Éditions Police Journal (Aventures de cow-boys No. 5p. 1-4).

Le cow boy renégat

PROLOGUE


Jean-Baptiste Verchères adressa l’enveloppe :

« M. LE DIRECTEUR,
Royale police montée du nord-ouest,
Bytown, Haut-Canada ».

Il lécha la colle.

Cacheta la lettre.

Puis, comme il se levait, le cavalier du poney-express entra au poste de police.

Le poney-express légendaire !

Groupe de héros qui étaient à la fois postillons, messagers, transporteurs d’or, d’argent et de billets de la banque du Manitoba à ses succursales éparpillées sur les territoires…

Missions presque toujours dangereuses.

Périlleuses.

Souvent mortelles.

L’héroïque cavalier solitaire du poney-express était la cible des sauvages en galvaude…

Des voleurs de grands chemins.

Des cowboys-renégats.

Et des autres outlaws qui infestaient l’Ouest canadien.

J. B. regarda le cavalier du P. E.

— Tiens, tu tombes bien, Arthur, dit-il.

Arthur était vêtu d’un casque de bête puante, d’un gilet de chevreuil, de culottes de buffalo et de bottes bâtardes.

Sa jeune figure était bonne et douce.

Mais il y avait dans ses yeux des lueurs d’acier.

Lueurs dangereuses pour ses ennemis.

Il dit :

— Je tombe bien ? Que voulez-vous dire ?

— J’ai une lettre de prime importance à faire délivrer le plus vite possible au chef de la royale montée.

— À Bytown ?

— Oui.

Arthur tendit la main :

— Bien, monsieur Verchères, soyez sûr que votre missive sera à bord de la diligence Winnipeg-Toronto-Bytown lors de son prochain départ.

Il questionna :

— Comment vont les choses ici ?

— Mal.

Baptiste expliqua :

— Tu connais Israël et Dizzy Bartlett ?

— Les frères ranchers… ?

Arthur commenta :

— Je ne donnerais pas le bon Dieu sans confession à ces deux gas-là.

— Ni moi non plus.

J. B. reprit :

— Tu connais de même le voisin des Bartlett, Roger Godin ?

— Oui, Roger, c’est du vrai bon monde ça…

— C’ÉTAIT du monde…

— Vous voulez dire que…

— Roger est mort assassiné par Sam Lortie…

— Le cowboy contremaître du ranch Bartlett ?

— Oui.

— Mais qu’est-ce qui vous fait dire que Lortie est l’assassin ?

— Il s’est enfui et est disparu mystérieusement.

Arthur demanda :

— Et la fille du mort… ?

— La jolie Louisette ?

— Oui.

Elle est saine et sauve… Mais ce n’est pas tout.

— Non ? Quoi encore ?

— Après avoir assassiné Roger Godin, Sam Lortie mit le feu aux bâtiments. Tout a été détruit sauf une grange…

« C’est cette grange qu’habite actuellement Louisette… »

— Avez-vous fait enquête, chef ?

— Oui.

— Avec quel résultat ?

— Par un de ces phénomènes trop fréquents dans l’ouest, la petite rivière qui servait à désaltérer les bestiaux de Bartlett, s’assécha…

— Sans eau, bœufs, vaches et veaux mouraient dans une semaine ou deux.

— Oui.

— Alors… ?

Alors Israël Bartlett alla demander de l’eau à Godin. Mais charité bien ordonnée commence par…

Arthur interrompit :

— Roger avait lui-même à peine assez d’eau pour abreuver ses propres bêtes à cornes ; force fut donc pour lui de refuser la supplique…

— Et… ?

— Tu sais le reste ; le meurtre et l’incendie criminel.

J. B. soupira :

— Pauvre Louisette, elle a été forcée de vendre à vil prix son troupeau entier…

— Mais pourquoi ?

— Parce que les Bartlett s’étaient emparés de sa source d’eau vive.

Arthur protesta :

— Et vous n’êtes pas intervenu ?

— Non.

— Vous n’avez pas délogé les Bartlett pour tresspas ? (trépas) ?

— Non

— Pourquoi ?

— Parce que Louisette ayant refusé de signer la plainte contre les Bartlett, il m était impossible d’obtenir un mandat d’arrestation du juge de paix…

— Ainsi Louisette n’a pas voulu… ?

— Non.

— A-t-elle donné la raison de son étrange attitude.

— Non, elle a carrément refusé de desserrer les dents…

Arthur se gratta la tête, intrigué :

— Ouais…

— J’ai bien peur que du sang sorte de ce mystère…

— Mais à qui Louisette a-t-elle vendu ses bestiaux ?

— Aux 2 frères Bartlett.

— Hein ?

— Et au quart du prix du marché.

— Ça sent le meurtre à plein nez…

— Oui, « ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille… »