Le bon Sens du François

LE BON SENS
DU FRANÇOIS.


VOULEZ-VOUS anéantir l’orgueil, ou voulez-vous le nourir ?

Voulez-vous accoutumer les hommes à respecter la justice naturelle, ou à la violer ?

Voulez-vous établir l’amour et la concorde dans les familles, ou y faire regner la crainte et la défiance ?

Voulez-vous faire éclore de bonnes mœurs, ou voulez-vous entretenir la corruption ?

Voulez-vous, en un mot, créer le bien, ou propager le mal, faire naître le bonheur, ou voir durer le malheur de la génération présente ?

Si c’est le bien que vous voulez, hâtez-vous donc. Avant que vous fussiez nos représentans, la Nation invoquoit une loi. Elle l’avoit articulée, il falloit régler, d’après la Constitution et sur son plan, le premier contrat, le plus important des contrats qui lient la race humaine.

Un seul décret explicatif suffit pour abattre à la fois la cupidité, l’égoïsme, l’arrogance, et pour enraciner l’égalité, la liberté, la douce sécurité, l’équité dans nos asyles.

On vous égare, ô Législateurs ! on suspend dans vos esprits ce qui ne peut se différer sans crime ; car la justice et l’humanité sont violées chaque jour.

N’écoutez point les objections de l’Église et celles de la jurisprudence. Le peuple laisse derrière lui ses préjugés ; il a pour flambeau la Constitution et la philosophie ; il vous demande un décret, un seul décret qui réduise en poudre les honteux vestiges de nos vieilles coutumes, et qui arrête les légistes, et les empêche d’opposer la barbarie des vieilles loix, à la simplicité majestueuse de l’acte constitutionnel ; un décret qui fasse comprendre que l’égalité est entre les époux et les épouses, comme entre tous les individus François ; qui assure à chacun sa propriété, et leur permette de se désunir sous l’inspection des tribunaux de famille, chargés de juger suivant les lumières de la raison, de la seule raison, et de veiller aux intérêts des enfans et aux arrangemens de fortune.

Hâtez-vous de faire respecter à nos tribunaux ce que le peuple respecte. Prononcez enfin l’anathême contre toute féodalité, contre toute usurpation de propriété, contre toute espèce de servage ; alors et bientôt s’élèveroit du sein de la liberté, de l’égalité, une race d’hommes juste, fière et par-tout invincible.

Par une Citoyenne.

De l’Imprimerie de DU PONT, hôtel de Bretonvilliers, isle Saint Louis, 1792