Le Traité des Corps flottants d’Archimède/Livre II

Traduction par Adrien Legrand.
Gauthier-Villars et fils (p. 25-27).



SECOND LIVRE.

(ÉNONCÉS.)

I. Si un corps est plus léger que le liquide où on l’abandonne, il y aura entre son poids et le poids d’un volume de liquide égal à celui de ce corps le même rapport qu’entre la partie immergée et le corps tout entier.

II. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire dont la flèche (ne) dépasse (pas)[1] en longueur une fois et demie la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe[2], quel que soit le rapport de son poids avec celui du liquide, si on l’y abandonne de façon que sa base ne touche pas à ce liquide, et qu’on le mette dans une position inclinée, — il ne garde pas cette position, mais se redresse. (J’appelle redressement la position où la base ou section est parallèle à la surface du liquide).

III. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire dont la flèche (ne) dépasse (pas) en longueur une fois et demie la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe ; quel que soit le rapport de son poids avec celui du liquide, si on l’abandonne dans le liquide de façon que sa base tout entière soit immergée, et qu’on le mette dans une position inclinée, — il ne garde pas cette position, mais se redresse de façon que son axe soit vertical.

IV. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire plus léger que le liquide et dont la flèche dépasse en longueur une fois et demie la-ligne-qui- vient-jusqu’à-l’axe ; étant donné que le rapport de[3] son poids spécifique[4] avec le poids du liquide n’est pas plus petit que celui du carré de l’excès de la flèche sur une fois et demie la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe, avec le carré de la flèche ; si on l’abandonne dans le liquide de façon que sa base ne touche pas ce liquide et qu’on le mette dans une position inclinée, — il ne garde pas cette position, mais se redresse.

V. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire, plus léger que le liquide et dont la flèche dépasse en longueur une fois et demie la ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe ; étant donné que le rapport de son poids (spécifique) avec celui du liquide n’est pas plus grand que celui de la différence entre le carré de la flèche et le carré de l’excès de la flèche sur une fois et demie la ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe avec le carré de la flèche ; si on l’abandonne dans le liquide de façon que sa base y soit immergée tout entière et qu’on le mette dans une position inclinée, — il ne garde pas cette position, mais se redresse de façon que son axe soit vertical.

VI. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire plus léger que le liquide et dont la flèche dépasse en longueur une fois et demie la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe, mais soit trop petite pour être avec cette ligne dans le rapport de 15 à 4 ; si on l’abandonne dans le liquide de façon que sa base touche ce liquide, — il ne restera jamais dans une position inclinée telle que sa base touche le liquide même en seul point.

VII. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire plus léger que le liquide et dont la flèche dépasse en longueur une fois et demie la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe, mais soit trop petite pour être avec cette ligne dans le rapport de 15 à 4 ; si on l’abandonne dans le liquide de façon que sa base y soit plongée tout entière, — jamais il ne se placera de façon que sa base touche à la superficie du liquide, mais toujours dans une position telle qu’elle soit tout entière dans le liquide sans en toucher la superficie en un seul point.

VIII. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire ayant sa flèche plus longue qu’une fois et demie la-droite-qui-vient-jusqu’à-l’axe, mais trop petite pourtant pour être avec cette ligne dans le rapport de 15 à 4 ; étant donné que le rapport de son poids (spécifique) avec celui du liquide est plus petit que celui du carré de l’excès de la flèche sur une fois et demie la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe avec le carré de la flèche ; si on l’abandonne dans le liquide de façon que sa base n’y touche pas, — il ne se redressera pas complètement ; mais il ne restera incliné que si son axe fait avec la superficie du liquide un angle dont la grandeur va être déterminée.

IX. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire ayant sa flèche plus longue qu’une fois et demie la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe, mais trop petite pour être avec cette ligne dans la proportion de 15 à 4 ; étant donné que le rapport de son poids (spécifique) avec celui du liquide est plus grand que celui de l’excès du carré de la flèche sur le carré de la différence entre la flèche et une fois et demie la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe avec le carré de la flèche, si on l’abandonne dans le liquide de façon que sa base y soit plongée tout entière, et en l’inclinant ; — il ne se redressera pas assez pour que l’axe devienne vertical ; mais il ne gardera pas la position inclinée, si ce n’est dans le cas où l’axe ferait avec la superficie du liquide un angle égal à celui dont il a été parlé précédemment.

X. Soit un segment droit de conoïde rectangulaire plus léger que le liquide et dont la flèche soit trop grande pour être avec la-ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe dans la proportion de 15 à 4, si on l’abandonne dans le liquide de façon que sa base n’y touche pas, — tantôt il se tiendra droit et tantôt incliné de façon que sa base touche au liquide en un point unique, et cela dans deux cas ; et sa position sera inclinée tantôt de telle sorte que sa base soit mouillée sur un espace plus étendu, tantôt de telle sorte qu’elle ne touche même pas en un point unique à la surface du liquide. Le rapport entre le poids du corps et celui du liquide pour chaque cas sera indiqué au fur et à mesure.

FIN.
  1. Ici et à la proposition suivante, ces négations nécessaires au sens manquaient dans la traduction de 1269 et l’édition de Tartaglia. Commandin les a insérées. (Voir les figures dans son édition ou celle de Peyrard.)
  2. Le conoïde rectangulaire est le solide engendré par la révolution d’une parabole autour de son axe. — On sait qu’Archimède considère la parabole dans le cône droit, et comme étant une section de ce solide faite parallèlement à une génératrice. Cette ligne-qui-vient-jusqu’à-l’axe, c’est, selon Peyrard, la distance entre le sommet du cône droit et le point par où la section parallèle est faite (et où aboutit l’axe de la parabole ou du conoïde). Il explique que cette distance est égale à la moitié du paramètre de la parabole. — Le segment droit d’un conoïde est celui qu’on détermine en coupant ce solide par un plan perpendiculaire à son axe ; la flèche est la portion d’axe qui se trouve comprise dans le segment. Archimède étudie dans ce livre les différentes positions que prendra dans un liquide un segment droit de conoïde, suivant diverses conditions, entre autres le rapport de sa flèche au paramètre.
  3. Pour faciliter un peu la lecture, on a mis partout en italique les mots qui servent à établir les rapports eux-mêmes, laissant en caractère romain ceux qui énoncent les termes de ces rapport.
  4. Ad humidum æquæ molis proportio. Probablement ὁ ποτὶ ὑγρὸν ἰσομέγεθες λόγος. La notion de poids spécifique est ici nettement énoncée. Partout elle est sous-entendue.