Le Sol et les Labours/Préface

Agriculture Générale
Librairie J.-B. Baillières et Fils (Le Sol et les Laboursp. 9-12).

PRÉFACE


L’accueil bienveillant fait par le public agricole à notre première édition de l’Agriculture générale nous avait encouragé à développer dans la deuxième édition le cadre primitif de ces recherches, Tenant compte de conseils autorisés, nous avons divisé l’étude de l’Agriculture générale en deux tomes distincts.

Le succès a répondu à ce nouvel effort.

L’Agriculture a subi, durant la moitié du dernier siècle, une évolution complète, qui a modifié totalement les conditions économiques de la production agricole et contribué à faire de la culture du sol une industrie perfectionnée et progressive égalant, par la précision de ses méthodes et l’esprit scientifique de ses travaux, les industries minières, métallurgiques, électriques, etc.

L’agriculteur est alors apparu, non plus comme un esprit routinier et arriéré, sans ambition ni sans rêve, mais comme une intelligence consciente et active consacrant volontairement ses efforts à l’exploitation rationnelle de notre domaine cultural.

Tandis que les populations rurales quittaient le sol natal, attirées vers les villes par la vision du faux luxe et du bien-être factice, un courant d’idées inverse se manifestait dans les classes supérieures et ramenait vers la carrière agricole une partie de la jeunesse studieuse et active que l’encombrement des carrières libérales, les difficultés présentes du commerce, déterminaient à cette nouvelle orientation.

D’autre part, l’établissement des Écoles pratiques d’agriculture, la création des chaires d’agriculture, les Champs d’expériences, les Conférences agricoles, etc., diffusaient parmi la masse des jeunes agriculteurs les préceptes nouveaux de la culture intensive.

Par ces deux voies différentes : recrutement de jeunes volontés libres et intelligentes, amélioration mentale des nouvelles générations de cultivateurs, l’esprit de l’agriculteur français parachevait son perfectionnement et développait sa force et sa puissance.

C’est à ce public éclairé et averti que sont destinées les diverses sections de l’Encyclopédie Agricole, dont le manuel d’Agriculture générale constitue les deux premiers volumes.

Il existe déjà de nombreux livres agricoles élémentaires présentant, sous une forme claire et simple, les principes primordiaux de la culture du sol : le présent ouvrage a tenté d’étudier plus attentivement les phénomènes si complexes de la végétation, de la fertilité des sols, et de vulgariser les découvertes scientifiques, dont les applications peuvent jouer un rôle si considérable dans le perfectionnement des méthodes culturales.

Nous avons essayé de composer un livre concis et clair, susceptible d’être compris par tous, malgré l’apparente complication des questions étudiées et la diversité réelle des sujets traités.

La division qui nous a paru la plus rationnelle pour ces deux volumes consiste à étudier successivement les deux facteurs de la production agricole : le sol, la plante.

Le premier livre établit donc les préceptes indispensables au travail judicieux du sol, qui doit être en état de recevoir la graine d’où germera la plante ; c’est à ce stade de la germination que se termine le premier tome de l’Agriculture générale, qui borne ainsi ses recherches à toutes les questions intéressant le sol : origine, constitution, analyse, préparation et travail.

Le tome Ier, sous le titre général : Le Sol et Les Labours, comprend les subdivisions suivantes : Agrologie, Régime des eaux, Analyse du sol, Rapports du sol avec la plante, Travail, préparation et ameublissement du sol, Distribution des engrais et amendements.

On y trouvera les règles et les principes généraux qui permettent d’établir les rapports qui existent entre la nature d’un sol et les produits qu’on en peut tirer ont été rassemblés et commentés.

Le sol a été considéré, tout d’abord, dans sa formation et dans son triple rôle de support, de réserve alimentaire et de milieu ; ainsi ont pu être étudiés les découvertes récentes relatives à la nutrition des végétaux, le rôle des bactéries des nodosités des légumineuses mis en lumière par les études de Hellriegel et Willfarth, Bréal, Prillieux, etc., l’action du ferment nitrique magistralement démontrée par M M. Schlœsing et Müntz, l’influence exercée par les microorganismes dans le maintien ou l’accroissement de la fertilité du sol établie péremptoirement par les travaux de Berthelot, Winogradsky, Mazé, etc.

L’examen du rôle exercé par le sous-sol sur la productivité des terres précède l’étude des propriétés physiques et chimiques des sols.

Les divers procédés permettant de se rendre compte de la productivité des terres et de leur valeur foncière font l’objet des chapitres suivants : Analyse physique, Analyse mécanique, Analyse géologique, Analyse chimique, Analyses diverses du sol.

L’analyse géologique des terres a retenu plus particulièrement notre attention. Indépendamment de l’intérêt que présentent la description des diverses régions agricoles de la France et l’étude des coutumes locales des anciennes provinces, la détermination de l’origine géologique des terrains donne les indications les plus précieuses sur la nature de ces sols. Ces recherches, illustrées par les célèbres travaux de mon regretté maître M. E. Risler, ont permis en effet de constituer les bases rationnelles de l’Agrologie.

L’étude des Rapports de la plante avec le sol comprend la discussion des causes déterminantes de la fertilité, de la stérilité des terres et l’énumération des sols convenant aux principales plantes cultivées. Nous nous sommes inspiré, dans l’établissement de ces principes, des recherches précises de M. Garola, l’’éminent directeur de la Station agronomique d’Eure-et-Loir, l’auteur de tant de volumes appréciés publiés dans cette même collection.

Nous tenons à mentionner également les recherches expérimentales de M. Hall, directeur à la Station agronomique de Rothamsted, que MM. Demolon et Wery nous ont fait connaître[1].

Ayant déterminé la valeur foncière des terres et les principales cultures qui pouvaient s’y établir, il s’agissait maintenant de décrire rapidement les procédés susceptibles de développer leur productivité.

Les défrichements, l’amélioration des sols précèdent l’examen des procédés de travail et d’ameublissement des terres, labours, quasi-labours, hersages, roulages, etc., et les méthodes d’' épandage du fumier de ferme, des engrais chimiques et des amendements.

La rareté de la main-d’œuvre actuelle influe sur les conditions économiques de la production agricole et de tous ce on assiste au développement de la culture volcanique du sol.

Les moteurs mécaniques, automobiles, électriques, voient leur emploi se généraliser ; aussi avons-nous développé dans cette troisième édition de l’Agriculture générale les principes essentiels de la culture mécanique du sol.

Les nouveaux instruments de culture essayés avec succès en notre pays : charrue à disques, pulvériseurs, etc., ont également retenu notre attention ainsi que les nouveaux engrais azotés : Chaux, Azote, Nitrate de chaux dont la production peut avoir une répercussion si considérable sur l’agriculture mondiale.

Le volume que nous présentons ainsi aux lecteurs, cette étude mise au point des découvertes récentes, résume donc les principes directeurs de la culture rationnelle.

Le tome II de l’Agriculture générale, sous le titre général : Les Semailles et le Récoltes, Comprend le développement des opérations agricoles allant des semailles aux récoltes.

La sélection des semences, la germination, les semailles conduisent aux soins d’entretien : binage, sarclage, hersage, buttage ; destruction des plantes nuisibles pour aboutir finalement aux récoltes, à la conservation de récoltes et à la vente de produits du sol.

Il fallait rendre attrayante la lecture de ces chapitres et faciliter la compréhension des questions envisagées : nous avons illustré cet ouvrage de photographies établies par nousmême, ou puisées aux meilleures sources.

Nous tenons à remercier ici MM. Hitier et Schribaux, professeurs à l’Institut agronomique ; M. J. Dumont, professeur à l’École de Grignon ; M. Lagatu, professeur à l’École d’agriculture de Montpellier, qui ont bien voulu guider notre travail de leurs précieux conseils.

Telles sont, brièvement résumées, les diverses matières étudiées au cours de cet ouvrage que nous présentons à la bienveillance du public agricole.

Mai 1910,

  1. A. D. Hall, Le sol en agriculture, propriétés physiques, chimiques et biologiques, traduction française par A. Demolon, ingénieur agronome. Préface par G. Wery, 1906.