans les écrits du temps.

Voy. Viguier, Hist. de l’Église, ann. 1159 et 1207.

(14) Idem, année 1206. Cette dernière appellation la plus odieuse de toutes se prononçait autrement.

Voy. Perrin, Histoire des Vaudois, t. 2, ch. 2.

(15) Ce nouvel ordre, fondé par Durand d’Huesca, dont le pape Innocent III approuva la règle le 18 décembre 1207, se répandit dans le Languedoc, mais devint bientôt suspect aux évêques et s’éteignit sans bruit malgré la protection du St.-Siège.

(16) Vaissette, Hist. de Langued., année 1204, p. 133, 134.

(17) Viguier, Hist. de l’Église, année 1159.

(18) Vaissette, Hist. de Langued., t. 3, p. 148. Cette pénitence fut infligée par Dominique à un nommé Pierre Roger. C’était là ce qu’on appelait traiter les sectaires avec douceur et charité.

Histoire de Languedoc, t. 3, p. 276.

Il semble en effet que les bûchers ont été allumés par le fanatisme des croisés, qui en ont ensuite remis l’administration aux religieux institués par le saint Espagnol.

(19) Histoire de Languedoc, t. 3, p. 174.

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