Le Sonnet des dents

L’IdoleAlphonse Lemerre, éditeur (p. 8-9).




LE SONNET DES DENTS





Derrière l’épaiſſeur & le pur incarnat
Des lèvres, qu’en paſſant fait palpiter l’haleine,
On entrevoit les dents découvertes à peine,
Comme une aube à travers de frais rideaux grenat.

Ce n’eſt rien qu’un rayon, un filet délicat
Dans la bouche pourprée étincelante & faine ;
La parole les montre en blancheur incertaine ;
Le rire, plus ouvert, en révèle l’éclat.


Sous la ſuavité des lèvres amoureuſes,
Attirantes auſſi, vous luiſez dangereuſes.
Voluptueuſement vous nous bleſſez un jour,

Blanches dents ſans pitié, petites dents aiguës,
Qui déchirez le rêve, & faites que l’amour
Boit les baiſers ainſi que d’amères ciguës !