Le Socialisme XI à XVII. Le Socialisme scientifique./XIV. L’économie marxiste

Le Socialisme XI à XVII. Le Socialisme scientifique
Ecole du Propagandiste (XI à XVIIp. 43-52).



XIV. — L’ECONOMIE MARXISTE


Je vous ai exposé jusqu’ici la philosophie, la méthode dialectique et la conception matérialiste de l’histoire de Karl Marx et de son ami Engels. (Engels n’avait pas d’autres conceptions que celles de Karl Marx.)

Aujourd’hui, je suis devant un véritable monument de science, de pensée et d’érudition qui est le Capital de Karl Marx. Le Capital de Karl Marx fut publié en 1867. Je parle du premier volume. Il y en a eu trois. Le deuxième et le troisième ont été publiés après la mort de Marx, sur des notes incomplètes. C’est un tronçon, une œuvre inachevée. Le deuxième et le troisième volumes ont une grande importance théorique, historique, mais ce qui est le véritable chef-d’œuvre socialiste de Marx, c’est le premier volume. Il a comme sous-titre : Critique de l’Economie politique. L’économie politique, c’est la science de la production et de l’échange des produits nécessaires à l’existence et au bien-être. C’est la science des biens matériels, de leur production, de leur distribution.

L’économie politique bourgeoise considère la science économique comme la science des richesses. Un des plus grands fondateurs de l’économie politique, l’anglais Adam Smith, intitule son œuvre très connue La Richesse des Nations. L’économie ordinaire considérait avant tout l’accumulation des richesses. Elle cherchait les lois de cette accumulation des richesses et supposait que ces richesses appartiennent à la nation tout entière. La Richesse des nations, disait Adam Smith. Plus le pays est riche, plus, supposait-on tous les habitants de ce pays sont riches. L’économie politique de Marx porte tout à fait un autre caractère. C’est l’économie politique de la classe ouvrière. C’est l’économie du travail. Marx ne considère pas — et c’est la réalité — la richesse d’une nation comme la richesse de tous les membres de cette nation. La richesse, dans la société capitaliste, n’appartient pas au producteur. Elle appartient à ceux qui possèdent les instruments de travail. Voilà la première différence capitale entre l’économie politique bourgeoise, et l’économie politique socialiste.

Seconde différence, d’ordre méthodologique : les traités d’économie politique écrits par les savants bourgeois commencent par l’analyse des biens matériels, en général, qui satisfont nos besoins, les besoins humains. Les principaux besoins, vous les connaissez : la nourriture, le vêtement, etc. Voilà ce que fait, tout traité d’économie bourgeoise.

Marx ne se contente pas de ces généralités. Naturellement, quel que soit le régime, le caractère de la société, on a toujours besoin, pour vivre, de produire des biens matériels, de produire des vêtements, d’extraire du sol du blé pour faire du pain, de travailler, de fabriquer pour obtenir toutes sortes de produits qui satisfont nos besoins vitaux. Donc, ce n’est pas cela qui nous explique telle ou telle société. Marx précise, Marx va au fond des choses. Il ne parle pas des biens en général, il ne parle pas des besoins, de ces vérités de La Palice, à la portée de tout le monde, que chacun sait sans étudier : Pour vivre, on a besoin de travailler. Ce que Marx vise, c’est la compréhension, l’analyse de la société capitaliste où nous vivons. Voilà pourquoi ce titre : Le Capital. Et sa première proposition par laquelle il débute dans son œuvre immortelle, c’est une définition de la richesse capitaliste. La richesse capitaliste, dit Marx, se compose de marchandises. « Marchandises », c’est un phénomène nouveau qui caractérise la société actuelle. Dans une société communiste primitive, aux Indes, dans certaines contées d’Amérique, où les hommes, où les familles, les tribus travaillent pour leur consommation personnelle ou la consommation de la famille, où ils travaillent en commun, où chaque commune satisfait ses propres besoins, on ne sait pas ce que c’est qu’une « marchandise ». Si un communiste qui n’a vu que le travail en commun, le travail pour la consommation personnelle et non pour la vente, entrait dans un grand magasin comme le Printemps, et voyait, sur le front des marchandises, des chiffres symboliques capitalistes : « deux francs », « cent francs », il n’y comprendrait rien. Un homme qui travaille pour son besoin ou les besoins de sa famille ne sait pas ce que c’est qu’une marchandise. Il sait qu’une table, c’est une table, un vêtement, c’est un vêtement, avec lesquels on satisfait certains besoins. Mais une marchandise, c’est quelque chose d’incompréhensible pour un homme qui vit dans d’autres conditions sociales que les conditions capitalistes. Il faut vivre dans la société capitaliste pour comprendre que les objets qui se fabriquent dans cette société ne sont pas faits directement pour les besoins, mais pour la vente, pour le marché, qu’en règle générale — je ne parle pas des exceptions — une marchandise est fabriquée par le marchand, non pour satisfaire ses besoins, mais pour la vendre. Et c’est après avoir payé seulement, que l’acheteur satisfait ses besoins.

Chaque marchandise a une valeur. Cette valeur est double. C’est d’abord la valeur d’usage. Pour qu’un objet devienne marchandise, il faut que cet objet serve à notre usage, qu’il satisfasse notre besoin. Que ce soit un chapeau, un habit, une table, un verre. Mais cela ne suffit pas. Ce n’est pas l’utilité, la propriété qui le rendent nécessaire à la vie, qui en font une marchandise. En dehors de cette valeur d’usage, il a une autre valeur, la valeur d’échange. Ce verre, cette carafe coûtent tant et tant. Ils ont une valeur d’échange. De la valeur d’usage, rien à dire. L’économie classique et vulgaire a écrit là-dessus des volumes et des volumes sans enrichir les connaissances humaines. Ce qui est intéressant, ce qui fait l’objet de l’analyse admirable de Karl Marx, ce n’est pas la valeur d’usage, c’est la valeur d’échange. Marx parle tout simplement de la valeur. Il a fait la théorie de la valeur.

La question qui se pose, si vous réfléchissez un peu, est celle-ci : Comment se détermine cette valeur ? Comment savons-nous que le verre ou la carafe qui sont devant moi, coûtent tant et tant, que l’habit, la table ont tel ou tel prix. Comment se détermine la valeur d’échange ? Voilà le problème.

Qu’est-ce que cela veut dire : la valeur d’échange ? Une quantité de mètres de toile peut s’échanger contre un autre objet ou contre de l’argent. Dans chaque échange, on met en face deux objets, et on dit que ces deux objets ont la même valeur. Ce verre ou cette carafe valent tant ou tant de francs ou de sous. Voilà la comparaison qu’on fait entre deux objets. Des objets qu’on échange les uns contre les autres ont différentes valeurs d’usage. Et Marx se demande comment deux objets différents, d’utilité différente peuvent, si on les prend en une certaine quantité, acquérir une valeur égale. Il est évident que la source de cette égalité des deux objets ne peut pas être leur utilité. L’utilité d’un verre est tout autre que celle d’une table. L’utilité d’un habit est toute autre que celle de quelques pièces d’argent ou d’or. Donc, ce n’est pas dans leur utilité, dans leur usage, qu’il faut chercher la source de l’égalité des valeurs.

Pour mesurer deux choses, et pour les trouver égales, il faut avoir une mesure commune. Quelle est cette mesure commune ? Marx répond : C’est le travail. Quelle que soit la nature de l’objet, il est toujours le produit du travail. Mais le travail est différent, lui aussi. Le travail du cordonnier n’est pas le travail du tailleur. Ce n’est pas donc le travail spécifique, le travail du cordonnier, du tailleur qui détermine l’égalité de deux objets différents, c’est le travail tout court. Quand vous comparez deux objets, vous les comparez parce qu’ils sont les produits du travail, parce que vous faites abstraction, en les comparant, de leur caractère spécial, et vous dites : Ces deux objets sont des produits du travail. Vous prenez le temps pour déterminer la valeur du travail et vous dites : ce produit a coûté trois heures de travail, l’autre objet a coûté aussi trois heures de travail, sans dire quel travail. Trois heures de travail égalent trois heures de travail. Une objection se présente : Si le travail, tout court, détermine la valeur des objets, alors plus nous travaillerons, plus l’objet aura de valeur. S’il s’agit d’un paresseux, ou si un homme travaille avec des instruments de travail qui ont déjà été dépassés ? Si, par exemple, au lieu de transporter une marchandise par le chemin de fer, qui existe maintenant, si on s’amuse à la transporter sur le dos ? Un homme qui fera cela travaillera énormément. Il fera le voyage de Paris à Marseille avec sa marchandise à dos. Il aura beaucoup travaillé. Est-ce que ce travail déterminera la valeur. Est-ce que la marchandise qu’il aura transportée sur le dos, de Paris à Marseille, aura plus de valeur que la marchandise transportée en chemin de fer ? Non ! Il ne suffit donc pas de dire : le travail. Il faut considérer le travail tout court ; autrement, on peut comparer le travail du cordonnier et celui du tailleur. Il faut prendre la dépense d’énergie humaine. Enfin, troisième condition : il faut prendre le travail socialement nécessaire dans des conditions techniques données. Voilà la théorie de la valeur.

Vous direz : A quoi cela nous sert-il dans l’action pratique, cette théorie de la valeur ? Marx, grâce à la théorie de la valeur vous démontrera d’où vient la richesse capitaliste. Quand on demande à un économiste bourgeois, ou à un économiste vulgaire : D’où vient le profit capitaliste ? il vous dira : Parbleu, cela vient du marché. Le capitaliste vend plus cher que cela lui a coûté ; il gagne ainsi de l’argent. Autre explication. Au lieu de manger son capital avec des demi-mondaines, il s’est « abstenu ». Au lieu de boire du champagne, au lieu de faire la noce, il avait acheté une usine. Il a acheté des machines, des instruments de travail. Il avait été chercher l’ouvrier, parce qu’il est philanthrope, parce qu’il savait qu’il y a des hommes qui meurent de faim, et il leur a donné du travail, de quoi vivre. Il savait qu’il y avait quelque part un homme sans travail, qui mourrait de faim, et il l’a ramassé dans la rue ; il est son bienfaiteur. Ainsi, vous connaissez les vertus qu’il faut pour être capitaliste : être sage, s’abstenir de toute dépense improductive, ne pas dépenser en plaisirs son capital, être l’ami des ouvriers et chercher à lui faire du bien. Comme a dit de Dion à la Chambre, « j’ai créé une industrie, l’industrie de l’automobile. J’ai nourri des dizaines de milliers d’ouvriers ». Grâce à sa sagesse, à son abstention, à son abstinence, il a créé toute une industrie. Il est un véritable bienfaiteur de l’humanité.

Marx dit : Non ! Le capital ne crée pas de valeur. La machine — faisons abstraction que la machine a été créée par le travail — la machine n’ajoute aucune valeur au produit. Elle n’ajoute que sa propre valeur ! Si la machine a été usée, on compte dans la valeur du produit le prix de la machine. Quant à chercher la source de profit dans le marché, si on parle d’un seul capitaliste, on peut dire que ce capitaliste a gagné sur l’autre. Mais comment expliquer que la classe capitaliste tout entière gagne de l’argent ? Elle ne peut pas le gagner sur elle-même. La valeur ne vient pas du marché. Elle vient du travail.

Sur le marché, dit Marx, les objets s’échangent selon la valeur déterminée par le travail. Il n’y a que le travail qui fait de la valeur. La machine ne fait qu’ajouter sa propre valeur. Le véritable créateur de la valeur, c’est le travail.

Quant à l’abstinence, on peut dire au capitaliste que s’il s’est abstenu de dépenser son capital, c’est pour le faire valoir et pour l’augmenter encore. Si toute la classe capitaliste avait dépensé son argent à faire la noce, elle n’aurait pas de capital, le capital ne pourrait pas fonctionner. Donc, cette abstinence rend possible l’accroissement du capital et de l’augmentation du capital lui-même. La véritable raison de la richesse capitaliste est donc ailleurs.

Voilà comment se produit le profit du capital ou ce que Marx appelle la plus-value. Ce n’est pas sur le marché où les valeurs s’échangent contre des valeurs égales que la richesse s’accumule. C’est dans le processus même de la production.

Le capitaliste n’achète pas le travail, il achète la force de travail. Il paye la force de travail d’un ouvrier privé de moyens de production et qui n’a que sa force de travail pour vivre.

Comment se détermine la valeur de la force de travail de l’ouvrier ? Elle se détermine selon la même loi des autres valeurs : par ce qu’il faut pour faire vivre le travailleur, pour faire subsister cette force de travail. La force de travail est payée par les capitalistes selon sa valeur. Pour travailler, il faut avoir certains moyens de subsistance. Il faut que l’ouvrier vive, et l’ouvrier reçoit du capitaliste ce qu’il faut pour exister, lui et sa famille. C’est le salaire normal. Ce n’est pas le produit du travail qui est payé, c’est la force de travail. Mais une fois cette force de travail entrée dans la possession du capitaliste, ce capitaliste se dit : Cette force de travail m’appartient ; si elle est capable de produire plus qu’il ne faut, à l’ouvrier et à sa famille pour vivre, le surplus m’appartient. Si, pour vivre, l’ouvrier a besoin de 5 francs par jour et s’il produit 5 francs de plus, soit 10 francs dans sa journée de travail, les 5 francs qui dépassent la valeur de sa force de travail, c’est-à-dire ce qu’il faut pour faire vivre cet ouvrier et les siens, c’est le capitaliste qui se les approprie, estimant que tout ce que produit la force de travail en sus de sa valeur ainsi calculée appartient au capitaliste qui paye cette force de travail selon cette valeur. Voilà ce que Marx appelle la plus-value. C’est la différence entre le prix de la force de travail et la valeur du produit de cette force de travail.

La force de travail se distingue de toutes les autres valeurs en ce qu’elle peut produire plus qu’elle ne coûte. Un objet qui a coûté cinq heures de travail a la valeur de cinq heures de travail. Il ne peut pas augmenter par lui-même sa valeur. Au contraire, la force de travail est une force vivante. C’est une énergie. Si cette force de travail est employée pendant un nombre d’heures supérieur à celui pendant lequel elle produit sa valeur, si elle continue pendant des heures au delà de ce qu’elle a coûté au capitaliste, elle produit du profit pour le capitaliste ou de la plus-value.

Ce n’est donc pas le travail qui est payé. C’est la force de travail elle-même et non son produit. Cela paraît une subtilité, mais c’est une différence fondamentale. L’ouvrier n’est pas payé pour la table qu’il a fabriquée. Il est payé pour sa force de travail. Il est payé selon une loi fixe, selon les besoins de sa subsistance. Un ouvrier ne touche jamais, pour sa force de travail, plus qu’il ne le faut pour subsister, lui et sa famille. En travaillant soi-même, en n’exploitant pas la force de travail des autres, on ne devient donc jamais capitaliste. L’ouvrier ne touche que ses moyens de subsistance pour pouvoir maintenir sa force de travail. Mais cette force de travail a cette particularité qu’elle peut produire plus qu’elle ne vaut elle-même. Voilà d’où vient le capital.

Vous voyez ici une raison pour la lutte pour la réduction de la journée de travail. Plus la journée de travail est longue, plus est considérable la plus-value, le profit, c’est-à-dire ce qui dépasse les moyens de subsistance du travail. C’est ce qui a permis à Marx de dire que l’idée pour un capitaliste, c’est la journée de vingt-quatre heures. Il a acheté son ouvrier, il a payé sa force de travail. Et ses vingt-quatre heures de travail lui appartiennent, pense-t-il. Pour lui, c’est l’idéal. Mais comme l’idéal n’est pas de ce monde, le capitaliste est obligé de se mettre en règle avec la nature. La nature n’est pas capitaliste. Il faut manger. Il faut graisser la machine. La machine humaine a besoin, elle aussi, d’être graissée, nourrie, entretenue. Elle a aussi besoin de se reposer. Le capitaliste ne peut pas empêcher cela. Mais, en dehors du repos et du temps indispensable pour l’entretien de la force de travail de l’ouvrier, chaque instant, chaque minute de liberté que l’ouvrier se permet d’avoir pour lui est considérée par le capitaliste comme un vol. Si vous étudiez l’histoire de la société capitaliste, vous verrez une lutte, un corps à corps entre l’ouvrier et le capitaliste, le capitaliste luttant pour arracher à l’ouvrier non seulement quelques heures mais quelques instants, quelques minutes parce que lorsqu’on a 50.000 ouvriers, une minute gagnée sur chacun c’est 50.000 minutes au total, et cela fait un capital. C’est une véritable lutte des classes. La société capitaliste commence par des journées de 16 ou même 18 heures. Marx dresse un tableau véritablement tragique de ce martyre du travail humain. C’est le premier économiste qui ait montré qu’on assassine, d’une façon régulière, méthodique, l’homme rien qu’en le faisant travailler. Il cite des exemples de couturières mortes dans leurs ateliers parce que, pour pouvoir livrer les robes qu’elles faisaient, on les faisait travailler vingt-quatre heures ou quarante-huit heures sans arrêt. Vous pourrez lire dans Le Capital, de Karl Marx, un chapitre consacré au martyrologe du travail humain. Tout cela est basé sur cette simple observation que le profit capitaliste vient de la plus-value, c’est-à-dire de la prolongation de la journée de travail au delà du prix de la force de travail.

Marx analyse ensuite les conditions de l’organisation capitaliste, comment le capital s’accumule en ajoutant les plus-values aux plus-values, comment le capital se développe par l’exploitation de ceux qui n’ont pas d’instruments de travail. Car, pour vendre sa force de travail, il faut ne pas avoir d’instruments de travail. Dès qu’on a un instrument de travail, un petit atelier, un petit lopin de terre, on est petit patron, mais patron tout de même, propriétaire de ses instruments de travail, et on n’a pas besoin, pour vivre, de vendre sa force de travail.

Pour que le capital se développe et que l’exploitation capitaliste se fasse, il faut que les petits propriétaires, les petits paysans, les petits métiers disparaissent, soient expropriés, et que le capitaliste se trouve en face d’un prolétariat, c’est-à-dire d’une classe d’hommes privés d’instruments de travail et n’ayant que leur force de travail pour vivre.

Marx, dans Le Capital, fait d’abord le tableau de ce qu’il appelle l’accumulation primitive du capital qui se fait par de véritables coups de force, par de véritables guerres civiles à l’intérieur de chaque pays où la noblesse et les grands capitaines d’industrie ont profité de leur pouvoir pour exproprier des régions entières, des provinces entières, par des moyens de violence, par toutes sortes de tromperies, de ruses, de vols, en volant la terre aux communautés, aux villages, afin de devenir possesseurs des instruments de travail et d’accumuler des richesses. Et ce sont non seulement les paysans et les artisans qui sont ainsi expropriés de leurs instruments de travail, ce sont aussi les petits capitalistes, par le développement de la grande production capitaliste.

Toutes les conditions de production sont favorables aux grands capitaux, qui peuvent construire de grandes usines, acheter des machines, perfectionner l’industrie.

Les petits et moyens capitalistes peuvent de moins en moins soutenir la concurrence des grands, de la grande industrie, et doivent de plus en plus disparaître, comme, sur le terrain du commerce, le petit commerçant est peu à peu absorbé par le gros commerce, et comme, sur le terrain du crédit, la grande banque absorbe le petit usurier. Ainsi se fait la concentration capitaliste.

C’est le couronnement de l’œuvre de Karl Marx. A la base, la théorie de la valeur ; ensuite celle de la plus-value, du profit, où il démontre que la richesse s’accumule par la prolongation de la journée de travail au delà de la valeur de la force de travail abusivement exploitée par de longues journées de travail et un salaire très minime. Enfin, tout ce processus est couronné par la lutte des capitalistes entre eux-mêmes, aboutissant à la concentration capitaliste. Comme parenthèse, nous constations, chez Marx, l’accumulation primitive du capital par les capitalistes qui ont employé les moyens les plus violents et les plus scandaleux pour créer un prolétariat, c’est-à-dire la matière première de l’exploitation capitaliste.

Voilà, en résumé, le contenu du « Capital » de Marx. Vous compléterez cette étude en lisant le Résumé du Capital de Marx, par Gabriel Deville, et aussi le livre ou Caffieri a étudié en détail ce processus.

Vous voyer que la lutte de classe n’est pas une invention de propagandistes, des militants communistes, mais qu’elle résulte du processus économique, c’est-à-dire des entrailles mêmes de la société capitaliste. Le capitaliste ne peut devenir capitaliste qu’en exploitant la force de travail. Il accumule son capital en prolongeant le travail, en exploitant la force de travail au delà de sa valeur. Autrement dit : la richesse se compose du sur-travail, ou du travail non payé. Voilà la base de l’accumulation capitaliste.

Je ne pourrai malheureusement pas m’étendre sur le contenu des 2e et 3e volumes parce que nous serons obligés de traiter d’autres objets et d’aborder d’autres problèmes. La prochaine fois, j’exposerai la politique marxiste ou la lutte des classes. Aujourd’hui, je me suis contenté d’exposer les bases théoriques, les bases économiques de la lutte de classes.