Le Vigneron dans sa vigne/L’Impôt

Le Vigneron dans sa vigneMercure de France. (p. 206-207).



L’IMPOT


— Le texte est formel, dit le percepteur à Noirmier :

« Loi du 17 juillet 1889, article 3, paragraphe 3 : les père et mère de sept enfants vivants, légitimes ou reconnus, ne seront pas inscrits au rôle de la contribution personnelle et mobilière.

— Écoute, dit en rentrant Noirmier à sa femme, nous avons déjà six enfants, faisons vite le septième et nous ne paierons plus d’impôt.

Cette certitude leur donna du courage. Déjà ils se trouvaient moins malheureux que tant d’autres. Noirmier travaillait presque toujours ; il mendiait aussi et même il volait du bois et des pommes de terre à l’occasion, sans cesser pour cela d’être un brave homme.

Sa femme regonflée n’arrêtait jamais dans la maison nue, et pas un enfant ne mourait. Le septième arriva comme un sauveur et aux pires moments de leur misérable vie, Noirmier répétait tranquille, soulagé :

— C’est égal, nous ne payons plus l’impôt.

Et voilà qu’il reçut une nouvelle feuille blanche l’invitant à verser, pour ses contributions de l’année suivante, la somme de 9 fr. 50.

— Le texte est formel dit encore le percepteur :

« Loi du 8 août 1890, article 31 : le paragraphe 3 de l’article 3 de la loi de finances du 17 juillet 1889 est modifié ainsi qu’il suit : les père et mère de sept enfants vivants, mineurs, légitimes ou reconnus, assujettis à une contribution personnelle mobilière égale ou inférieure à dix francs seront exonérés d’office de cette contribution. »

Or, Noirmier, votre contribution de 9 fr. 50 est bien inférieure à 10 francs, vous