Le Saint-Concile de Trente (trad. Chanut, 1674)/De l’Invocation, & de la Vénération des Saints ; De leurs Reliques ; Et des Saintes Images

Le Saint-Concile de Trente œcuménique et général célébré sous Paul III, Jules III et Pie IV, souverains pontifes
Traduction par Martial Chanut.
S. Mabre-Cramoisy (p. 382-387).
De l’Invocation, & de la Vénération des Saints ; De leurs Reliques, Et des Saintes Images.


ENjoint le Saint Concile à tous les Eveſques, & à tous autres, qui ſont chargez du ſoin, & de la fonction d’enſeigner le Peuple, que ſuivant l’uſage de l’Egliſe Catholique & Apoſtolique, receû dés les premiers temps de la Religion Chreſtienne ; conformément auſſi au ſentiment unanime des Saints Peres, & aux Decrets des Saints Conciles, ils inſtruiſent ſur toutes choſes, les Fideles avec ſoin, touchant l’interceſſion & l’invocation des Saints, l’honneur qu’on rend aux Reliques, & l’uſage legitime des Images ; leur enſeignant que les Saints qui regnent avec Jesus-Christ, offrent à Dieu des priéres pour les hommes ; Que c’est une choſe bonne & utile de les invoquer, & ſupplier humblement ; & d’avoir recours à leurs priéres, à leur aide, & à leur aſſiſtance, pour obtenir des graces, & des faveurs de Dieu, par ſon Fils Jesus-Christ noſtre Seigneur, qui eſt ſeul noſtre Rédempteur, & noſtre Sauveur ; Et que ceux qui nient qu’on doive invoquer les Saints, qui jouïſſent dans le Ciel d’une félicité éternelle ; Ou qui ſoûtiennent que les Saints ne prient point Dieu pour les hommes ; Ou que c’est une idolatrie de les invoquer, afin qu’ils prient, meſme pour chacun de nous en particulier ; Ou que c’eſt une choſe qui répugne à la parole de Dieu, & qui eſt contraire à l’honneur qu’on doit à Jesus-Christ ſeul & unique Médiateur entre Dieu & les hommes ; Ou meſme que c’est une pure folie de prier de parole, ou de penſée, les Saints qui regnent dans le Ciel ; Ont Tous des ſentimens contraires à la piété.

Que les Fideles doivent ſemblablement porter reſpect aux Corps Saints des Martyrs, & des autres Saints qui vivent avec Jesus-Christ ; ces Corps ayant eſté autrefois les Membres vivans de Jesus-Christ, & le Temple du Saint Eſprit, & devant eſtre un jour reſſuscitez pour la Vie éternelle, & reveſtus de la gloire ; & Dieu meſme faiſant beaucoup de bien aux hommes par leur moyen : De maniére que ceux qui ſoûtiennent qu’on ne doit point d’honneur, ny de vénération aux Reliques des Saints ; ou que c’eſt inutilement que les fideles leur portent reſpect, ainſi qu’aux autres Monumens ſacrez ; & que c’eſt en vain qu’on frequente les lieux conſacrez à leur memoire, pour en obtenir ſecours ; doivent eſtre auſſi Tous abſolument condamnez, comme l’Eglise les a déjà autrefois condamnez, & comme elle les condamne encore maintenant.

De plus, qu’on doit avoir, & conſerver ; principalement dans les Eglises, les Images de Jesus-Christ, de la Vierge Mere de Dieu, & des autres Saints ; & qu’il leur faut rendre l’honneur, & la venération qui leur eſt deûë : Non que l’on croye qu’il y ait en elles quelque divinité, ou quelque vertu, pour laquelle on leur doive rendre ce culte ; ou qu’il faille leur demander quelque choſe, ou arreſter en elles ſa confiance, comme faiſoient autrefois les Payens qui mettoient leur eſperance dans les Idoles : Mais parce que l’honneur qu’on leur rend, eſt réferé aux originaux qu’elles repreſentent ; de manière que par le moyen des Images, que nous baiſons, & devant leſquelles nous nous découvrons la teſte, & nous nous proſternons, nous adorons Jesus-Christ, & rendons nos reſpects aux Saints, dont elles portent la reſſemblance ; ainſi qu’il a eſté définy & prononcé par les Decrets des Conciles, & particulièrement du ſecond Concile de Nicée, contre ceux qui attaquoient les Images.

Les Eveſques feront auſſi entendre avec soin, que les hiſtoires des Myſtéres de noſtre Rédemption, exprimées par peintures, ou par autres repreſentations, ſont pour inſtruire le peuple, & pour l’accouſtumer, & l’affermir dans la pratique de ſe ſouvenir continuellement des articles de la Foy : De plus, que l’on tire encore un avantage conſidérable de toutes les ſaintes Images, non-ſeulement en ce qu’elles ſervent au peuple à luy rafraiſchir la memoire des faveurs & des biens qu’il a receûs de Jesus-Christ ; mais parce que les miracles que Dieu a operez par les Saints, & les exemples ſalutaires qu’ils nous ont donnez, ſont par ce moyen continuellement expoſez aux yeux des Fideles, pour en rendre graces à Dieu, & pour les exciter à conformer leur vie & leur conduite, ſur le modelle des Saints, adorer Dieu, l’aimer, & vivre dans la piété. Si quelqu’un enſeigne quelque choſe de contraire à ces Decrets, ou qu’il ait d’autres ſentimens, qu’il ſoit Anatheme.

Que ſ’il ſ’eſt gliſſé quelque abus parmy ces obſervations ſi ſaintes & ſi ſalutaires, le ſaint Concile ſouhaite extrêmement qu’ils ſoient entièrement abolis ; de manière qu’on n’expoſe aucunes Images qui puiſſent induire à quelque fauſſe doctrine, ou donner occaſion aux perſonnes groſſiéres de tomber en quelque erreur dangereuſe ; Et ſ’il arrive quelquefois qu’on faſſe faire quelques figures, ou quelques tableaux des Hiſtoires, ou évenemens contenus dans la Sainte Ecriture, ſelon qu’on le trouvera expédient pour l’inſtruction du peuple, qui n’a pas la connoiſſance des lettres ; on aura ſoin de le bien inſtruire, qu’on ne prétend pas par là repreſenter la Divinité, comme ſi elle pouvoit eſtre aperceûë par les yeux du corps, ou exprimée par des couleurs, & par des figures.

Dans l’invocation des Saints, la vénération des Reliques, & le ſaint Uſage des Images, on bannira auſſi toute ſorte de ſuperſtition ; on éloignera toute recherche de profit indigne & ſordide ; & on évitera enfin tout ce qui ne ſera pas conforme à l’honneſteté : de manière que dans la peinture, ny dans l’ornement des Images, on n’employe point d’agrémens, ny d’ajuſtemens profanes, & affetez ; & qu’on n’abuſe point de la ſolemnité des Feſtes des Saints, ny des voyages qu’on entreprend, à deſſein d’honorer leurs Reliques, pour ſe laiſſer aller aux excès, & à l’yvrongnerie, comme ſi l’honneur qu’on doit rendre aux Saints, aux jours de leurs Feſtes, conſiſtoit à les paſſer en débauche, & en déréglemens.

Les Eveſques enfin apporteront en tout cecy, tant de ſoin, & tant d’application, qu’il n’y paroiſſe ny deſordre, ny tumulte, ny emportement ; rien enfin de profane, ny de contraire à l’honneſteté, puis que la Sainteté convient à la Maiſon de Dieu.

Or afin que ces choſes s’obſervent plus exactement, Ordonne le Saint Concile, qu’il ne ſoit permis à qui que ce ſoit de mettre, ou faire mettre aucune Image extraordinaire, & d’un uſage nouveau, dans aucun lieu, ou Egliſe, quelque exempte qu’elle puiſſe eſtre, ſans l’approbation de l’Eveſque.

Que nuls miracles nouveaux ne ſoient admis non plus, ny nulles nouvelles Reliques, qu’aprés que l’Evefque ſ’en ſera rendu certain, & y aura donné ſon approbation : Et pour cela, auſſi-toſt qu’il viendra ſur ces matiéres quelque chose à ſa connoiſſance ; il en prendra avis & conſeil de Théologiens, & autres perſonnes de vertu, & il fera en ſuite ce qu’il jugera à propos, conformément à la verité du fait, & aux régles de la piété. Que ſ’il ſe rencontre quelque uſage douteux à abolir, ou quelque abus difficile à déraciner, ou bien qu’il naiſſe quelque queſtion importante ſur ceſ mefmes matiéres ; L’Eveſque, avant que de rien prononcer, attendra qu’il en ait pris le ſentiment du Métropolitain, & des autres Eveſques de la meſme Province, dans un Concile Provincial : En ſorte néanmoins qu’il ne ſe décide rien de nouveau, & d’inuſité juſques à préſent dans l’Egliſe, ſans en avoir auparavant conſulté le Tres-Saint Pere.