Le Travail (Louise Colet)

Femmes-Poëtes de la France, Texte établi par H. BlanvaletLibrairie allemande de J. Kessmann (p. 166-167).



MME LOUISE COLLET.

LE TRAVAIL.

FRAGMENT.


Travail ! fidèle ami de l’homme, joie austère
Que Dieu place à côté des douleurs de la terre :
Mâle consolateur, dont le double pouvoir
Sait arracher au crime une âme qui s’égare,
Ou verse au cœur brisé le baume qui répare
Sa détresse et son désespoir.

Lorsque des passions vers nous la vapeur monte,
Que deux spectres cruels, la misère, et la honte,
Nous poussent chancelants vers un mirage impur,
De notre âme évoquant la native noblesse,
Qui donc par sa fierté soutient notre faiblesse ?
C’est toi, guide sévère et sûr.

À la vierge qui place en toi son espérance,
Tu promets un amour chaste pour récompense ;

À l’artiste, au penseur, tu montres l’idéal ;
Au pauvre courageux tu donnes le bien-être ;
Tu rends l’indépendance à ceux qui t’ont pour maître ;
Au coupable, le sens moral !

Par toi, tout ici-bas se féconde et s’élève !
Par toi la terre et l’âme enrichissent leur sève ;
Toutes deux, ô travail ! te doivent leurs trésors :
La terre a ses vergers, ses blés, ses vignes mûres ;
L’âme a ses dévoûments, sa foi, ses grandeurs pures,
Beaux fruits qui sans toi seraient morts !

C’est à toi, pour orner nos places et nos rues,
Que le peuple devrait élever des statues ;
Ah ! ce ne serait point un symbole imposteur !…
Soutien du faible, amour du fort, rachat du crime,
Des générations enseignement sublime,
Travail, éternel bienfaiteur !