Le Vallon (Fernand Séverin)

Pour les autres utilisations de ce mot ou de ce titre, voir Le Vallon.
Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 248-249).


Le Vallon


Je revois en esprit de calmes paysages
Qui comprirent jadis les soucis de nos cœurs,
Des sites distingués des souffrants et des sages
Et qui font l’âme encline à de douces langueurs.

Ils veulent être vus à cette heure indécise
Où se teignent de soir les blonds après-midis,
Et non dans les matins que l’aurore opalise,
Et non dans la rougeur des couchants refroidis.

Ils semblent, ces vallons de muettes feuillées,
L’abri prédestiné des dolentes amours,
Les discrets confidents des plaintes alliées,
L’alcôve des meurtris qui s’aimeront toujours !

Mais c’est le gîte aussi d’un étrange silence,
Quand parfois les amants s’en viennent enlacés,
Et, les yeux se fuyant, rêvent d’intelligence
De renaître peut-être aux doux frissons passés.


Et nous-mêmes, nous deux, aux jours d’angoisse humaine,
Pâles soudainement du vide de la chair,
Pèlerins en silence émus de foi sereine,
Nous avons révélé notre âme au vallon cher.

Lors il nous a guéri du mal et de ses causes,
Et les feuilles chantaient si bien dans le ciel d’or,
Et les lèvres des fleurs disaient de telles choses
Que nos yeux consolés s’osaient chercher encore !

Et si longtemps, enfin, que nos yeux et nos bouches
Marieront en l’amour le sourire et les pleurs,
Laisse, ô notre vallon, dans tes grâces farouches
Les blonds après-midis s’alanguir sur tes fleurs !