Le Superbe Orénoque/Seconde partie/Chapitre XII

Hetzel (p. 375-386).


Favorisés par cette clarté… (Page 379.)

XII

En route.



Porter secours à ces Français, prisonniers des Quivas, cela ne permettait pas même une hésitation, après les réponses si précises du jeune Indien.

Le missionnaire se fût donc mis en route le soir même, il se serait jeté à travers la savane, s’il eût su en quelle direction effectuer ses poursuites.

En effet, où se trouvait actuellement Alfaniz ?… Près du gué de Frascaès ?… Non ! Au dire de Gomo, il l’aurait quitté le lendemain de l’attaque. D’ailleurs, son intérêt lui commandait de s’éloigner de Santa-Juana, de se perdre au milieu des forêts voisines de la sierra, peut-être aussi de regagner l’Orénoque à l’embouchure du rio Torrida, afin d’enlever les pirogues et les équipages.

Le Père Esperante comprit qu’une reconnaissance de la situation s’imposait avant de se mettre en campagne.

À six heures, deux Indiens montèrent à cheval et se dirigèrent vers le gué de Frascaès.

Trois heures après, ces cavaliers étaient de retour, n’ayant plus trouvé aucune trace des Quivas.

Alfaniz et sa bande avaient-ils traversé le cours d’eau pour courir les forêts de l’ouest, ou descendaient-ils vers la sierra Parima, de manière à rejoindre par la rive gauche du rio le campement du pic Maunoir ?…

On ne savait, et il fallait savoir, dût la nuit s’écouler avant le départ.

Deux autres Indiens quittèrent la Mission, avec ordre d’observer la savane du côté des sources de l’Orénoque, car il se pouvait qu’Alfaniz eût descendu directement vers le fleuve.

À la pointe du jour, ces deux Indiens rentrèrent à Santa-Juana, après avoir poussé une pointe de vingt-cinq kilomètres. S’ils n’avaient pas rencontré les Quivas, du moins tenaient-ils de quelques Indiens Bravos, rencontrés dans la savane, que la bande se rendait vers la sierra Parima. Alfaniz cherchait donc à atteindre l’Orénoque à sa naissance, avec l’intention de se rabattre sur le campement du pic Maunoir.

Ainsi c’était à la sierra Parima qu’il fallait le surprendre, et, Dieu aidant, on débarrasserait enfin le territoire de ce ramassis d’Indiens et de galériens.

Le soleil venait de se lever, lorsque le Père Esperante quitta la Mission. Sa troupe se composait d’une centaine de Guaharibos, spécialement exercés au maniement des armes modernes. Ces braves gens savaient qu’ils marchaient contre les Quivas, leurs ennemis de longue date, et non seulement pour les disperser, mais pour les détruire jusqu’au dernier.

Une vingtaine de ces Indiens étaient montés, escortant un certain nombre de charrettes, qui portaient l’approvisionnement de quelques jours.

La bourgade était restée sous l’autorité du frère Angelos, et, par des coureurs, celui-ci devait autant que possible demeurer en communication avec l’expédition.

Le Père Esperante, à cheval, en tête de sa troupe, avait revêtu un habillement plus commode que l’habit de missionnaire. Un casque de toile le coiffait ; des bottes s’engageaient dans ses étriers ; une carabine à deux coups pendait à sa selle ; un revolver s’accrochait à sa ceinture.

Il allait, silencieux et pensif, en proie à un inexprimable ébranlement moral, dont il ne voulait rien laisser paraître. Les révélations faites par le jeune Indien se confondaient dans son esprit. Il était comme un aveugle auquel on aurait rendu la lumière et qui aurait désappris de voir.

En sortant de Santa-Juana, la troupe prit à travers la savane, en obliquant vers le sud-est, — une plaine à végétation arborescente, des mimosas épineux, des chapparos malingres, des palmiers nains dont le vent agitait les éventails. Ces Indiens, habitués à la marche, cheminaient d’un pas rapide, et les piétons ne retardaient guère les cavaliers.

Le sol s’inclinait graduellement, et ne remontait qu’aux approches de la sierra Parima. Ses parties marécageuses, — des esteros, qui ne devaient se remplir qu’à la saison pluvieuse, — alors solidifiées par la chaleur, offraient une surface résistante, ce qui permettait de les franchir, sans avoir à les contourner.

La route faisait à peu près un angle aigu avec celle que Gomo avait suivie en guidant Jacques Helloch et ses compagnons. C’était la plus courte entre la Mission et le massif de la Parima. À quelques empreintes d’origine récente, on reconnaissait qu’une nombreuse troupe l’avait parcourue peu de jours auparavant.

Les Guaharibos s’éloignaient donc du rio Torrida, qui coulait vers le sud-est. Leur itinéraire rencontrait divers petits affluents de sa rive gauche. Desséchés alors, ils ne présentaient aucun obstacle. Il y eut seulement à éviter certains bayous, encore remplis d’une eau dormante.

Après une halte d’une demi-heure, vers midi, le Père Esperante reprit la marche, et telle fut la diligence déployée, que, dès cinq heures, ses Guaharibos stationnaient au pied du massif de la Parima, non loin de l’endroit où s’élève un des cerros auquel M. Chaffonjon a donné le nom de Ferdinand de Lesseps.

Là furent relevés les indices d’un campement, récemment établi en cet endroit. Cendres refroidies, restes de repas, litières d’herbes foulées, indiquaient qu’on y avait passé la nuit précédente. Donc aucun doute sur ce point que les Quivas d’Alfaniz, — et aussi les prisonniers — eussent pris direction vers le fleuve.

Pendant la halte, qui dura une heure et permit aux chevaux de pâturer, le Père Esperante se promenait à l’écart.

Toute sa pensée s’attachait à ces deux noms que le jeune Indien avait prononcés.

« Le sergent Martial… se répétait-il, le sergent… ici… se rendant à Santa-Juana… »

Puis, elle se reportait sur Jean de Kermor… sur cet enfant à la recherche de son père !… Qui était ce jeune garçon ?… Le colonel n’avait pas de fils !… Non !… Gomo s’était trompé !… Dans tous les cas, il y avait là des Français prisonniers… des compatriotes à délivrer des mains des Quivas !…

On se remit en route, et, vers six heures, la rive droite de l’Orénoque fut atteinte.

Là s’épanchaient les premières eaux de la sierra Parima, à travers cette gorge au fond de laquelle un hardi explorateur avait arboré le pavillon de la France, le 18 décembre 1886.

Cette partie de la sierra était hérissée de vieux arbres, destinés à tomber de vieillesse, car la hache d’un bûcheron ne viendrait jamais, sans doute, les abattre en de si lointaines régions.

Le lieu semblait absolument désert. Pas une pirogue, pas même une curiare n’aurait pu remonter jusque-là pendant la saison chaude, et c’était à cinquante kilomètres en aval que les deux falcas avaient dû s’arrêter.

Ces cinquante kilomètres, si les Guaharibos étaient animés de la même ardeur que leur chef, pouvaient être enlevés dans la nuit, et la troupe arriverait au campement du pic Maunoir dès la pointe du jour. Quant à s’égarer, il n’y avait pas lieu de le craindre, puisqu’il suffirait de côtoyer la rive droite du fleuve, dont les rios à sec n’offriraient aucun obstacle.

Le Père Esperante n’eut pas même à demander à ses Indiens s’ils voulaient faire cet effort. Il se leva, il prit les devants. Cavaliers et piétons suivirent.

L’Orénoque, très encaissé à sa naissance, ne mesurait alors que quelques mètres de largeur entre des berges escarpées, mélangées d’argile et de roches. Sur cette première partie de son parcours, à l’époque des grandes pluies, une pirogue aurait eu plusieurs raudals à franchir, et elle n’y eût réussi qu’au prix de retards considérables.

Lorsque la nuit commença à tomber vers huit heures, les Guaharibos traversèrent à gué le Crespo, — ainsi dénommé sur la carte du voyageur français en l’honneur du Président de la république vénézuélienne.

En déclinant sur un fond de ciel très pur, le soleil avait disparu derrière un horizon dégagé de nuages. Les constellations étincelantes allaient pâlir devant la lune qui se levait en pleine syzygie.

Favorisés par cette clarté qui dura toute la nuit, les Guaharibos purent fournir une longue et rapide étape. Ils ne furent même pas gênés par les marécages herbeux, que l’obscurité ne leur aurait pas permis de traverser, sans le risque de s’y embourber jusqu’à mi-corps.

Au-dessous de la berge, le lit du fleuve présentait un encombrement de roches, qui devait en rendre la navigation presque impossible, même au temps des crues de la saison pluvieuse. Trois mois plus tôt, la Gallinetta et la Moriche n’eussent pas aisément remonté ces « étroits » indiqués sur la carte par les noms de raudal Guereri, raudal Yuvilla, raudal Salvajuo. Il eût fallu recourir au portage, et il est douteux que cette partie du haut Orénoque puisse jamais devenir une voie de communication praticable. À cette hauteur, le cours du fleuve se réduit à quelques filets qui circulaient entre les récifs et mouillaient à peine l’argile blanchâtre des berges.

Cependant, depuis le cerro Ferdinand de Lesseps, sa profondeur s’accroissait graduellement, grâce à l’apport des tributaires de droite et de gauche.

Lorsque le jour reparut, vers cinq heures du matin, le Père Esperante avait atteint un coude du fleuve, à une douzaine de kilomètres de l’embouchure du rio Torrida.

En moins de trois heures, il aurait pris contact avec le patron Parchal et les mariniers restés à la garde des deux falcas.

Vers le sud-ouest, de l’autre côté de l’Orénoque, pointait le pic Maunoir, dont la cime s’éclairait des premiers rayons de l’aube. Sur cette rive s’arrondissait un cerro de six à sept cents mètres d’altitude, dépendant de ce système orographique.

Il ne fut pas un instant question de prendre du repos, — même une heure. Si les Quivas s’étaient dirigés le long du fleuve afin de descendre au campement, s’y trouvaient-ils encore, ou, après avoir déjà pillé les pirogues, ne s’étaient-ils pas enfoncés à travers la savane ?… Qui sait si Alfaniz ne serait pas alors tenté de mettre à exécution ce projet de revenir vers les territoires de l’ouest du Venezuela, emmenant ses prisonniers avec lui ?…

On marcha pendant une heure, et le Père Esperante n’eût pas fait
« C’est lui !… » criait l’enfant. (Page 382.)

halte, sans doute, avant d’avoir atteint l’embouchure du rio Torrida, si un incident ne se fût produit vers six heures du matin.

Le jeune Indien précédait la troupe d’une cinquantaine de pas sur cette rive qu’il avait maintes fois parcourue avec son père. Il s’appliquait à relever les traces du passage des Quivas, lorsqu’on le vit soudain s’arrêter, se courber vers le sol, et qu’on l’entendit pousser un cri…

En cet endroit, au pied d’un arbre, gisait un homme dans l’immobilité du sommeil ou de la mort.

Au cri de Gomo, le Père Esperante dirigea son cheval de ce côté, et, en un temps de galop, il eut rejoint le jeune Indien.

« C’est lui… lui ! criait l’enfant.

— Lui ?… » répondit le Père Esperante.

Il sauta à terre, il s’approcha de l’homme…

« Le sergent… le sergent Martial ! » s’écria-t-il.

Le vieux soldat était étendu à cette place, qui était tachée de son sang, la poitrine trouée d’une balle, peut-être mort…

« Martial… Martial !… » répétait le Père Esperante, dont les yeux laissaient échapper de grosses larmes.

Et il soulevait le malheureux, il approchait sa tête de la sienne, il cherchait quelque souffle sur ses lèvres… Puis on l’entendit répéter ces mots :

« Il vit… il vit ! »

En effet, le sergent Martial venait de respirer faiblement. À ce moment, son bras se releva et se rabattit sans force. Puis ses yeux s’entrouvrirent une seconde, et son regard se dirigea vers le missionnaire…

« Vous… mon colonel !… Là-bas… Alfaniz !… »

Et il perdit connaissance, après avoir prononcé cette phrase, entrecoupée de mouvements convulsifs.

Le Père Esperante se redressa, en proie à un inexprimable trouble, au milieu de tant d’idées confuses et inconciliables. Le sergent Martial là… ce jeune garçon qu’il accompagnait à la recherche de son père et qui n’était plus avec lui… tous deux en ces lointaines contrées du Venezuela… Qui donc lui donnerait l’explication de tant d’inexplicables choses, si le malheureux mourait sans avoir pu parler ?… Non !… il ne mourrait pas !… Le missionnaire le sauverait encore une fois… comme il l’avait déjà sauvé sur le champ de bataille… Il le disputerait à la mort…

À son ordre, une des charrettes s’approcha, et le sergent Martial y fut déposé sur une litière d’herbes. Ni ses yeux ni ses lèvres ne s’ouvrirent. Mais, si faiblement que ce fût, son haleine passait entre ses lèvres décolorées.

La marche fut continuée. Le père Esperante se tenait près de la charrette, où reposait son vieux compagnon d’armes, qui l’avait reconnu après une si longue absence… son sergent, laissé quatorze ans avant dans ce pays de Bretagne, que le colonel de Kermor avait abandonné sans esprit de retour !… Et il le retrouvait là… en cette contrée perdue… frappé d’une balle… et peut-être par la main de ce misérable Alfaniz…

« Ainsi… pensait-il, Gomo ne s’est pas trompé, lorsqu’il parlait du sergent Martial… Mais qu’a-t-il voulu dire ?… Cet enfant… ce fils à la recherche de son père… Un fils… un fils ?… »

Et, s’adressant au jeune Indien qui marchait près de lui :

« Ce soldat n’est pas venu seul, m’as-tu dit ?… Il avait avec lui un jeune garçon…

— Oui… mon ami Jean…

— Et tous deux se rendaient à la Mission ?…

— Oui… pour rechercher le colonel de Kermor…

— Et ce jeune garçon est le fils du colonel ?…

— Oui… son fils. »

Devant des réponses si affirmatives, le Père Esperante sentit son cœur battre comme s’il allait éclater. Enfin il n’y avait plus qu’à attendre. Peut-être ce mystère se dénouerait-il avant la fin de la journée ?…

Attaquer les Quivas, si on les rencontrait au campement du pic Maunoir, — et les quelques mots échappés au sergent Martial donnaient l’assurance qu’Alfaniz se trouvait là, — lui arracher ses prisonniers, tout ne tendit plus qu’à ce but.

Les Guaharibos prirent le pas de course, et les charrettes restèrent en arrière avec une escorte suffisante.

En vérité, toutes les chances de succès n’étaient-elles pas du côté de cet ancien colonel, devenu le missionnaire de Santa-Juana, le chef de ces courageux Indiens qu’il allait jeter sur cette bande de scélérats ?…

Un peu avant huit heures, le Père Esperante s’arrêta, et les Guaharibos suspendirent leur marche, après avoir atteint une assez vaste clairière, en arrière d’un coude du fleuve.

Vis-à-vis, au-delà de l’autre rive, se dressait le pic Maunoir. Le long de la berge de droite, personne. Entre les rives de l’Orénoque, pas une embarcation.

Au tournant du coude, s’élevait verticalement une fumée, car il ne faisait pas un souffle de vent.

Un campement était donc établi en cet endroit, à moins de cent cinquante mètres, et, par conséquent, sur la rive gauche du rio Torrida.

Ce ne pouvait être que le campement des Quivas, mais il convenait de s’en assurer.

Quelques-uns des Guaharibos rampèrent à travers les broussailles, et, trois minutes après, ils revenaient, affirmant que ce campement était bien occupé par la bande d’Alfaniz.

La troupe du Père Esperante se massa au fond de la clairière. Les charrettes la rejoignirent, et celle qui transportait le sergent Martial fut placée au centre.

Après avoir constaté que l’état du blessé n’avait pas empiré, le colonel de Kermor prit ses dispositions pour envelopper Alfaniz et ses compagnons. En dirigeant ses cavaliers de manière à traverser obliquement la clairière, il parviendrait à cerner les Quivas et il pourrait les détruire jusqu’au dernier.

Quelques instants plus tard, éclatèrent des cris terribles, auxquels se mêla une décharge des armes à feu.

Les Guaharibos venaient de se précipiter sur Alfaniz avant que celui-ci eût pu se mettre en défense. S’ils s’égalaient en nombre, les Guaharibos étaient mieux armés et mieux commandés que les Quivas. Les armes dont l’Espagnol disposait étaient celles qui provenaient du pillage des pirogues, — quelques revolvers laissés
il allait faire feu. (Page 386.)
par Jacques Helloch, et celles qui avaient été enlevées aux prisonniers.

La lutte ne pouvait donc être longue, elle ne le fut pas. Du moment que la bande avait été surprise, elle était battue. Aussi, la plupart des Quivas abandonnèrent-ils la place, après une faible résistance. Les uns se jetèrent dans la forêt, les autres s’enfuirent à travers le fleuve presque à sec, afin de gagner la savane opposée, la plupart mortellement atteints par les balles.

En même temps, Jacques Helloch, Germain Paterne, Valdez, Parchal, les mariniers des falcas, s’étaient élancés sur ceux des Quivas qui les gardaient.

Gomo avait été le premier à courir vers eux, criant :

« Santa-Juana… Santa-Juana ! »

C’est donc au milieu du campement que se fut bientôt concentrée toute l’action.

Là, Alfaniz, les évadés de Cayenne et quelques Quivas se défendaient à coups de revolver. Il en résulta que plusieurs Guaharibos reçurent des blessures qui heureusement ne devaient pas avoir de suites graves.

C’est alors que l’on vit le Père Esperante bondir au milieu du groupe entourant l’Espagnol.

Jeanne de Kermor se sentait irrésistiblement attirée vers le missionnaire… Elle voulait le rejoindre, mais Jacques Helloch la retint…

Alfaniz, abandonné des Quivas, dont on n’entendait plus que les cris lointains, résistait encore ; deux de ses compagnons de bagne venaient d’être tués près de lui.

Le Père Esperante se trouva juste en face de l’Espagnol et, d’un geste, il arrêta les Guaharibos, qui l’entouraient déjà.

Alfaniz recula vers la rive du rio, tenant un revolver chargé de plusieurs cartouches.

Un calme se fit, au milieu duquel retentit la voix puissante du Père Esperante :

« Alfaniz… c’est moi !… dit-il.

— Le missionnaire de Santa-Juana ! » s’écria l’Espagnol.

Et, braquant son revolver, il allait faire feu, lorsque Jacques Helloch lui saisit la main, et la balle se perdit au loin.

« Oui… Alfaniz… le Père de la Mission de Santa-Juana… et aussi le colonel de Kermor !… »

Alfaniz, voyant à quelques pas ce Jean qu’il croyait le fils du colonel, le visa…

Avant qu’il eût tiré, une détonation éclata, et le misérable tomba, frappé par le Père Esperante.

En ce moment, la charrette, qui transportait le sergent Martial, arriva sur le lieu de la lutte.

Jeanne s’était jetée dans les bras du colonel de Kermor… Elle l’appelait son père…

Celui-ci, qui ne pouvait reconnaître dans ce jeune garçon sa propre fille qu’il croyait morte… qu’il n’avait jamais vue… répétait :

« Je n’ai pas de fils… »

Le sergent Martial venait de se redresser, et, les bras tendus vers Jeanne, il dit :

« Non… mon colonel… mais vous aviez une fille… et la voilà ! »