Le Tibet (1886)
Maisonneuve (1p. 37-52).

CHAPITRE TROISIÈME
Mœurs. Caractère. Développement intellectuel.
§ 1er. Mœurs et coutumes. — Habitations. — Vêtement — Nourriture. — Moyens de locomotion ; Voyages. — Mariage. — Condition des femmes. — Sépulture, funérailles. — Divertissements ; danse. — Musique. — § 2. Caractère des Tibétains. — § 3. Développement intellectuel. Langue. — Écriture. — Livres. — Littérature.
§ 1er. — MŒURS ET COUTUMES

Je voudrais donner maintenant quelques notions sur le genre de vie des Tibétains.

Habitations. — Les tentes des nomades sont de deux sortes : à une ou à deux colonnes. Les maisons des Tibétains sédentaires sont généralement en pierre, à plusieurs étages, quelquefois avec cour intérieure ; le rez-de-chaussée est le plus souvent réservé aux animaux. Le toit est plat ; l’escalier est en bois, très grossier et très incommode. Il n’y a pas de cheminée : le feu est allumé au milieu de la chambre, et la fumée s’échappe par les portes et par les fenêtres, ou par un trou pratiqué dans le toit. Le combustible employé est, vu la rareté du bois, la fiente des animaux que l’on recueille et que l’on fait sécher. On la classe d’après les espèces dont elle provient, selon la plus grande quantité de chaleur et la plus petite quantité de fumée qu’elle peut donner. Les intérieurs tibétains sont, en général, mal tenus ; les ustensiles y sont pêle-mêle ; les sièges y sont à peu près inconnus, les Tibétains ayant l’habitude de s’asseoir par terre sur des peaux de bête.

Vêtements. — La principale pièce de l’habillement des hommes est une sorte de robe en peau de mouton dont la laine est en dedans. Celle des riches est doublée à l’extérieur de drap ou de soie, celle des autres est tannée au beurre et noire de crasse. En été, elle est remplacée par une robe de laine. La coiffure est un chapeau en feutre à larges bords retenu par un cordon noué sous le menton ; les chaussures sont des bottes en drap de diverses couleurs. Les femmes portent un gilet qui couvre la poitrine, une jupe de laine attachée à une ceinture et une camisole qui recouvre le gilet. La boîte à amulette, appelée gaou, qui se porte suspendue au cou, est une partie essentielle du costume des deux sexes, qui se parent aussi de boucles d’oreilles et de bracelets ; les femmes ont des colliers de perles et ornent de perles leurs coiffures : les Tibétains ont la passion des ornements. Les femmes réunissent leurs cheveux en une tresse pendant derrière le dos. L’usage des hommes était de laisser tomber les leurs sur leurs épaules, en les raccourcissant de temps à autre ; mais l’habitude de les réunir en une ou plusieurs tresses s’introduit peu à peu.

La tenue des Tibétains laisse beaucoup à désirer ; ils sont malpropres sur leurs personnes et dans leurs maisons ; Ils ne se lavent presque jamais. On dit que c’est à cause du froid et surtout de la sécheresse de l’air. Il paraît cependant que, une fois par an, au mois d’octobre, à un jour réputé heureux, ils prennent un bain, non par amour pour la propreté, mais en vue d’obtenir une bénédiction. La superstition, qui fait en général tant de mal, a quelquefois l’avantage d’imposer ou de consacrer certaines pratiques hygiéniques.

Nourriture. — Le principal aliment des Tibétains est le Tsam-pa. On appelle ainsi des grains d’orge ou de blé, mais surtout d’orge, grillés, puis réduits en une farine qu’on détrempe et qu’on pétrit dans du thé beurré et salé. Le repas peut se compléter avec de la viande qui est presque un mets de luxe. Cette viande, ordinairement du mouton, est crue. On la mange quelquefois saignante, mais le plus souvent après l’avoir fait sécher et l’avoir longtemps conservée dans cet état. On fait ainsi sécher des moutons entiers après les avoir vidés, et on les garde quelquefois un an et plus. Outre le thé, les Tibétains ont une liqueur fermentée faite avec de l’orge. Les bergers s’en préparent une semblable avec du lait aigri.

Moyens de locomotion ; voyages. — Les routes sont fort peu entretenues au Tibet ; surtout elles présentent fréquemment des passages très difficiles dans les montagnes et traversent des fleuves et des torrents ; les chutes de neige viennent souvent accroître les obstacles. On ne fait pas grand usage de voitures ; les voyages s’exécutent surtout à dos de cheval, d’âne et de mulet ; les moutons et les yaks portent les bagages. Quand la neige a rendu les chemins impraticables, on envoie des yaks en avant pour la piétiner et frayer un sentier. Les précipices et les fleuves se traversent au moyen soit de bacs, soit de ponts. Les ponts sont de plusieurs espèces ; il y en a en fer, en bois, en corde. Les premiers sont appuyés sur des chaînes tendues d’une rive à l’autre. Les ponts en bois consistent en de simples poutres qui s’appuient sur les deux bords dans le cas où ils sont assez rapprochés l’un de l’autre. Dans le cas contraire, une première série de poutres s’avance de chacun des bords au-dessus du fleuve ; une deuxième série, superposée à la première, s’avance encore davantage au-dessus de l’abîme, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’écartement soit assez faible pour que l’on place les dernières poutres qui remplissent le vide. Il existe cependant, notamment aux environs de Tsiamdo, des ponts en bois appuyés sur des piles en pierre grossièrement édifiées dans le lit du fleuve. Les ponts en corde sont formés d’une corde allant d’un bord à l’autre, avec une certaine inclinaison, et d’une auge, suspendue à cette corde, dans laquelle se met le voyageur ; il se laisse glisser par son propre poids le long de la corde, en s’aidant des mains pour atteindre la rive opposée. Ce système exige deux ponts, l’un pour aller de la rive droite à la rive gauche, l’autre de la rive gauche à la rive droite.

Il n’y a pas d’hôtels au Tibet. Le voyageur qui arrive dans une ville est obligé de trouver une ou deux chambres à louer, à moins qu’un ami ne lui offre l’hospitalité. Dans la campagne, on est reçu dans les maisons avec plus ou moins d’empressement et de générosité, selon la qualité que l’on a ou les relations qui peuvent exister entre le voyageur et l’habitant.

Mariage. — Le jeune homme qui recherche une jeune fille en parle aux parents. Si sa demande est agréée, on fixe un jour où les deux familles, avec les amis de l’une et de l’autre, se réunissent chez le futur. Le mariage est accompli lorsque chacun des fiancés a répondu affirmativement à la demande du père de l’autre sur sa volonté de se marier et qu’on lui a mis un morceau de beurre sur le front ; après quoi, on s’acquitte de quelques devoirs religieux et on festoie pendant plusieurs jours.

Il n’y a là cependant qu’un commencement d’union si le mari a des frères, car tous deviendront aussi les maris de la même femme. Il en est ainsi au Tibet : des frères n’ont jamais qu’une seule épouse ; on prétend même que l’usage existe également pour des proches parents qui ne sont pas frères. On a proposé plusieurs explications pour cette coutume singulière appelée polyandrie[1] (pluralité des maris). La plus généralement admise est celle qui l’attribue au désir de ne pas morceler les héritages.

Il paraît que la polyandrie n’empêche pas la polygamie ordinaire, et que les riches au Tibet se donnent le luxe d’avoir plusieurs femmes.

Condition des femmes. — Les femmes jouissent au Tibet d’une liberté qu’elles ne connaissent ni en Chine ni dans l’Inde. Elles vont et viennent sans entraves ; leur principale occupation, outre les soins du ménage, est de tisser la laine. Ce sont elles surtout qui fabriquent les pou-lou dont on fait un si grand usage au Tibet et dans les pays voisins. On assure que, par ordre supérieur, elles ne sortent pas sans se couvrir la figure (au moins à Lha-sa), d’un vernis destiné à empêcher la séduction que leurs charmes seraient capables d’exercer, mais que c’est là un impuissant palliatif et que les mœurs n’ont rien gagné à l’emploi de ce substitut du voile traditionnel.

Sépulture, funérailles. — La sépulture ordinaire consiste à donner les corps morts en pâture aux chiens, aux animaux sauvages et surtout aux oiseaux de proie. Les cimetières sont des plates-formes choisies ou préparées sur des lieux élevés de manière que l’on puisse y jeter facilement les corps ; et l’on y pratique même des sentiers pour en faciliter l’accès aux animaux. Quelquefois on porte les morts dans un lieu désert, de préférence sur le sommet de quelque montagne. Il paraît que souvent on coupe les corps en morceaux que l’on distribue aux chiens ; les restes du repas de ces animaux sont ensuite jetés dans le fleuve voisin.

Ce mode d’ensevelissement, qui répugne si fort à nos mœurs, peut tenir en partie à la rareté du bois dans le pays ; mais il est en parfaite harmonie avec la croyance des Tibétains. Selon eux, le corps mort est un habit usé qu’on laisse pour en reprendre un neuf. Cet habit qu’on a quitté n’a plus aucune valeur, ne peut plus rendre aucun service, et il y a même du mérite à en faire profiter d’autres êtres. Ce genre de sépulture n’exclut pas d’ailleurs le respect pour les morts que l’on pleure, et dont on porte le deuil en supprimant tel ou tel ornement dans la toilette, surtout dans celle des femmes, pendant un temps plus ou moins long, selon le degré de parenté.

Il y a une exception pour la sépulture des lamas et des personnages réputés saints ; leur corps est brûlé solennellement, et leurs cendres recueillies sont, ou bien jetées dans l’eau courante, ou façonnées en petites boules que l’on conserve comme un objet de respect et une sorte d’amulette.

Politesse tibétaine. — Les Tibétains sont liants et entrent facilement en relations. Nous citerons deux traits de leur politesse. On ne s’aborde pas, on ne fait pas une visite ou un envoi quelconque sans offrir un khata ou « écharpe de félicité, » petite pièce de soie de mince valeur. On peut y joindre un présent de plus grand prix ; l’offrande du khata, seul ou non, est de rigueur : on n’envoie pas une lettre sans l’accompagner d’un khata. Aussi a-t-on toujours sur soi une petite provision de cette sorte de mouchoir. L’autre particularité à citer est le mode de salutation ; en même temps qu’on ôte son chapeau, on tire la langue et on se gratte l’oreille.

Divertissements, danse. — Les Tibétains sont remplis d’entrain et de gaieté ; ils aiment le bruit et le mouvement. La danse surtout est un de leurs grands divertissements ; il n’y a point de fête sans danse. Leurs danses sont des rondes menées par les hommes et par les femmes qui se répondent sans se mêler. Le mélange des hommes et des femmes dans la danse est considéré comme tout ce qu’il y a de plus inconvenant et absolument interdit. On chante tout en dansant ; un petit groupe placé au milieu de la ronde donne le ton à l’ensemble. Les danses sont ordinairement suivies d’une comédie plus ou moins improvisée entre deux personnages qui amusent l’assistance par leurs lazzis et leurs gambades.

En général, ces divertissements ont lieu la nuit ; ils sont les accompagnements obligés des fêtes de famille et des fêtés publiques. Ces fêtes sont assez multipliées, nous citerons seulement celles du nouvel an qui tombent en février et durent plusieurs jours.

Musique. — Les Tibétains ont beaucoup de goût pour la musique. Il paraît qu’ils ont la voix juste, forte et pleine. Leurs chants religieux sont d’un grand effet ; et leurs chants profanes, pour ne rien dire des chants lascifs qu’ils se permettent quelquefois, ne sont pas sans charme. Ils se servent de plusieurs instruments de musique fabriqués par eux ; tels sont la conque marine, diverses trompettes en cuivre, en corne, en os, cette dernière espèce faite avec un fémur humain ; des flûtes en bambou, des tambours en peau de chèvre, des cymbales. Toutefois, ces instruments sont spécialement à l’usage des moines. Les particuliers se servent surtout d’une espèce de guitare à deux cordes qu’ils font vibrer avec une dent de daim et dont ils jouent avec assez d’habileté.


§ 2. — CARACTÈRE DES TIBÉTAINS

Les détails qui précèdent donnent déjà une idée du caractère de ce peuple ; mais il faut aller plus avant. Les appréciations des voyageurs ont quelque peu varié ; et l’accord qui semble peu à peu s’établir entre eux n’est pas à la gloire des Tibétains. Si quelques-uns ont vanté leur douceur, leur bonté, leur empressement, la modération de leurs passions, d’autres qui les ont vus de plus près et plus longtemps nous les dépeignent comme vindicatifs, dissimulant jusqu’au moment favorable pour satisfaire leur ressentiment, arrogants avec les faibles ou quand ils se croient forts, rampants avec les forts ou quand ils sentent leur faiblesse ; sachant supporter les privations, la faim, la soif, mais se dédommageant par des excès, si l’occasion s’en présente. On leur reproche en outre l’amour de l’argent se traduisant par le mercantilisme, l’usure, la vénalité, et une grande dépravation de mœurs.

L’esprit religieux est un des traits essentiels du caractère tibétain. Il a produit dans ce pays les effets les plus singuliers. Mais la religion s’y manifeste surtout par des croyances et des pratiques superstitieuses ; et, malgré toutes les preuves qu’ils donnent d’une dévotion poussée à l’excès, les Tibétains n’ont pas la foi candide, simple et naïve de leurs voisins, disciples et frères en religion, les Mongols.


§ 3. — DÉVELOPPEMENT INTELLECTUEL

Instruction. — Malgré l’imprimerie, malgré une classe « savante » très nombreuse, l’ignorance est grande au Tibet. Ceux qui devraient être les maîtres sont loin d’avoir les connaissances requises ; très peu même savent l’orthographe : il est vrai qu’elle est loin d’être simple, au Tibet.

Langue. — La langue tibétaine est monosyllabique. Tout élément du discours est une syllabe ; les simples affixes sont des syllabes isolées et des mots. Ces monosyllabes, réduits quelquefois à une lettre (chacune des lettres de l’alphabet est un mot de la langue) sont souvent d’une complication extrême à cause des consonnes qui s’accumulent soit à la fin, soit au commencement des mots, et dont plusieurs ne se prononcent pas ou se font à peine sentir. De là, une différence très grande entre la prononciation et l’orthographe ; par exemple, le nom qui se prononce Tchanrezi s’écrit Spyan-ras-gzigs. Pareille différence se remarque même pour des mots très simples ; M. Desgodins nous dit que le Tibet s’appelle Peu ; or, nous savons que ce nom s’écrit Bod.

Il y a, en tibétain, certaines consonnes initiales qui, en disparaissant ou permutant entre elles, peuvent changer le sens ou le rapport grammatical du mot. C’est ce qui arrive en particulier pour les verbes ; les quatre formes qu’ils peuvent avoir (présent, passé, futur, impératif) s’expriment généralement au moyen de ces suppressions ou de ces substitutions de lettres. Du reste, ces mêmes rapports et d’autres s’expriment aussi à l’aide d’auxiliaires et de périphrases.

Les relations grammaticales des noms, la pluralité et les autres accidents sont rendus par des postpositions ou monosyllabes placés à la suite du nom sans faire corps avec lui.

La syntaxe tibétaine suit la construction appelée indirecte, c’est-à-dire que le mot déterminant précède le déterminé, l’adjectif venant avant le substantif, le complément avant le verbe.

Le tibétain présente cette particularité, qu’il a du reste en commun avec d’autres langues asiatiques, que beaucoup d’idées s’expriment par des mots différents selon la qualité des personnes ; il y a un langage respectueux et un langage vulgaire. Ainsi on dira pha, ma en parlant du père, de la mère d’un homme du commun, mais yab, youm s’il s’agit d’un grand personnage. Le lecteur aura peut-être remarqué que pha, ma rappellent le latin pa-ter, ma-ter et par suite les langues indo-européennes, tandis, que yab, youm font penser aux mots hébreux et arabes ab, om, et aux langues sémitiques. Je fais cette observation sans prétendre en tirer aucune conclusion.

Il y a une différence notable entre la langue écrite et la langue parlée, de même qu’il y en a une entre la langue actuelle et celle des livres sacrés. Depuis dix siècles que ces livres ont été écrits, la langue a dû se modifier. Celle de ces livres n’en reste pas moins la langue classique. Quant à celle qui se parle, elle varie de province à province, comme cela arrive dans tous les pays du monde.

La grammaire comparée du groupe de langues auquel appartient le tibétain n’est pas encore faite. On retrouve dans le tibétain plusieurs racines chinoises ; mais c’est surtout avec le birman qu’il paraît avoir de l’affinité, tant par l’existence de plusieurs racines communes que par le génie et la physionomie générale des deux idiomes. Malgré cela, ils sont notablement différents l’un de l’autre. Une étude approfondie fera très probablement constater des relations qu’on n’aperçoit pas à première vue.

Écriture. — L’écriture usitée au Tibet est d’origine indienne. Ce sont des Indiens qui ont apporté leur alphabet au nord de l’Himâlaya et, sans doute, ont travaillé la langue et créé l’orthographe, d’accord, cela va sans dire, avec les savants indigènes. Il y a, du reste, deux alphabets : l’alphabet « avec tête » (bou-tchan) des livres imprimés et des manuscrits soignés, qui est le vrai type de l’alphabet tibétain ; l’alphabet « sans tête » (bou-med) qui n’est qu’une forme cursive de l’autre, très difficile à déchiffrer.

Il existe un troisième alphabet, l’alphabet lan-dza, indien et uniquement appliqué au sanscrit qui, du reste, peut s’écrire, mais moins commodément avec l’alphabet tibétain.

Il y a, parmi les Tibétains, d’habiles calligraphes qui copient les livres religieux quelquefois sur papier noir avec encre d’or. Les manuscrits sont généralement ornés de figures peintes.

Livres. — Les livres ne sont pas rares au Tibet ; chaque monastère a sa bibliothèque, et dans beaucoup d’entre eux il y a une imprimerie où l’on imprime des éditions de luxe, des éditions vulgaires, et des feuilles volantes. Le papier qui sert à l’impression est fait avec la plante appelée Daphne Cannabina. On imprime avec des planches rectangulaires oblongues : les feuilles, non cousues, empilées les unes sur les autres, sont placées entre deux ais qu’on assujettit avec une courroie. Cette disposition n’est pas spéciale au Tibet, elle est indienne et indo-chinoise.

Le livre est respecté au Tibet ; mais on attache plus d’importance à l’acte mécanique de la lecture qu’aux choses lues, et plus de prix à l’imprimé lui-même qu’à l’acte mécanique de la lecture.

Littérature. — La littérature tibétaine est très vaste, mais surtout religieuse, et lettre close pour le vulgaire. Le Kandjour, recueil des livres sacrés distribués en cent ou cent huit volumes, le Tand-jour, composé d’ouvrages de tout genre, mais surtout de commentaires des ouvrages du Kandjour et formant un ensemble de deux cent cinquante volumes, en constituent, pour ainsi dire, la base. La plupart des ouvrages qui existent en dehors de ces deux compilations, les écrits de Tsong-ka-pa, par exemple, sont exclusivement religieux. Mila-ras-pa, ascète du xie siècle, improvisa des chants religieux qui eurent un grand succès et qui ont été conservés. Le recueil de ses chants et le récit de sa vie pleine de merveilles se partagent avec les récits des exploits des Tibétains dans leurs guerres contre les Chinois, les Mosso (peuplade du sud-est) et les Mongols, la faveur publique. Ces derniers récits sont fabuleux ; mais ils se rapportent à des faits de l’histoire nationale. Les Tibétains ne supporteraient pas la simple narration des faits ; il faut toujours les leur présenter entourés de circonstances merveilleuses.

Les chants populaires, s’il en existe, seraient le genre littéraire le plus propre à faire connaître l’esprit et le génie de cette race, en même temps que le langage qui lui est familier ; mais l’existence n’a pas encore pu en être constatée.



  1. Nom proposé par George Bogle. Narratives of the mission of G. Bogle etc, by Clements R. Markham, p. 122.