Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean/Chapitre 18

Léger Brousseau (p. 405-420).



CHAPITRE XVIII




UN DERNIER MOT




I


Durant l’été de 1873 je parcourais pour la première fois de ma vie ce qui était alors la sauvage, pauvre et misérable région du Lac Saint-Jean. C’était un pays voué à la désolation et à la ruine. Tous les jours il se dépeuplait. Les malheureux habitants, découragés de voir qu’on ne pouvait leur donner de communication par terre avec le marché de Québec, s’en allaient par centaines, et les paroisses allaient être bientôt réduites à n’être plus que des groupes de plus en plus affaiblis, de plus en plus isolés.

Je m’étais rendu là par amour des voyages et par le besoin de satisfaire une curiosité excitée de plus en plus chez moi par des récits qui me paraissaient bien plus légendaires que véridiques, quoique j’eusse un vague soupçon d’une réalite assurément digne d’être reconnue dans beaucoup de ses traits et exposée aux regards d’un public dont l’attention commençait à être singulièrement éveillée.

Mais une fois parvenu sur les lieux, ma curiosité devint de l’observation, de l’examen. Je voulus me rendre compte, je questionnai tout le monde et je m’initiai par le détail aux conditions de cette intéressante partie de la province dont on savait si peu de chose encore.

Alors, en présence même du dénûment qui s’offrait de tous côtés à mes yeux, j’eus comme une vision prophétique d’un avenir dont rien, dans l’état présent des choses, ne pouvait donner même l’illusion, et je consignai cette vision dans un récit que je fis sous forme de chronique.

Dans la province de Québec, disais-je, il y a l’une à la suite de l’autre trois vallées admirables, vastes, coupées d’innombrables cours d’eau, séparées l’une de l’autre par un espace relativement insignifiant, et que l’on pourrait aisément réunir si l’homme voulait tant soit peut aider la nature qui a tout préparé d’avance. Ces trois vallées, qui sont celles du Saguenay, du Saint-Maurice et de l’Outaoutais, connues et explorées déjà depuis longtemps, n’ont pas encore un chemin non seulement qui les relie entre elles, mais encore qui leur donne simplement une issue, un débouché vers les grands centres situés dans leurs régions respectives. Combien de temps n’avons-nous pas perdu en disputes oiseuses, au lieu de travailler à établir et à affermir solidement notre race sur le sol canadien !…

Eh bien ! Grâce au travail opiniâtre de la compagnie du Lac Saint-Jean, tout ce que j’avais entrevu et ce que j’avais annoncé dans ce qui fut longtemps après encore un désert, s’est réalisé, même bien avant le terme que j’assignais dans mon imagination. L’œuvre entreprise et menée à fin par la « Compagnie » a galvanisé le peuple du Lac Saint-Jean qui se mourait de découragement et d’inanition ; elle lui a rendu la vie, a introduit un sang nouveau dans ses veines, lui a imprimé un élan qui se traduit par toute sorte de progrès et d’essais, et nous a dotés pour ainsi dire d’une petite province qui est comme un organe essentiel dans le corps de la grande province de Québec. Deux vallées dont nous déplorions l’isolement, celle du lac Saint-Jean et celle du Saint-Maurice sont déjà reliées entre elles par le chemin de fer des Basses-Laurentides, et elles le seront doublement bientôt par une nouvelle ligne allant du Lac Édouard à La Tuque. En outre, avant qu’il se soit écoulé deux années de plus, la vallée du Saint-Maurice sera reliée à celle de l’Outaouais par la voie ferrée du Grand-Nord, qu’il n’est plus nécessaire que de compléter.

Et quant aux villages nouveaux, aux coquettes villas, aux beaux grands hôtels, style américain, dont j’entrevoyais les invitantes silhouettes se dresser sur les bords du lac, ils y sont, ils ont poussé comme sous le coup d’une baguette magique, et nul ne pourra hésiter à mettre l’hôtel de Roberval en parallèle avec les hôtels de premier ordre de n’importe quelle ville de l’Amérique.

Cet hôtel est à vrai dire un trait d’audace et une aventure admirablement calculée. Qu’on ait eu seulement l’idée de construire, dans un endroit aussi rudimentaire que Roberval, qui comptait à peine cent feux il y a trois ans, un hôtel qui ne le cède en vérité qu’au Windsor de Montréal, c’était montrer une singulière confiance dans le succès définitif de la Compagnie du Lac Saint-Jean. Et à propos de succès, couronnement légitime de l’esprit d’entreprise et de l’audace intelligemment calculée, n’oublions pas de mentionner celui de la « Compagnie des vapeurs du Saint-Laurent », à laquelle le Saguenay doit peut-être d’exister encore aujourd’hui.




Depuis 1880, cette compagnie, qui datait d’une vingtaine d’années environ, a cédé tous ses droits à la compagnie du « Richelieu », laquelle s’est chargée, aux lieu et place de la première, d’un service régulier de tous les jours, durant trois mois de l’année, entre Québec et Chicoutimi, en y comprenant les stations intermédiaires.

L’établissement de cette ligne portait et a donné des résultats immédiats. Les colons du Saguenay, qui n’avaient eu jusque-là d’autre marché que les chantiers locaux de M. Price, purent dès lors envoyer librement leurs produits à la ville, et ces produits prirent rapidement une importance signalée.

Nous pouvons dire que sans la direction intelligente et énergique, imprimée à la compagnie du St-Laurent, la région du Saguenay serait encore à peu près inconnue et ses champs redevenus incultes. La compagnie a fait plus que fertiliser ceux-ci, puisqu’elle leur a donné l’écoulement nécessaire, en leur ouvrant le monde extérieur et en retenant, autant qu’il a été possible, le colon sur le patrimoine qu’il avait arrosé de tant de sueurs.

* * *

Dans quelques années d’ici, la génération des cultivateurs qui aura remplacé entièrement la première, et l’essaim nouveau de ceux qui prennent de plus en plus tous les ans la direction du lac St-Jean, en entendant parler des pénibles commencements de cette région, des disettes fréquentes des premiers temps et des amers découragements qui, bien des fois, chassèrent de leurs foyers les aventureux pionniers de 1845, aimeront probablement à savoir comment elle commença à s’affranchir de sa misère, quelle fut la première voie ouverte devant elle, comment enfin elle arriva à se mettre en communication avec le reste du pays. C’est alors que le lecteur aimera peut-être à parcourir d’un regard sympathique les pages que nous venons d’écrire, et que le souvenir et l’image de ces temps déjà reculés pour nous, hommes du XIXe siècle, lui apparaîtront avec leur saveur primitive, avec les senteurs non encore évanouies des ténébreuses et silencieuses forêts, avec ce charme mystérieux enfin que le temps donne aux choses comme aux œuvres qui ont puisé leur sève et leur substance aux sources éternellement vraies de la nature.


II


Nous avons dit dans un précédent chapitre qu’il y avait tout autour du lac St-Jean un vaste système de communications par eau, formé par de nombreuses rivières qui se déchargent dans le lac. Ces rivières, en même temps que quelques chemins indispensables, ont offert aux colons, jusqu’à ces années dernières, les seules voies de communication qui leur permissent de se porter d’un endroit à un autre. Mais, aujourd’hui, la colonisation avance trop rapidement pour que l’on se contente de ce moyen primitif ; aussi des chemins se sont-ils ouverts rapidement dans l’intérieur et des ponts ont-ils été construits sur plusieurs des rivières les plus importantes, entre autres sur la Grande-Décharge, sur la Chamouchouane et sur la Mistassini.

C’est sur les bords de la Mistassini, après en avoir bien constaté la fertilité incomparable, que les Pères Trappistes ont fondé un monastère et un établissement agricole. Il y a guère trois ans que les révérends Pères ont obtenu leur concession du gouvernement, et déjà, autour du monastère et dans le pays environnant, plus de cent familles ont fixé leur demeure. Deux cents lots ont été retenus durant ce court espace de temps et les défrichements se poursuivent sans interruption.

Le Père Supérieur des Trappistes a fait lui-même le dénombrement des colons établis le long des rivières Mistassibi et Aux-Rats, toutes deux affluents de la Mistassini. Les colons ont planté leur tente dans les cantons nouveaux de Dolbeau et de Pelletier, et ils attendent impatiemment l’ouverture de quelques chemins pour s’y fixer d’une matière définitive. Le Révérend Père ayant déclaré que si l’on ouvrait les chemins nécessaires, avant dix-huit mois on pourrait compter trois nouvelles paroisses en voie de formation, le département de l’Agriculture a pris aussitôt des mesures pour donner suite aux demandes qui lui étaient faites. On a construit un pont de plus de six cents pieds de longueur sur la rivière Chamouchouane et un autre sur la rivière Aux-Rats, et l’on a de plus commencé la construction de nouveaux chemins, ce qui permet aux amis de la colonisation d’espérer qu’avant deux ans d’ici l’on verra les clochers de trois nouvelles paroisses s’élever sur la rive nord du lac St-Jean.

* * *

Il y a d’autres établissements sur cette rive, à part celui des Pères Trappistes, notamment le long des rivières Péribonka et La Pipe. Mais les distances entre ces établissements rend leurs rapports presque impossibles : les Pères Trappistes eux-mêmes sont à cinquante milles de distance du chemin de fer aboutissant à Roberval. Il faudrait prolonger le chemin de fer jusque sur la rive Nord, en le faisant contourner la rive ouest où se trouvent de florissantes colonies ; mais comme cette entreprise serait extrêmement coûteuse le gouvernement n’a pu y donner encore son attention ; il a résolu, en revanche, d’utiliser les différentes rivières comme voies de communication, au moyen d’un bateau à vapeur voyageant entre Roberval et les endroits où se sont fixés des groupes de colons. À cet effet, il a fait construire spécialement pour ces derniers et le transport de leurs effets de ménage, un bateau pouvant naviguer sur les principales rivières, même lorsque l’eau est très basse. Ce bateau, en mettant en rapport entre eux tous les établissements des bords du lac, a rendu, ces deux dernières années, des services incalculables.




Outre sa scierie de Roberval, qui emploie constamment plusieurs centaines d’hommes, M. B. A. Scott en possède une autre sur la rivière Péribonca, pour laquelle il tient en activité, dans les chantiers d’hiver, tous les colons qui s’offrent à lui ; de leur côté, les Pères Trappistes ont également construit, dans le voisinage de leur monastère, un moulin à scies qui fournit aux colons tout le bois de construction qui leur est nécessaire, en sorte que l’ouvrage ne manque pour personne et que le pain de tous est assuré.

On remarque déjà sur les bords de la Mistassini des fermes largement cultivées et des colons possédant aisance. Sur la rivière « Au Foin », à quelques milles du monastère des Trappistes, on trouve encore une grande étendue de terre très fertile où pourraient se fixer des centaines de familles. Tous les lots y aboutissent à la rivière. De même, sur la rivière Aux Rats, se trouvent des fermes en pleine prospérité. Pour tous les pères de famille qui sont venus demander leur subsistance au sol généreux de la Mistassini, la mission des Trappistes est aussi bien un centre spirituel que temporel, les Pères administrant également les secours de la religion et donnant de l’emploi à tous les colons qui en ont un urgent besoin. L’hiver, on se rend à la Mistassini en voiture ; l’été, les colons s’y rendent gratuitement en bateau, deux fois par semaine. Il y a donc, dès maintenant, toutes les facilités de communication désirables pour les besoins actuels ; aussi, l’ouest et le nord du lac Saint-Jean ont-ils reçu, dans le cours des deux dernières années, une impulsion décisive qui ne tardera pas à engendrer de nouvelles entreprises et à déterminer l’ouverture de voies de communication encore plus rapides, plus régulières et plus fréquentes.

Il en est absolument de même des cantons situés à l’est du lac, et dont plusieurs sont déjà érigés en paroisses sous les noms de St-Bruno, Saint-Gédéon, St-Joseph d’Alma etc, en outre des cantons Delisle et Taché. Là aussi, le progrès des trois dernières années surtout est extrêmement remarquable. St-Bruno, formé d’hier, compte déjà 450 âmes ; St-Gédéon et St-Joseph d’Alma en comptent chacun près de neuf cents. L’Île d’Alma, qui renferme la paroisse de St-Joseph, est séparée du canton Taché par la Grande-Décharge, nom donné à la série de rapides fougueux par lesquels le lac Saint-Jean se décharge dans la rivière Saguenay. Le gouvernement a fait construire, en 1894, un pont monumental de 830 pieds de longueur, qui met en communication l’île d’Alma et les cantons Taché et Delisle ; ceux-ci n’attendaient que l’exécution de cette difficile entreprise pour pouvoir attirer sur leur sol une population impatiente d’y ouvrir des terres nouvelles.


III


Au point de vue administratif et politique la région du Lac Saint-Jean comprend tout le comté de ce nom, plus une partie du comté de Chicoutimi. Le comté proprement dit « Lac Saint-Jean » se compose, à l’heure actuelle, des cantons dont les noms suivent :

CANTONS


À L’ouest À L’est Au Sud
Chamouchouane Delisle Caron
Demeules Signaï Mésy
Parent Labarre Saint-Hilaire
Dufferin Dequen,

Normandin Dablon
Albanel Crépeuil
Au Nord
Racine Malherbe
Dolbeau Charlevoix
Pelletier Métabetchouane
Dalmas Roberval
Taillon Ross

Les cantons Kenogami, Bourget et Taché doivent être considérés comme se rattachant directement, par leur situation et leurs relations, au territoire du Lac Saint-Jean, quoiqu’ils fassent partie du comté de Chicoutimi.[1] Les chemins de fer ont métamorphosé d’un bout à l’autre la région du Lac St-Jean. Depuis que les trains y circulent, elle a changé de physionomie et de caractère au point d’apparaître comme un pays imaginaire aux yeux de ses premiers habitants. Aux longues années d’isolement a succédé une période d’activité inouïe. L’agriculture, l’industrie et le commerce se sont développés comme subitement. L’industrie forestière et l’industrie laitière, notamment, ont pris des proportions étonnantes. De tous côtés il s’est établi des scieries, des beurreries et des fromageries. On compte huit scieries en activité, un moulin à papier et un moulin à pulpe sur le parcours de la ligne.[2]

IV

Nous voilà maintenant parvenus à la fin de ce long ouvrage. Je ne me cache point tout ce qu’il contient d’imperfections et de lacunes ; mais, tel qu’il est cependant, j’ose le présenter devant le public, parce que j’ai la consience d’avoir fait une bonne œuvre. Cela suffit à ma modeste ambition de chroniqueur et d’historiographe. C’est déjà quelque chose que de contribuer à faire

connaître à l’étranger un pays encore aussi ignoré que l’est le nôtre et néanmoins aussi digne d’être connu. Il y a des œuvres retentissantes, éblouissantes, qui ne valent pas simplement une œuvre de bon citoyen. Dans un pays comme le nôtre il est presque impossible de faire un ouvrage purement littéraire ou historique : le champ intellectuel n’est pas encore assez large, ni les esprits surtout. Ceux-ci sont en proie à une foule d’obsessions morales, à une diversité infinie de préventions, de petites jalousies, d’étroites considérations qui leur font perdre de vue le but et empêchent de voir l’horizon par delà les crépuscules qui voilent leurs regards.

Quant à moi, dans le présent ouvrage, comme dans d’autres analogues, déjà publiés, et dans d’autres qui vont suivre et dont je veux faire une série de monographies canadiennes, je n’ai eu en vue que le but à atteindre, qui est l’édification d’une littérature vraiment nationale.

Je réussirai, car je crois le public suffisamment dégoûté aujourd’hui des essais puérils, souvent louches, de toute une catégorie de soi-disant écrivains canadiens qui ont prétendu faire de la littérature nationale en suivant pas à pas les auteurs français, en les décalquant avec une extrême précision, en leur dérobant des pages, des chapitres entiers, en taillant avec de larges ciseaux dans leurs vêtements exotiques, ou en confectionnant des livres entiers avec des citations.

Une qualité vraiment extraordinaire du présent ouvrage,

c’est qu’il est de moi. Pour cette qualité-là je tiens à la signaler moi-même ; je laisse le public juger des autres, s’il en trouve. Surtout je ne lui demande pas d’indulgence ; il en a fait un abus tellement grand qu’aujourd’hui l’on ne peut plus établir de distinctions, ce qui est vraiment humiliant pour ceux qui croient y avoir droit.

ARTHUR BUIES.
  1. La région du Lac Saint-Jean comprend trois agences dont une, à Saint-Roch de Québec, dessert le territoire qui s’étend entre Québec et la région du lac proprement dite ; une autre, établie à Roberval, dessert les cantons à l’ouest du lac, et une troisième, dont le siège est à Hébertville, dessert les cantons à l’est et au sud-est du lac.

    L’agence de Roberval comprend seize cantons ayant 434,217 acres arpentés et mis en vente. L’agence de Hébertville comprend dix cantons ayant 199,858 acres également arpentés et à la disposition des colons.

    Les cantons arpentés sont divisés, autant que possible, en lots de cent acres. Ces lots, dans la deuxième et dans la troisième agence de la région du Lac Saint-Jean, se vendent au prix de vingt centins l’acre, soit vingt dollars payables comptant, et le reste en quatre versements égaux et annuels.

    xxxLes colons, qui peuvent disposer d’un capital plus ou moins

    considérable, trouveront à acheter des terres déjà en culture, et plus ou moins avancées, soit dans les vieilles paroisses soit dans les cantons nouveaux. Au dire des cultivateurs de la région, la plupart de ceux qui sont venus y prendre des terres à l’origine étaient dans un dénûment absolu. Aujourd’hui bon nombre de ces premiers habitans possèdent des fermes de deux à trois mille dollars, quelques-unes même jusqu’à dix mille. Tout leur avoir a été acquis par la culture, bien qu’ils eussent à lutter contre une foule de désavantages et d’obstacles qui n’existent plus aujourd’hui. Quand les fils des cultivateurs étaient nombreux, il en partait un ou deux pour les États-Unis ; les autres demeuraient avec leurs parents et prenaient charge de la terre. Dans presque tous les cas ceux qui étaient allés aux États-Unis sont encore des ouvriers, tandis que ceux qui avaient pris charge de la terre de leurs parents sont maintenant sur de bonnes fermes bien pourvues de bestiaux. D’où la leçon est facile à tirer.

  2. En 1894, le nombre de tonnes de fret s’est élevé à 145,770 contre 133,150, en 1893 et 104,000 seulement en 1859. Le fret a consisté en :
    2,637 wagons de bois de chauffage 26,370 cordes ;
    3,124 wagons de bois de sciage 47,148,000 pieds
    188 wagons de bois carré
    617 wagons de dormants
    137 wagons de pulpe et papier 2,420 tonnes ;
    1,571 wagons de marchandises 27,940 tonnes.

    Total 8,274 wagons.


    Quant aux progrès de l’industrie laitière, on peut s’en rendre compte par les chiffres suivants. En 1894, le chemin de fer a transporté 1,114,000 livres de fromage contre 522,000 livres en 1893, sans compter les quantités qui ont pris la voie du fleuve, dans les bateaux à vapeur de la compagnie Richelieu.

    Le nombre des passagers a augmenté de quatorze mille d’une année à l’autre.

    Un état préparé par la Compagnie du chemin de fer indique que, pendant l’année 1894, les trains ont transporté gratuitement au Lac Saint-Jean 409 colons nouveaux, accompagnés de 240 enfants ; sur ce nombre 190 étaient des canadiens revenant des États-Unis.

    On porte à $600,000 la valeur du bois scié, bois de construction, bois de chauffage et autres produits de la forêt exploités sur la ligne de Québec au Lac Saint-Jean en 1894, et à environ 3000 le nombre d’hommes employés directement ou indirectement à cette exploitation.

    Depuis l’établissement de la voie ferrée, la vente des terres publiques, dans la région du Lac Saint-Jean, a dépassé 60,000 acres ; en 1894, environ 700 colons venant des anciennes paroisses de la province et des États-Unis ont pris des terres et ont été transportés gratuitement. Quant à la valeur du fromage transporté par le chemin de fer seulement, on estime qu’elle est d’environ $200,000.

    Voici les quantités fournies par les différents cantons et paroisses, dont nous avons pu obtenir des états :

    1894 1893
    St-Jérôme 374,175 livres 310,840 livres
    Hébertville 242,425 " 54,460 "
    Jonquière 102,300 "
    Chicoutimi 101,150 " 6,900 "
    St-Prime 85,590 " 63,030 "
    Roberval 67,420 " 16,870 "
    Chambord 62,790 " 35,500 "
    St-Félicien 37,140 " 25,490 "
    St-Gédéon 34,476 " 7,580 "
    Normandie 6,160 " 4,000 "


    1,114,456 " 522,660 "

    Les connaissances agricoles ont aussi fait des progrès considérables, grâce à la propagation du « Journal d’Agriculture Illustré », aux efforts persistants et méthodiques du département de l’Agriculture et de la Colonisation, aux notions nombreuses répandues par les conférences agricoles, et enfin à la détermination arrêtée des colons d’en finir avec les vieilles routines et de marcher hardiment dans les voies nouvelles. Disons enfin, pour terminer, qu’on a fait, l’année dernière, l’essai de la production fruitière. M. Franck Ross, le président de la compagnie du chemin de fer, a planté un grand nombre de pommiers sur sa propriété, près de Roberval, et les Pères Trappistes en ont fait autant à Mistassini.

    Si ces expériences réussissent, on estime que la région du Lac Saint-Jean pourra produire une grande quantité de pommes, des variétés propres aux climats du nord, pour l’exportation en Angleterre, comme la chose se fait sur une si grande échelle dans la vallée d’Annapolis, à la Nouvelle-Écosse.