Le Parnasse contemporain/1869/Le Spectre
LE SPECTRE
Malheur à qui, tournant l’angle d’un carrefour,
Insouciant, sourit en coudoyant le vice !
Il faut qu’un noble cœur se révolte & frémisse,
Quand, le soir, apparaît le spectre de l’amour.
Il faut que l’âme honnête aspire à ce beau jour.
Où finira l’immonde & navrant sacrifice ;
Où la fille du peuple, arrachée au supplice,
Sans effort marchera dans l’honneur à son tour.
O toi, qui peux railler la pâle pécheresse,
Sans sonder à la fois sa honte & sa détresse,
Double cancer, vivace au sein de nos cités,
À cet amour impur je condamne ta vie !
Qu’il soit ton châtiment ; l’autre amour, ton envie !
Qu’une vierge jamais ne vienne à tes côtés !