Police Journal Enr (Aventures de cow-boys No. 2p. 26-29).

CHAPITRE IX

BAPTISTE VERCHÈRES


Quand le chef de police de Squeletteville arriva à la maison le lendemain matin, il vit les deux amoureux étendus dans deux chaises longues sur la galerie.

Ils dormaient en se tenant la main.

Baptiste sourit.

Et murmura :

— Ils ont solutionné leur problème d’amour. Reste à trouver la solution du grave problème de crimes.

Il éveilla les amoureux.

— Charmaine, dit-il, si je me rappelle bien, ton père avait un coffre-fort…

— Oui.

— Où est-il ?

— Dans le bureau.

— Viens…

Le coffre-fort ancien reposait dans un coin du cabinet de travail du mort.

Baptiste dit :

— Ouvre-le, Charmaine.

— Hélas, c’est impossible.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne connais pas la combinaison.

— Mais comment cela peut-il être ?

— Seuls mon père et Renaud étaient dans le secret.

Baptiste dit :

— Il faut que nous transportions ce coffre-fort ailleurs.

Nap demanda :

— Dans quel but ?

— Parce qu’il doit y avoir dedans des documents de prime importance que Renaud voudrait bien soustraire à notre examen.

— Mais Battling est sous arrêt.

Le chef eut un pâle sourire :

— Je connais trop bien la petite prison de Squeletteville et ses limitations. S’il y a quelque chose dont elle n’est pas à l’épreuve, ce sont les évasions. Ou je ne connais pas Battling ou il sera bientôt ici avec son side-kick Troyat.

— Je comprends, fit Nap. Mais ne pourrions-nous pas éventrer le coffre-fort ici même ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce qu’en entrant dans cette maison Renaud se dirigera tout de suite vers cette pièce où nous sommes, alors que nous n’aurons pas encore fini l’étude des documents.

— Alors, chef, où voulez-vous le transporter ?

— Dans le bunkhouse vide parce que les cow-boys du ranch bivouaquent. Nous pourrons y travailler tranquilles. Je croix que deux hommes comme nous peuvent le déménager sans trop de difficultés.

Dix minutes plus tard, le coffre-fort était dans le bunkhouse.

Baptiste s’essuya le front.

Et dit :

— Maintenant un ciseau-à-frette, une masse et un levier que nous fassions sauter la serrure.

Ravelle déclara :

— Je crois qu’une masse suffira.

Il alla en quérir une dans un coin.

Souigna.

Une fois.

Deux fois.

Trois fois.

Le coffre-fort était enfin vaincu.

La première chose que vit le chef fut une pile de billets de banques.

Il les compta.

Il y avait plus de 15,000 piastres.

Puis il sortit une longue enveloppe de parchemin sur laquelle étaient écrits ces mots :

« MON TESTAMENT DE MA MAIN
ALCIDE BOYER. »

Baptiste déchira l’enveloppe.

Sortit le papier.

Le déplia.

Et lut :

« Sain de corps et d’esprit, recommandant mon âme à la miséricorde divine, je soussigné lègue, par ce testament olographe, ma fortune entière à ma fille unique Charmaine Boyer que je nomme ma légataire universelle avec autorisation de disposer de tous mes biens à sa guise.

« Et ce 27e jour d’avril 1879, j’ai signé :

« ALCIDE BOYER. »

Baptiste s’écria :

— Mais le 27 avril 1879, c’était la semaine dernière.

Il se gratta la tête :

— Je vois une anguille sous cette roche. Pourquoi ne s’est-il passé que quelques jours entre ce testament et la mort violente du testataire ?

Il haussa les épaules :

— Enfin nous verrons bien…

Baptiste plongea de nouveau la main dans le coffre-fort.

Il en sortit un paquet ficelé, d’une couple de pouces d’épaisseur.

Soudain il tressaillit.

Il y avait de quoi.

En effet, sur le paquet étaient écrits ces mots :

« CHÈRE CHARMAINE :

« Si tu lis ces lignes, il faut, entends-tu ? que tu jettes immédiatement ce paquet au feu sans en lire le contenu.

« TON PÈRE ».

Baptiste joua alors la comédie :

— Oh, j’oubliais quelque chose de la plus haute importance, dit-il.

— Quoi donc ?

— Il n’y a personne pour monter la garde au dehors ; alors Renaud et Troyat vont avoir sur nous l’avantage de la surprise.

— Ils ne l’auront point, dit Nap. Je vais aller faire la sentinelle.

— C’est ça. L’homme au dehors et Charmaine dans sa maison. Vous ne serez pas trop de deux.

Comme ils allaient quitter le bunkhouse, le chef leur dit :

— À la moindre alerte, tirez en l’air et j’accourrai vous prêter main-forte.

Quand il fut seul, il ouvrit le paquet.

Une pile de lettres parut.

Des lettres parfumées.

Des lettres de femme.

Il en lut une :

— Ah, le salaud !

Il en lut une seconde :

— Ah, le couillon.

Il en lut une 3e :

— Ah, la salope.

La lecture de la 4e lettre lui arracha l’exclamation :

— Ah, les deux assassins !

Il mit les lettres dans sa poche et sortit une autre enveloppe du coffre-fort.

Étonnement. Surprise. Stupéfaction.

Sur l’enveloppe étaient écrits ces mots :

« Quiconque lira ceci devra transmettre cette enveloppe cachetée et scellée telle quelle, au chef de police Baptiste Verchères de Squeletteville, Manitoba.
« ALCIDE BOYER. »

Fébrilement le chef déchira l’enveloppe.

Ce qu’il lut lui causa une telle stupéfaction qu’il s’écria :

— Ça bat 4 as !

Il entendit le coup de feu convenu.

Ses deux colts parurent dans ses mains comme par magie.

Il poussa du pied la porte du bunkhouse.

Et sortit.

Renaud et Troyat étaient à sauter en bas de leurs montures.

Ce ne fut pas sur les 2 chenapans que Baptiste tira.

Non.

Il fallait aller au plus pressé.

Leur couper toute retraite possible.

Alors, de deux balles, il abattit les 2 chevaux.

Puis il s’attaqua à Renaud.

D’une balle il lui fracassa le poignet droit.

Le pistolet de Battling quitta sa main inerte.

Et tomba sur le sol.

Un instant plus tard la même aventure arriva à Troyat.

De sa main valide, Renaud sortit un second pistolet.

Son dernier poignet fut cassé à son tour.

Même chose à l’ex-contremaître.

Baptiste ordonna :

— Approchez-vous de moi.

Les bandits hésitaient.

— Rendez-vous ou bien je vous tue comme des chiens.

Tout de suite il se reprit :

— Pas comme des chiens, mais comme les bêtes puantes que vous êtes !

Quelques minutes plus tard. Les 2 bandits sont emmenottés.

Ficelés.

Prêts à être livrés à la mort, aux vautours et autres oiseaux de proie.

Baptiste dit :

— Ravelle…

— Oui, boss…

— Allez au bivouac et ramenez-moi mon posse et vos cow-boys.

Il expliqua :

— Nous allons faire subir aux deux saligauds un procès juste et équitable selon la loi non écrite de l’Ouest.

— Entendu…

Quand il fut seul avec Charmaine le chef lui dit :

— Promets-moi, petite, de m’obéir quand je te demanderai de quitter la pièce au cours du procès.

— Mais pourquoi ?

— Pour t’éviter une très grosse peine, ma fille…