Le Sonnet des mains

L’IdoleAlphonse Lemerre, éditeur (p. 24-25).




LE SONNET DES MAINS





Blanches, ayant la chair délicate des fleurs,
On ne peut pas ſavoir que les mains ſont cruelles.
Pourtant l’âme ſe ſèche & ſe flétrit par elles ;
Elles touchent nos yeux pour en tirer des pleurs.

Le lait pur & la nacre ont formé leurs couleurs ;
Un peu de roſe fait qu’elles ſemblent plus belles.
Les veines, réſeau fin de bleuâtres dentelles,
En viennent affleurer les plaſtiques pâleurs.


Si frêles ! qui pourrait redouter leurs careſſes ?
Les mains, filets d’amour que tendent les maîtreſſes,
Prennent notre penſée & prennent notre cœur.

Leur claire beauté ment & leurs chaînes ſont ſûres ;
Et ma fierté ſubit, ainſi qu’un mal vainqueur,
Les mains, les douces mains qui nous font des bleſſures.