Le Roman suédois
Revue des Deux Mondes4e période, tome 135 (p. 853-867).
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LE ROMAN SUÉDOIS

I.
LES ORIGINES

Lorsqu’on pénètre au cœur de la Suède, après avoir franchi ces plaines du Sud qui semblent encore un prolongement de la côte danoise, on se trouve en présence d’une nature tout autre, plus calme, plus discrète, plus intime. C’est une suite de grands lacs et de vastes forêts encadrant de petites vallées verdoyantes. Partout, entre la tache sombre d’un pan de forêt et l’azur d’un coin de lac reflétant le ciel, partout s’ouvrent les mêmes petites vallées, avec parfois de soudaines échappées découvrant à l’horizon une autre forêt et un autre lac bleu. Çà et là, répandus dans la vallée, des points rouges : ce sont les maisons des paysans, semées de loin en loin au bord des lacs ou à la lisière des bois, et entourées de champs cultivés. Rarement vous trouverez sur votre route une agglomération de maisons, villages ou bourgs. Chaque fermier veut être seul au milieu de ses terres, près de la forêt où va paître son bétail. Souvent, en revanche, vous verrez se dresser au centre de la vallée, ou sur une hauteur dominant l’horizon, le clocher blanc d’une église, surmonté d’une croix dorée, et près d’elle, la lourde charpente rouge du beffroi. C’est là que mènent tous les chemins, là est le trait d’union entre toutes ces habitations isolées.

D’autres fois vous apparaîtra, au milieu d’une vallée ou d’une clairière dans le bois, un château seigneurial entouré d’un parc ; un château qui est en même temps une ferme, car la noblesse de ces contrées est encore essentiellement terrienne. Les seigneurs vivent tout le long de l’année dans leurs domaines, cultivant leurs champs, se maintenant en contact quotidien avec le peuple. Aussi la noblesse suédoise, en dépit des réformes qui l’ont dépouillée de ses privilèges, garde-t-elle l’influence que lui donnent ses traditions, son passé glorieux, son habitude de domination, ses intérêts agricoles. Le château reste aujourd’hui encore le centre d’activité de la contrée. Malgré leur isolement apparent au milieu des bois et des plaines, le château, le presbytère et l’école sont en communication immédiate avec tout le pays. Pour achever de les rapprocher, un réseau téléphonique traverse la campagne en tous sens. L’usage du téléphone est désormais si bien entré dans les habitudes suédoises, qu’il n’y a presque plus de domaines ni de ferme de quelque importance où on ne le trouve installé.

Au milieu de cette nature douce, calme, un peu mélancolique, portant l’homme au rêve et à la contemplation, le climat seul apporte un élément de contraste et de variété. En hiver, ces vallées, ces champs, ces bois et ces lacs se couvrent d’une immense et uniforme couche de neige. Et cet hiver sombre et rude, ce terrible hiver où tous les élémens semblent se liguer contre l’homme, toujours il succède brusquement, presque sans transition, à des étés merveilleux, les plus clairs et les plus doux que l’on puisse rêver. Le printemps et l’automne, dans cette région, n’existent pour ainsi dire pas. Au premier sourire du soleil, la nature s’éveille comme sous le toucher d’une baguette magique ; et aux premières bises d’hiver elle se rendort aussitôt, s’ensevelit de nouveau dans son linceul de neige. Et c’est ainsi une succession indéfinie de contrastes dans la nature, imposant à l’homme des alternances régulières d’efforts précipités et de repos forcés.

Quoi d’étonnant après cela si l’homme de ces contrées s’est accoutumé aux contrastes violens ; si jamais, en revanche, il n’a pu acquérir la notion des transitions graduées, des nuances subtiles ? Ces radieuses journées d’été, avec leurs longs crépuscules qui vont rejoindre l’aurore, toute cette nature brusquement éveillée à la vie, le calme des eaux, la douceur monotone des bois, le silence des vallées, tout cela le porte aux émotions vagues, aux tendres rêveries, à cette mélancolie tranquille que ne manque jamais de faire naître en nous une longue contemplation de la nature. Mais le retour subit des hivers, avec leur rigueur sans merci, lui a donné en outre un profond instinct d’énergie et de résistance ; comme si, devant l’hostilité du climat, il se sentait obligé de réagir par un effort vigoureux et comme si même il avait besoin de cet effort pour se distraire et pour oublier. Ainsi du contraste des élémens est né le contraste dans les idées. La brusque succession de températures extrêmes a donné à la pensée l’habitude et le goût des sentimens extrêmes. Et c’est sans doute à la solennité des manifestations naturelles que la race suédoise est redevable de la gravité, de l’énergie, de la facilité d’enthousiasme qui sont ses traits caractéristiques.

Ces contrastes se reflètent jusque dans la langue que parle ce peuple. Forte, claire, mâle et sonore, la langue suédoise n’a point la souplesse des langues méridionales. Elle ne se prête guère aux finesses des nuances. Riche en images puisées dans la nature, simples et frappantes, elle est pauvre pour l’expression des sentimens compliqués, des transitions graduées. Restée jeune malgré son ancienneté historique, à travers toutes ses transformations elle a gardé la fraîcheur, la verdeur, la rudesse primitive. Elle ne connaît pas ces changemens, ces affaiblissemens progressifs de la valeur des mots, qui sont comme les cheveux blancs et les rides des langues trop civilisées. Si peut-être elle a quelque chose d’anguleux et de brusque, elle demeure du moins robuste et franche, et aucune langue ne la vaut pour la peinture des contours tranchés, des états d’âme définis, des idées pleines et des fortes passions.

À chaque page, dans l’histoire de la Suède, comme dans sa littérature, vous rencontrerez les mêmes particularités : le brusque désir de l’effort survenant au milieu du rêve le penchant à l’enthousiasme et la promptitude au découragement, le goût des aventures lointaines s’unissant à un profond amour de la patrie. Ce sont là les traits les plus saillans de la mythologie Scandinave, avec son mélange de sombres grandeurs et de naïvetés enfantines. Ce sont là encore ceux des sagas d’Islande, tantôt si douces et si tendres, tantôt d’une rudesse sauvage. Vous les retrouverez aussi dans l’âme aventureuse de ces anciens guerriers du Nord : les Vikings s’embarquant pour aller conquérir un royaume ; ou Varegues allant clouer leurs boucliers jusque sur les portes de Constantinople et défendant ensuite l’Empire de Bysance, comme ils avaient défendu Kief et Novgorod. Enfin ne les retrouvez-vous pas dans les épopées plus récentes des Gustave-Adolphe et des Charles XII, entraînant tout un peuple loin de ses foyers, le poussant à de gigantesques entreprises, hors de toute proportion avec ses moyens réels, et sans aucun espoir d’un profit possible ? Il suffisait, pour provoquer ces immenses efforts, de l’enthousiasme d’une idée : et bientôt cet enthousiasme s’épuisait, laissant après lui un découragement profond, si profond que de longues années s’écoulaient sans réussir à le vaincre. Tel que nous le montre son histoire, tel est encore aujourd’hui le peuple suédois. Energique, d’esprit aventureux, habitué aux brusques efforts, sans cesse il travaille à surmonter sa mélancolie naturelle, ce goût du rêve et de la contemplation que rien n’a pu jamais déraciner en lui. Sa passion pour les entreprises lointaines reste toujours aussi vive : témoin les expéditions au pôle Nord des Nordenskiöld et des Palander ; témoin encore le grand nombre de jeunes Suédois qui ont pris du service dans l’État libre du Congo, ou se sont enrôlés dans les dernières explorations de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Volontiers le Suédois s’expatrie en quête d’aventures ou d’une vie nouvelle. Des districts entiers des États-Unis sont peuplés de Suédois, qui ont là-bas leurs églises, leurs écoles, leurs imprimeries nationales. Ils continuent en Amérique, comme ils faisaient en Suède, à fêter les anniversaires de Gustave-Adolphe et de Charles XII, à chanter en chœur leurs hymnes patriotiques ; ils continuent à rêver au coin de lac bleu, à la noire forêt de sapins, à la petite maison rouge où ils sont nés. Et dès qu’ils en ont les moyens, ils reviennent visiter ces lieux qui leur restent chers ; mais rarement ils s’y fixent : de nouveaux intérêts, un nouveau besoin d’activité les rappellent là-bas.

Le patriotisme est très fort dans cette race, mais il a pour elle un caractère spécial. Les Suédois ne cessent jamais d’adorer le calme des grands lacs, la mélancolie des forêts, la douceur des vallées natales. Leur rêve s’y complaît : si éloignés qu’ils en soient, ils pensent aux moyens d’y retourner un jour. Mais leur activité naturelle, qui, dans leur patrie, à cause des inégalités du climat, était forcément intermittente, peut au dehors s’étendre, se développer librement.

Ainsi, — et pour ne parler que de ce point particulier, — la civilisation européenne n’a point modifié le fond du caractère suédois. Elle a en revanche profondément modifié les mœurs et les coutumes nationales ; et c’est là un nouveau contraste qui apparaît au premier coup d’œil dans l’état présent du peuple suédois. Lorsque la Réforme lui arrive d’Allemagne, par exemple, ce peuple ne se contente pas, comme la Prusse ou l’Angleterre, de constituer une église nationale : il pousse l’enthousiasme pour sa foi nouvelle jusqu’à vouloir la propager par les armes dans l’Europe entière. Plus tard, sous Gustave III, lorsque arrivent en Suède les théories des encyclopédistes, ce n’est pas seulement la cour et l’aristocratie, c’est la nation même qui s’en pénètre au point d’en être bientôt saturée. Auparavant déjà, l’introduction des nouvelles doctrines scientifiques avait amené en Suède un mouvement de recherches ardent et passionné ; la botanique, la physique, la chimie, avaient reçu des savans suédois, Linné, Celsius, Berzelius, une impulsion mémorable. Et nous verrons tout à l’heure comment il a suffi aux tendances littéraires contemporaines de parvenir en Suède pour y provoquer aussitôt un enthousiasme plus fougueux et des haines plus vives, pour y être aussi poussées à des conséquences plus extrêmes que dans aucun autre pays.

De tout temps, dans l’histoire de la littérature et de l’art suédois, nous retrouvons le même phénomène : toujours nous voyons l’esprit suédois en quête des nouveautés de l’étranger, et toujours nous voyons ces nouveautés, à peine introduites en Suède, y prendre un caractère extrême et exclusif qu’elles n’ont eu nulle part ailleurs.

L’influence du dehors a même été dès le début si caractéristique que l’on a coutume aujourd’hui de désigner les différentes périodes littéraires de la Suède par le nom des littératures étrangères dont elles étaient issues.

C’est ainsi que l’on distingue une époque anglaise, inspirée surtout d’Addison, de Pope et de Swift ; puis une époque française, inaugurée par le mouvement de réforme littéraire de Dalin, et subissant l’influence de Voltaire et des encyclopédistes : c’est l’époque qu’on appelle encore l’époque gustavienne, du nom du roi Gustave III. Puis vint le tour d’une époque allemande, et la littérature suédoise se mit à imiter Lessing, Klopstock, Schiller et Gœthe.

À cette période succéda une période de réaction nationale. La littérature suédoise tenta de se retrouver elle-même, de prendre un caractère plus personnel, en ressuscitant, soit par la légende, soit par l’histoire, la Suède du passé. Le début de ce mouvement remonte aux environs de 1835, lorsque les poètes Tegnér, Geier, Ling et Stagnolius détournèrent à leur profit la victoire remportée par les romantiques sur le classicisme de l’époque gustavienne, et tentèrent de créer, sous le nom d’École gothique, une école de poésie vraiment nationale.

Déjà, avant les Gothiques, Thorild avait cherché à secouer la domination de l’esprit encyclopédiste français, devenue excessive sous le règne de Gustave III. L’Ecole des Phosphoristes, formée d’après ses théories, avait, avec Hammarskiöld, Atterbom et Dahlgren, continué la lutte contre le parti des Académiciens, dont les coryphées étaient le poète de cour Léopold, les lyriques Wallmarck et Valerius, l’évêque Wallin et le poète finlandais Franzén. Mais si les classiques ou Académiciens étaient encore français, comme on disait alors, les Phosphoristes ou indépendans n’étaient pas loin d’être allemands, c’est-à-dire de subir aussi une influence étrangère, celle de la littérature allemande, du romantisme de Schiller greffé sur la philosophie de Schlegel. Ce furent donc vraiment les Gothiques qui imprimèrent au mouvement littéraire suédois son caractère national, en substituant aux dieux de l’Olympe, aux héros de l’antiquité, la mythologie Scandinave et la légende populaire. Le sentiment national se plaisait à retrouver dans les chants de Geier, dans l’épopée symbolique de Ling, le reflet de ses plus intimes aspirations. Il la retrouvait plus expressément encore dans l’œuvre entière de Tegnér, dans la rêverie mélancolique et les hardiesses aventureuses des Vikings de la Saga de Frithiof, dans Axel, l’épopée guerrière des compagnons de Charles XII, dans le piétisme, le mysticisme naïfs d’un étrange poème religieux : les Enfans de la Première Communion. Et malgré la légère teinte d’archaïsme que leur donnent le changement des temps et le progrès des idées, ces œuvres de Tegnér resteront à jamais les œuvres classiques de la littérature suédoise.

De l’autre côté de la Baltique, dans la patrie de Franzén, la Finlande, séparée désormais politiquement de la Suède, mais unie encore à elle par une entière communauté de langue et de traditions, le poète Runeberg continuait ce mouvement national, lui faisant subir seulement une forte poussée vers le réalisme. Les poèmes patriotiques dédiés à son compatriote Franzén, ses Dictons de l’enseigne Stal, devenus classiques sur les deux rives du golfe, chantaient les luttes des Finlandais, lorsqu’ils combattaient encore sous le drapeau suédois, et peignaient des épisodes des campagnes menées en commun contre les Russes. Sa poésie pleine d’un ardent patriotisme, portait avec cela une empreinte de réalité qui contrastait fort avec le pur idéalisme des poèmes de Tegnér.

Aussi n’est-il pas étonnant que l’on fasse aujourd’hui une gloire à Runeberg d’avoir le premier, avec le poète danois Œhlenschlager, introduit le réalisme dans les littératures Scandinaves. Il ne faudrait pas cependant se méprendre sur le sens des mots, et celui de réalisme, en littérature, est arrivé à signifier tant de choses qu’il est difficile de l’employer sans parfois dépasser le but. Le réalisme de Runeberg consiste à rejeter de la poésie l’élément purement imaginaire ; mais il ne comporte nullement l’absence de spiritualité et de sentiment religieux. Runeberg n’a rien fait que d’admettre dans son œuvre la peinture de la vie directement observée, à la place « les faits tout fictifs où s’étaient bornés les romantiques. Mais pour le reste, il a été simplement le continuateur et le rival des grands poètes gothigues, des Tegnér et des Geier.

Inauguré par ces poètes, le mouvement d’émancipation de la littérature suédoise fut ensuite repris par les romanciers. En Suède, comme dans le reste de l’Europe, le roman a longtemps tardé à devenir le genre dominant.

On fait assez volontiers remonter l’histoire du roman suédois jusqu’à Anna-Maria Lenngren, un des écrivains les plus remarquables de l’époque gustavienne, auteur de nombreux petits romans ou contes en vers, à demi didactiques, à demi satiriques. Anna Lenngren a dit d’elle-même qu’elle « avait toujours vécu en solitaire, en visionnaire, sans quitter le coin de sa fenêtre », et qu’elle « s’était bornée à peindre le monde tel qu’elle l’apercevait de là. » Mais cette solitaire était une femme d’une intelligence supérieure ; et le « coin de sa fenêtre » se trouvait être le centre de réunion de tous les écrivains et beaux esprits du temps. Son mari, éditeur de la Poste de Stockholm, était un des principaux combattans des luttes littéraires et politiques de cette brillante période. Cette « visionnaire » voyait aussi très clairement les choses de ce monde, notamment les travers de la société de son époque. Elle était sévère surtout pour son sexe, malgré ses idées d’émancipation sociale, et le mariage lui-même lui paraissait avoir besoin de sérieuses réformes.

On peut encore, à la rigueur, classer parmi les romanciers Almquist, dont l’œuvre considérable — nouvelles, contes, drames, études d’histoire, d’esthétique, de philosophie — s’étend sur une période de plus de trente-cinq ans. Par la nature de son talent, l’originalité de ses idées, le radicalisme de ses tendances, Almquist occupe une place à part dans la littérature de son époque. Il y a comme une réminiscence de Rousseau dans la tournure de son esprit, ainsi que dans le fond de sa théorie sociale, qui prêche l’émancipation de l’individu vis-à-vis de la société. C’était un esprit en quelque sorte universel, mais mal équilibré, qui s’est essayé à tout, a semé dans tous les champs des trésors d’idées, et n’a laissé nulle part une empreinte bien nette. Ses nouvelles, ses paysanneries, d’une originalité bizarre et fantasque, mi-allégorie, mi-réalité, offrent comme une vision lointaine de ce que fera Ibsen cinquante ans plus tard.

Lindeberg, qui a aussi débuté comme romancier, s’est fait plutôt connaître par ses œuvres dramatiques et ses écrits politiques. Il fut mis en évidence surtout par les péripéties tragi-comiques d’un procès devenu légendaire. Accusé d’avoir, dans une de ses diatribes, attaqué la personne du roi Charles XIV (Bernadotte), il se vit, de par les dispositions d’une loi surannée, mais légalement en vigueur, condamné à mort pour crime de lèse-majesté et de haute trahison. La flagrante disproportion entre la nature du délit et la sévérité de la peine, causa en Suède une vive émotion, et le roi répondit au sentiment public en commuant la peine de mort en celle de huit mois de prison. Mais Lindeberg ne l’entendait pas ainsi. Il réclama l’application intégrale des lois en vigueur, ne voulant rien devoir à la clémence royale. Le ridicule de la situation suffit pour mettre les rieurs de son côté, et parmi ceux-ci le roi lui-même. On dut proclamer une amnistie générale pour tous les crimes politiques, afin de pouvoir faire sortir de prison le condamné embarrassant tout en satisfaisant à la loi. Inutile d’ajouter que la loi ainsi appliquée ne tarda pas à être modifiée.

Mais le roman, tel que nous l’entendons aujourd’hui, n’apparaît véritablement en Suède qu’avec la triade féminine de Fréderica Bremer, d’Emilie Carlén et de Sophie von Knorring.

Emilie Carlén raconte dans ses Mémoires qu’étant allée porter son premier ouvrage à Fréderica Bremer, alors en pleine possession de sa renommée, celle-ci lui demanda si elle avait lu Strauss, et comment elle traitait, dans ses œuvres, l’opposition de la foi et du libre examen. Emilie lui répondit qu’elle n’avait pas remarqué que les marins de la côte, ou les paysans du Smaland, fussent préoccupés de cette opposition, et qu’elle ne parlait dans ses œuvres que de ce qu’elle avait elle-même observé. Cette question et cette réponse résument bien les tendances respectives des deux romancières.

Dans son œuvre, qui est l’épopée de la vie domestique, Fréderica Bremer a mis un mélange très habile de finesse et de grâce, d’enjouement et de sensibilité. Profondément religieuse, mais troublée par ce léger scepticisme qui tourmentait la société de son temps, elle a traduit les inquiétudes de l’âme naïvement croyante devant les doutes qu’éveillaient les vulgarisations de certaines théories scientifiques. Elle répondait par-là à un besoin du moment. Ce trouble de l’âme qu’elle prête à ses personnages, ce malaise du doute inconscient demandant à être éclairé et craignant de l’être, tout cela trouvait un écho, en Suède, dans l’esprit d’une classe nombreuse jusque-là indifférente au branle-bas du scepticisme philosophique. Par ce côté le roman de Fréderica Bremer se rapprochait beaucoup du roman anglais et allemand de la même époque ; et c’est ce qui explique son grand succès en Allemagne et en Angleterre, où il devint aussi populaire qu’en Suède même. À ce sentiment religieux si simple et si sincère qu’elle faisait intervenir dans tous les détails de l’existence journalière, Fréderica Bremer joignait d’ailleurs un grand talent descriptif, attrayant par sa simplicité même.

Elle a raconté quelque part que son premier essai littéraire avait été une ballade à la Lune, écrite en français à l’âge de dix ans ; son second, une comédie enfantine, composée un an après, une grande comédie que ses frères et sœurs devaient jouer pour la fête de leur père, et dans laquelle, sous des allusions à des événemens domestiques, elle faisait discuter à ses petits personnages des problèmes religieux. C’était déjà là, en germe, l’esprit de ses romans, où la sentimentalité se mêle au bon sens le plus pratique et le goût des problèmes religieux à l’étude consciencieuse du menu détail de la vie quotidienne.

Les romans de la baronne Sophie von Knorring se meuvent dans des sphères plus hautes. Ce sont des « romans du grand monde. » On a même fait le reproche à Sophie von Knorring de s’occuper un peu trop exclusivement de ce monde, de ne choisir pour héros que des comtes et des barons vivant dans les cercles de la haute aristocratie. Et c’est sans doute pour répondre à cette accusation, qu’elle a écrit un roman, le Paysan, dont la scène se passe dans un milieu tout démocratique. Ce que l’on pourrait, à plus juste titre, lui reprocher, c’est de n’avoir pas assez pris ses personnages dans la vie réelle, mais de les avoir tous tirés, barons, bourgeois, paysans, du fond de son imagination.

De son temps et dans le monde qui était le sien, on disait de la baronne von Knorring qu’elle ne possédait pas moins de vingt-quatre talens de société. Je ne sais pas si celui d’écrire des romans était compris dans ce nombre. Elle avait près de quarante ans lorsqu’elle s’est mise à écrire, ce qui ne l’a pas empêchée de laisser un grand nombre de romans. Mais son œuvre a toujours un fâcheux caractère de dilettantisme ; on croirait entendre les improvisations d’une brillante virtuose mondaine. La littérature a bien été, pour Sophie von Knorring, un vingt-cinquième talent de société. Jamais ses personnages ne vivent de leur vie propre et ne donnent la sensation complète de la vie. Style correct, dialogue spirituel, situations bien amenées, intrigue finement nouée, tout cela est plein d’esprit, de bon goût, mais tout cela manque trop de vérité pour nous émouvoir bien à fond.

Voilà un reproche qu’on ne ferait guère à Emilie Carlén. Elle a vécu de la vie même de ceux dont elle nous conte les aventures, pêcheurs et marins, douaniers de la côte et commerçans des ports de mer, prêtres de campagne et bourgeois de province. Fille d’un capitaine au long cours retiré sur ses vieux jours dans la petite ville maritime de Strömstad, où il s’était établi comme marchand de comestibles, elle est née au milieu de ce monde, elle a grandi dans cette boutique, où les pêcheurs venaient échanger leur poisson contre les provisions d’hiver, où les patrons des navires, anciens camarades de son père, venaient se pourvoir pour les voyages, où tous ces travailleurs de la mer se donnaient rendez-vous, où battait le cœur de la petite ville, et d’où la vie rayonnait sur la côte et les îles avoisinantes.

Elle était le quatorzième enfant de ses parens, et l’on peut s’imaginer la vie folle et libre que menait cette bande de frères et sœurs dans les bois, sur la plage, en mer. Emilie, quoique la plus jeune, n’était pas la moins entreprenante. A douze ans déjà, elle faisait son premier voyage de marin, enrôlée à bord du Kulten, le voilier de son père, sur lequel, deux fois par an, celui-ci parcourait la côte pour visiter les cliens, porter les provisions aux pêcheries lointaines et en rapporter, en échange, les produits de la mer. La jeune fille s’y montra si hardie, si dégourdie, si experte, que ce fut elle qui, en d’autres occasions, prit le commandement du navire et visita les pêcheries à la place de son père. Elle adorait ces voyages. Elle s’était fait des amitiés très vives parmi ces vieux loups de mer, dont elle aimait à se faire raconter les aventures, et aussi parmi les femmes, qu’elle faisait jaser sur les moindres événemens de leur vie domestique. C’est ainsi qu’elle a connu intimement tout ce petit monde, qu’elle l’a étudié sur le vif ; et lorsque ensuite elle s’est mise à le décrire, toutes ces figures accouraient à son appel, vivantes, réelles, impérissables.

Plus tard, mariée au médecin de campagne Flygare, elle apprit à connaître les centres agricoles du Smäland. Elle recevait les cliens de son mari, lorsqu’il était absent, les faisait patienter jusqu’à son retour ; ou bien elle accompagnait son mari dans ses tournées à travers la campagne. C’est ainsi qu’elle a connu la vie des presbytères et des châteaux, lorsque son mari y était appelé par les devoirs de sa profession. Ils y restaient généralement plusieurs jours, et dans ces conditions il était facile de lier vite connaissance, d’entrer dans l’intimité de la famille.

Plus tard encore, devenue veuve, elle vint à Stockholm pour l’éducation de son fils ; et, bientôt après, son mariage avec le littérateur Carlén la fit entrer dans les cercles littéraires de la capitale. Elle fut l’âme des réunions qui se tenaient chez son éditeur, l’excellent Thomson, et du cénacle des Aganippes, fondé par Dahlgren, et où fraternisait en des agapes hebdomadaires toute la haute bohème d’alors. Tout ce qui touchait de près ou de loin aux lettres se rassemblait autour de la jeune romancière, dont la renommée grandissait sans cesse, et les coryphées de la littérature du temps, des hommes comme Almquist, Lindegren, Blanche, Crusenstolpe, Bidderstad, von Braun, Kiellman-Göranson, la regardaient comme l’Egérie de leur bande et venaient chez elle faire assaut d’esprit. Elle leur a survécu à tous. On n’a qu’à lire ses Souvenirs de la vie d’un écrivain, pour voir toutes ces figures revivre en pleine lumière. Emilie Carlén venait d’atteindre sa quatre-vingt-cinquième année lorsqu’elle mourut, en 1892. Son premier roman avait paru en 1838, son dernier en 1888. Durant ces cinquante ans de vie littéraire, elle a produit plus de quarante romans, sans parler de sa collaboration aux revues et au journal illustré qu’elle dirigea pendant longtemps de concert avec son mari.

Il y a donc toute une génération en Suède qui, à l’heure qu’il est, ne lit probablement plus guère de romans, mais qui a grandi dans l’admiration des romans d’Emilie Carlén. Ces romans ont exercé ainsi une influence considérable sur le mouvement littéraire suédois. Avec eux le roman a fait un pas de plus et un pas décisif vers l’observation directe de la vie. Il n’y a, en effet, presque aucun de ses romans, lesquels sont du reste de valeur très inégale, qui ne soit fondé sur des faits réels. C’est même le cas pour celui d’entre eux dont la donnée semble le plus invraisemblable, la Rose de Tistelö. Cette histoire de contrebandiers vivant sur une île de la côte, amenant par leurs signaux perfides le naufrage du navire garde-côte envoyé à leur poursuite, assassinant les officiers qui le commandaient, et, après plusieurs années d’impunité, dénoncés enfin à la justice par le radotage du plus jeune des meurtriers, un enfant devenu idiot à la suite des émotions de cette nuit terrible : tout cela était fondé sur un procès qui s’était déroulé à Strömstad et avait tenu en émoi pendant longtemps la petite ville natale d’Emilie Carlén.

Dans Jeux d’ombres et Un négociant du littoral, elle rappelle des événemens de famille et fait revivre des types bien connus dans le petit monde de Strömstad et de la côte occidentale de la Suède. L’épisode de Un an de mariage reposait sur des événemens arrivés dans un château aristocratique de Smäland où l’auteur avait été souvent reçue. D’après nature aussi, Une nuit à Bullersjö, qui souleva, au moment de son apparition, des critiques violentes, à cause de la peinture qu’y faisait Emilie Carlén de l’hypocrisie du monde piétiste. Après la mort de son premier mari, le docteur Flygare, la jeune veuve avait eu à souffrir d’incidens analogues à ceux qu’elle raconte dans ce livre. Restée sans ressources avec un enfant en bas âge, et entourée seulement d’étrangers, ce furent les difficultés de cette situation qui la poussèrent à écrire et lui apprirent à se servir de sa plume. Mais elle n’oublia jamais les déboires de ces premiers temps de veuvage, coïncidant avec ses débuts dans les lettres. Elle a, du reste, souvent dit de dures vérités à la société de son temps et en a fait des tableaux qui n’étaient pas toujours pour la flatter, quoique toujours sincères, et ne s’attaquant ni à la morale, ni au vrai sentiment religieux.

Avec Wetterberg, Strandberg, Sturzen-Becker, nous entrons dans la période des romanciers publicistes. Le journalisme commence déjà à accaparer le meilleur des forces littéraires. La chronique, les revues, les feuilletons, toutes les besognes de la presse quotidienne absorbent la plus grande part de la production des écrivains en renom, des romanciers tout comme des autres. C’est le moment aussi de l’anonymat littéraire, des noms de guerre mis en vogue par les mœurs du journalisme. Wetterberg n’est connu dans les lettres que comme l’Oncle Adam ; Strandberg, que comme Talis qualis, Sturzen-Becker, que comme Orvar-Odd. Sous le nom de Léa se cachait une femme de talent qui a aussi beaucoup écrit, Mme Wettergrund. Les romans des écrivains que nous venons de nommer marquèrent dans la littérature de leur époque, qui fut particulièrement riche en écrivains habiles ; mais aujourd’hui ces livres, vieux à peine de vingt à trente ans, nous font déjà l’effet de restes d’un autre siècle.

Cette période assez brillante fut suivie d’un moment d’arrêt, d’une suspension de la vie littéraire, à laquelle succéda, il est vrai, une renaissance éclatante de la poésie avec les Rydberg, les Snoïlsky, les Wirsén, qui ressuscitèrent les grandes traditions du passé. Avec eux nous abordons déjà les contemporains.

M. Victor Rydberg traite les problèmes de morale et de religion qui agitent notre époque, et le fait avec une élévation de vues, une profondeur de sentimens remarquables. C’est un statuaire de l’idée. Il la coule dans ses vers somme l’artiste coule en bronze les formes idéales qu’il a rêvées, leur donnant presque toujours une expression définitive. Ses romans sont plutôt des études d’esthétique sur les civilisations anciennes, des monographies sur les grandes phases de la pensée humaine à travers l’évolution des idées et des sentimens. Dans son Dernier Athénien, il évêque le monde hellénique vaincu et transformé par le christianisme : il montre dans l’Écumeur de la Baltique le christianisme aux prises avec le paganisme Scandinave, et, dans l’Armurier, la Réforme venant plonger dans de nouvelles luttes la chrétienté du Nord. De ces grandioses contrastes entre des civilisations opposées qui se disputent la suprématie, de ces chocs de mondes dont l’un vient remplacer l’autre qui s’en va, M. Rydberg a su tirer des effets saisissans. Mais, œuvres de poète et de philosophe, ces monumens magnifiques de la prose suédoise n’ont du roman que la forme[1].

Le comte Snoïlsky est le poète des sentimens généreux, des fiers enthousiasmes. De sa poésie se dégage un souffle à la fois patriotique et humanitaire. Dans ses vers si admirablement ciselés, les pensées élevées et nobles étincellent comme des gemmes. Son sentiment profond de la nature, empreint d’un certain sensualisme, et la réalité naturaliste de ses images contrastent avec le caractère spiritualiste de sa pensée. Ce contraste est même un des grands charmes de sa poésie, souvent très originale et toujours très distinguée.

M. C.-D. af Wirsén, lui, est le champion de l’idéalisme. Poète plein d’élégance et de noblesse, critique autorisé, il manie notre langue en digne secrétaire perpétuel de l’Académie suédoise.

A côté de ces poètes éminens, on peut citer encore, au premier rang des poètes suédois, deux souverains du pays. M. Imbert de Saint-Amand a consacré jadis ici même[2] aux œuvres poétiques de Charles XV une intéressante étude où nous nous contenterons de renvoyer le lecteur. En 1858, l’Académie de Stockholm accordait un second prix à un poème anonyme : Souvenirs de la marine suédoise. L’étonnement fut grand lorsque, à l’ouverture publique du pli cacheté qui accompagnait le manuscrit couronné, on s’aperçut que l’auteur était le jeune duc d’Ostrogothie, le deuxième fils du roi Oscar Ier, le roi actuel Oscar II. Le jeune poète d’alors a réalisé depuis, sous le nom d’Oscar-Frédéric, les promesses contenues dans ce premier essai ; ses œuvres complètes ont été publiées dans deux éditions différentes.

Parmi ces diverses manifestations de l’activité littéraire, le roman seul semblait, à l’époque dont nous parlons, subir un arrêt complet. Hedberg, Jolin, écrivaient pour le théâtre ; Eichorn, Flodman, Gœdecke, Sohlman, Beckström, remplissaient les journaux de brillans articles ; mais aucun d’eux ne parvenait à donner une impulsion nouvelle à la littérature d’imagination.

L’idée du scandinavisme, d’une union plus intime entre les trois peuples Scandinaves, après avoir soulevé tant d’enthousiasme et inspiré tant de dithyrambes, avait péri misérablement dans la guerre du Danemark, que la Suède n’avait pas pu aider dans sa lutte héroïque contre la Prusse et l’Autriche. Le mouvement libéral qui avait eu un roi pour instigateur et ses ministres pour chefs avait abouti à la réforme constitutionnelle, qui avait entièrement changé le système représentatif de la Suède, en remplaçant par deux Chambres électives la représentation par états. Les aspirations du libéralisme se trouvaient ainsi momentanément satisfaites, et c’était encore tout un courant d’idées qui s’arrêtait.

Survint alors la guerre franco-allemande, qui occupa tous les esprits. Quand ce fut fini, et que la tension des esprits put se calmer, le rayonnement littéraire de la France et de l’Allemagne resta quelque temps interrompu.

Alors s’élevèrent du côté de la Norvège des voix inattendues. Ibsen, Biörnson, Lie prêchaient une nouvelle doctrine, enseignant qu’il fallait considérer autrement qu’on ne le faisait la vie et les choses de la vie, l’âme et les choses de l’âme. Ces voix trouvèrent en Suède, comme en Danemark, un immense écho. En même temps, les théories de Darwin, de Stuart Mill, de Spencer et de Taine s’infiltraient dans tous les esprits, où les rejoignaient bientôt les doctrines plus négatives encore de Schopenhauer et de Nietzsche. Et chaque œuvre nouvelle d’Ibsen, de Biörnstierne Biörnson, de Jonas Lie, accentuait ces idées, suscitait un redoublement de passion.

Enfin de toute cette effervescence naquit une nouvelle école, avec de nouvelles tendances et des procédés nouveaux. Car, avec l’enthousiasme des néophytes et le penchant pour les extrêmes qu’ils tenaient de leur race, tous ces jeunes auteurs, qui accaparaient maintenant le mouvement littéraire, érigeaient d’emblée leurs théories en doctrines, allaient du positivisme à la négation absolue et à la fureur iconoclaste, et poussaient leur ardeur de réforme sociale jusqu’à vouloir l’anéantissement de toute contrainte morale. Partout et toujours ils opposaient l’individu à la société, la nature à la religion. Il n’y avait pas un principe si consacré qu’ils ne remissent en question.

Avec leurs exagérations et leurs paradoxes, ils ont eu cependant, en fin de compte, un grand mérite : tous ils ont reconnu et toujours affirmé la nécessité de s’attacher strictement à l’observation directe de la vie réelle. Cela ne veut pas dire que toute idéalité soit absolument exclue de leur œuvre. Au contraire, elle prend, dans ces dernières années, une place de plus en plus considérable, au point qu’on peut désormais parler, sans trop d’invraisemblance, d’un prochain retour de l’idéalisme. En Suède, comme ailleurs, une réaction s’annonce ; réaction dont les instigateurs cherchent encore leur voie, tâtonnent de tous côtés, s’essaient dans tous les genres : études psychologiques, allégories, fantaisies symbolistes ; mais déjà ils ne se contentent plus des faits physiologiques, non plus que du procédé qui ramenait tout aux sens et aux instincts naturels.

Ainsi, sous cette impulsion venue de Norvège, le roman suédois a pris un nouvel essor. Il a ressuscité avec le naturalisme de M. Strindberg, le réalisme matérialiste de Mme Anne-Charlotte Leffler, de M. Gustave af Geijerstam, la psychologie de M. Oscar Levertin, l’allégorie et le symbolisme de M. Verner von Heidenstam. Ces écrivains de genres si différens se rattachent tous à la jeune école par la tendance sceptique et antichrétienne qui leur est venue de la Norvège : caractère d’autant plus frappant chez eux qu’il se manifeste dans un pays où le peuple est encore très religieux, et conserve beaucoup de la foi simple et rude de ses pères. Mais on l’a dit, et cette vérité se trouve être aussi vraie en Suède qu’ailleurs, il n’y a plus aujourd’hui d’écoles ni de systèmes en littérature, il n’y a que des individualités. Ce sont ces individualités, les représentais les plus originaux de la littérature suédoise contemporaine, que je vais essayer de présenter au lecteur français.


O. -G. DE HEIDENSTAM.

  1. M. Victor Rydberg était encore à Stockholm au mois de septembre dernier. Sa mort a été considérée, dans toute la Suède, comme un sujet de deuil national. C’est dire la place qu’il s’était faite dans la littérature de son pays, la popularité de ses écrits.
  2. Voyez la Revue du 15 mai 1864.