Le Soir (Verhaeren)
LE SOIR
Décembre, avec ses ciseaux lourds,
Coupe les plus longs pans de lumière et de jour
Chacun revient vers les quatre heures ;
On a lavé le linge et baratté le beurre.
Sur leur chaise bâillent les vieux,
Serrant leur corps, toussant leur rhume.
Les fils rentrent des champs,
L’autre après l’un, tranquillement,
Et s’approchant de la lampe qui fume,
Tous les bruits de la nuit sourdent de l’ombre
Et s’entendent autour de la maison ;
Des bonds fuient brusques et sombres,
Au long du pré vers les buissons.
Un cri plaintif et lent, qui tout à coup sanglote,
Cri de chouette ou de hulotte,
S’en vient, on ne sait d’où, là-bas ;
Et les taupes, qui besognent sous terre,
Jusque près du pignon font leur travail obscur.
Un flasque et lourd plongeon crève une eau solitaire