Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean/Chapitre 8

Léger Brousseau (p. 171--).



CHAPITRE VIII




SAINT-DOMINIQUE DE JONQUIÈRE
(Rivière-au-sable)





Après le canton Chicoutimi vient celui de Jonquière où se trouve la paroisse de Saint-Dominique, une des plus considérables du diocèse. Cette paroisse est située entre le Grand-Brûlé et le lac Kenogami : une de ses extrémités touche à la paroisse de Chicoutimi, l’autre à celle d’Hébertville. Les premières tentatives de colonisation dans cet endroit datent de 1848, et presque tous les colons qui s’y fixèrent venaient de la Malbaie. En 1863, Saint-Dominique comptait déjà soixante-douze familles ; quinze ans plus tard, en 1870, on y trouvait treize cent soixante-cinq (1365) habitants.

Les premiers colons de Jonquière ont eu à endurer toutes les peines, toutes les privations, toutes les fatigues qui ne manquent jamais d’assaillir ceux qui ouvrent de nouvelles terres ; mais il y a ici une circonstance particulière à signaler. À la Rivière-au-Sable, c’est une veuve, Marguerite Maltais, qui, accompagnée de ses deux jeunes garçons, pénètre dans la forêt, abat le premier arbre, construit la première cabane, et cela après que les premières tentatives de défrichement eussent été abandonnées par la société de colonisation. Bien des fois il lui fallut remonter le courage de ses deux garçons qui la pressaient et la suppliaient d’abandonner un lieu d’ennui et de misère. Mais, toujours pleine d’énergie, dérobant à ses enfants sa douleur et ses larmes, elle les consolait par l’espoir d’un avenir meilleur. Pendant quinze ans elle a pu voir se réaliser, petit à petit, ce qu’elle promettait à ses garçons dans leurs accès de découragement ; elle a vu se dresser autour d’elle les moulins ; les écoles, l’église, et de bons chemins s’ouvrir à travers les terres nouvellement défrichées. Aujourd’hui la paroisse de Saint-Dominique est une des grandes paroisses du Saguenay.

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C’est à la Malbaie que s’est formée la première société de colonisation du Saguenay, en 1847. Le futur évêque de Sherbrooke, Mgr Antoine Racine, qui était alors vicaire de cette paroisse, alla lui-même demander au gouvernement un arpenteur pour fixer les limites du canton Jonquière, et M. François Têtu fut envoyé à cet effet sur les lieux. Murray, un descendant d’écossais, dont le nom s’était transformé en celui de « Muret », fut le premier à suivre l’arpenteur envoyé par le gouvernement et à défricher une terre au confluent de la Rivière-au-Sable et de la rivière Saguenay. Plus tard, la société, qui avait entrepris de coloniser le canton Jonquière, se divisa en deux Sections appelées l’une, la « Grande Société », et l’autre, la « Petite Société ». La « Grande » se vit bientôt dans l’impossibilité de poursuivre ses opérations, et la « Petite » continua de coloniser le long de la rivière. C’est dès cette époque qu’on peut voir tout ce que le comté de Charlevoix a fait pour la colonisation du Saguenay ; en effet, le nombre des colons qu’il a fournis à cette région dépasse celui des colons que les comtés de la rive sud du Saint-Laurent y ont dirigés, même de nos jours, dans les endroits où les gens de la rive sud se sont portés les premiers.

La paroisse de Saint-Dominique fut d’abord desservie par les curés de Chicoutimi ; c’est Mgr Dominique Racine qui y inaugura les missions régulières. La première fois qu’il s’y rendit, en 1862, peu de temps après son arrivée à Chicoutimi, il dut faire l’office divin dans une maison privée, la chapelle que l’on construisait n’ayant pas encore de toit.

En 1866, Saint-Dominique recevait son premier curé.

En 1879, cette paroisse renfermait plus de 1600 âmes et on y comptait près de 9000 acres en culture.