Le Tour de la France par deux enfants/111


CXI. — Une lettre à l’oncle Frantz. — Un homme d’honneur. — La dette du père acquittée par le fils.

Que notre nom soit sans tache, et que devant personne nous n’ayons à en rougir.

Le lendemain, au moment de quitter Phalsbourg, l’oncle Frantz reçut une lettre de Bordeaux, lettre courte, simple, dix lignes seulement ; mais ces dix lignes imprévues lui causèrent une telle émotion qu’il faillit se trouver mal.


« Frantz, disait la lettre, vous aviez placé toutes vos économies chez mon père, et sa ruine vous a absolument ruiné, vous aussi. Elle en a ruiné beaucoup d’autres, malheureusement, et le but le plus cher de ma vie sera de les rembourser tous. Je ne le puis que très lentement ; néanmoins, comme de tous les créanciers de mon père vous êtes celui auquel il s’intéresse le plus, je veux commencer par vous le devoir que je me suis imposé d’acquitter peu à peu tous les engagements de mon père. Présentez-vous donc à la banque V. Delmore et Cie, rue de Rivoli, à Paris : il vous sera versé sur la présentation de vos titres les 6,500 francs qui vous sont dus. »


— André, Julien, s’écria l’oncle Frantz en ouvrant ses bras aux deux enfants, et en les serrant étroitement sur son cœur, remerciez Dieu avec moi et n’oubliez jamais le nom de l’homme d’honneur qui vient de m’écrire.

André lut la lettre tout haut ; Julien écoutait, les yeux grands ouverts de surprise.

— Est-ce possible ? s’écria-t-il. Alors, mon oncle, nous ne sommes plus pauvres, et nous pourrons, nous aussi, cultiver un petit bien comme vous le vouliez ? Oh ! mon Dieu, mon Dieu, quel bonheur !

Et l’enfant riait de plaisir en disant : — Nous aurons de belles vaches comme la fermière de Celles, j’apprendrai à labourer, à tailler les arbres, à soigner les bêtes, n’est-ce pas, mon oncle ? Oh ! que ce monsieur est brave et honnête tout de même, de rembourser ainsi les dettes de son père ! Mon oncle, je prierai Dieu pour lui tous les jours de ma vie.

— Tu auras raison, Julien, dit l’oncle, car ce souvenir te rappellera constamment que l’honneur vaut toutes les fortunes du monde : un honnête homme estime plus haut que tout le reste un nom sans tache.