Le Trombinoscope/Garibaldi

Le Trombinoscope1 (p. 79-82).

GARIBALDI joseph, général italien, né à Nice, le 4 juillet, 1807. — Pie IX avait déjà une quinzaine d’années quand Garibaldi naquît ; mais, si l’on en croit la nourrice de ce dernier, son premier cri en venant au monde fut : Je te rattraperai bien, tout de même. — Tout jeune, Garibaldi entra dans la marine sarde et dans une fureur bleue contre le despotisme. — Dès 1834, compromis dans une conspiration, il fut obligé de quitter l’État de Gênes ; mais il le retrouva très aisément en France où il dut se faire professeur de mathématiques pour vivre.

Après un court séjour dans la flotte du bey de Tunis, il fut investi du commandement en chef d’une escadre par la République de l’Uruguay. Fait prisonnier, il s’évada et organisa contre Buénos-Ayres des corps de partisans italiens dont le négligé de la toilette eût fait mourir de rire le correct Trochu ; mais qui, à défaut de capotes ouatées, se couvrirent de gloire. — En 1848, il revint combattre pour la liberté italienne, fut nommé député du Piémont par l’opposition, et lorsque l’année suivante la République fut proclamée à Rome, il se mit à la tête de sa légion pour combattre le général Oudinot, envoyé par la République française pour anéantir la République romaine, ce qui, par parenthèse, ne paraîtra pas à l’histoire d’une logique bien serrée. — Il soutint le siége de la ville et brûla en trente jours huit cents fois moins de cierges et trois mille fois plus de poudre que le général Trochu ne devait le faire plus tard en six mois. — Il ne fit pas communier ses troupes tous les trois jours ; mais il se fit blesser au combat. — À la dernière extrémité, il proposa de faire sauter les ponts et de combattre jusqu’à la mort. Rome s’y refusa, circonstance qui a permis à Trochu de s’excuser de sa mollesse en répondant à ceux qui lui opposaient cette comparaison : Je ne pouvais proposer à Paris de pareils moyens, sachant d’avance qu’il les accepterait. — Il s’échappa de Rome et s’embarqua pour Gênes. — De là, il repartit pour l’Amérique, où il prit, dit-on, une fabrique de chandelles, de chandelles romaines probablement.

Le Gaulois et le Figaro se sont réjouis longtemps par d’aimables ricanements qu’un militaire ait put devenir négociant par nécessité ; il est vrai que lorsque, plus tard, ils virent des négociants essayer de se faire soldats par devoir, ils en ricanèrent pour le moins autant ; il ne faut pas s’en étonner, le mérite spécial de ce genre de presse est d’affecter de croire qu’un pays ne peut être sauvé que par des soudards dorés sur tranches, et de nier qu’un fabricant de chandelles puisse jamais avoir autant de patriotisme que le maréchal Bazaine. — En 1859, il revint se mettre à la disposition du Piémont, fut nommé en mai major-général et combattit comme un lion excitant l’enthousiasme de l’Europe entière, excepté Veuillot. — La paix de Villafranca lui procura le juste prix de son dévouement ; Nice, sa ville natale, fut cédée à la France ; le moins qu’on pût faire pour ce héros, qui avait combattu pour toutes les nationalités, c’était évidemment de le priver de la sienne. — Il est vrai de dire que Nice fut consultée à ce sujet par un plébiscite, et tout le monde sait qu’un plébiscite, c’est sacré ; le plébiscite, tel qu’il est ordinairement pratiqué, peint l’état de l’âme d’un peuple à peu près comme les enfants prouvent leur tendresse à un étranger, en exécutant la consigne maternelle « Fais risette au Monsieur, il te donnera deux sous. » — En 1860, Garibaldi protesta contre cette annexion, donna sa démission de député et organisa, au moyen de souscriptions, une expédition en Sicile ; il chassa le roi de Naples et donna ses États à Victor-Emmanuel. — Ici, nous sommes forcé de trouver un cheveu sur la conduite de Garibaldi : Oter un roi de quelque part et en remettre un autre à la place, c’est faire juste la moitié de la besogne en trop. Mais Garibaldi avait, dit-on, beaucoup d’affection pour Victor-Emmanuel ; on n’est pas parfait — à la suite de ces événements, Garibaldi fut nommé général ; mais il se retira à Caprera, décidé à attendre la première occasion, et même à la faire naître, de dévisser Pie IX de son trône et de rendre Rome à l’Italie. — Victor-Emmanuel, le roi galant homme, désirait vivement cette solution ; mais retenu par des considérations diplomatiques, il désavoua les tentatives de Garibaldi tout en en souhaitant le succès. Aussi à la suite d’une expédition malheureuse qu’entreprit Garibaldi, qui fut blessé à Aspromonte, beaucoup plus que le général Ducrot à Champigny, Victor-Emmanuel donna-t-il une amnistie dans laquelle était compris le général qui la refusa avec la dignité d’un homme à qui l’on dirait : je vous pardonne le bien que vous avez voulu me faire au péril de votre vie. — Dans la guerre contre l’Autriche, Garibaldi fut encore blessé à Monte-Suello, au moins autant que le général Trochu à Montretout. — Enfin, en 1867, Garibaldi tenta une dernière expédition contre Rome et échoua grâce à l’intervention du général français de Failly qui devait plus tard ajouter à la gloire d’avoir étrenné nos chassepots pour le compte du denier de saint Pierre, celle d’oublier son artillerie pendant notre guerre contre la Prusse, chaque fois qu’il devait se rencontrer avec l’ennemi. — En 1870, Garibaldi accourut en France combattre pour la République, et fut nommé député à l’Assemblée de Bordeaux, qui le reçut comme un bonnet phrygien dans quinze douzaines de perruques à frimas. Il se retira, et depuis ce temps il attend à Caprera une nouvelle occasion de donner le reste de son sang pour la sainte cause que détestent ceux qui mettent le plus grand soin à épargner le leur.

Au physique, Garibaldi, par la douce expression de son visage, rappelle à ceux qui connaissent Veuillot que tous les hommes sont frères. Il était temps !… Quant à Villemessant, si ce n’est le front qui se reliant au nez sans courbure, donne à sa physionomie un caractère grec, il ne lui ressemble pas du tout. — Garibaldi est perclus de rhumatismes ; ce qui n’est pas étonnant, car Trochu lui doit cette célèbre phrase, dont il a tant usé de son lit : Nous couchons sur les positions. C’est d’ailleurs tout ce qu’il lui a emprunté. — Par suite de la blessure qu’il a reçue à Aspromonte, Garibaldi boite fortement ; s’il marchait à côté du comte de Chambord, ils se donneraient mutuellement, à chaque pas, un bon coup d’épaule ; mais ce ne serait pas de bon cœur.

Janvier 1872.

NOTICE COMPLÉMENTAIRE

DATES À REMPLIR
PAR LES COLLECTIONNEURS DU TROMBINOSCOPE

Garibaldi est excommunié par Pie IX le... 18... c’est la première fois de sa vie qu’on le voit rire. — Le... 18... la guerre éclatant de nouveau entre la France et l’Allemagne, il nous ramène ses volontaires et nous aide à reprendre l’Alsace et la Lorraine — Le... 18... La République composée (ce n’est pas dommage) de républicains, voulant rendre justice à ses serviteurs, vote par le même décret une épée d’honneur à Garibaldi, et au général Trochu, un coin de jeu en flanelle — également d’honneur. — Garibaldi se retire à Caprera le... 18... et le... 19... meurt de joie, muni des bavements du Figaro, en apprenant que le successeur de Pie IX, traité enfin comme un boutiquier ordinaire, vient d’être condamné à 16 francs d’amende pour ne pas avoir fait balayer le devant de la porte du Vatican.