Le Signe (Raynaud)/Tristesse

Pour les autres éditions de ce texte, voir Tristesse.

Le SigneLéon Vanier, éditeur des Décadents (p. 14).
◄  Pauvreté
Berceuse  ►

TRISTESSE


À Paul Verlaine.


Comme un tout jeune enfant qui crie en sa colère,
 Bientôt abattu de langueur,
S’endort très pâle au soir dans les bras de sa mère
 Les deux mains en croix sur son cœur,
Ainsi s’apaisant dans une lourde accalmie,
 Prenant des forces pour durer,
Ma douleur, n’ayant plus de larmes à pleurer,
 Entre mes bras s’est endormie.
Dors ma douleur, bercée au long souffle du vent,
 Ainsi qu’une frêle ancolie,
J’écoute, penché sur ton sein se soulevant,
 Ton souffle avec mélancolie,
Et vois ! tel qu’au cercueil d’une maîtresse, ouvert
 À la chair opulente et fière,
Par qui l’âme a beaucoup saigné, le cœur souffert
 Et qui cependant vous fût chère ;
T’effeuillant mon beau rêve avec mes doigts tremblants
 Et mes virginités natales,
J’envoie à ton sommeil épuisé leurs pétales
 Comme des baisers blancs !