Le Roman russe/Chapitre 6

Plon (p. 279-348).

CHAPITRE VI
LE NIHILISME ET LE MYSTICISME. — TOLSTOÏ.


Nous avons vu le roman de mœurs naître en Russie avec Tourguénef ; nous l’avons vu se porter du premier coup, et comme par une pente naturelle de l’esprit national, vers l’observation psychologique des types généraux ; peut-être serait-il plus juste de dire la contemplation, pour bien marquer la sérénité qui tempérait chez ce grand artiste la curiosité morale. Dostoïevsky nous a montré un génie tout contraire, inculte et subtil, échauffé par la pitié, torturé par les visions tragiques, avec une préoccupation maladive des types d’exception. Le premier de ces écrivains reste toujours en coquetterie avec les doctrines libérales ; le second est un slavophile intransigeant.

Tolstoï[1] nous garde d’autres surprises. Plus jeune que ses prédécesseurs d’une dizaine d’années, il n’a guère subi les influences de 1848. Libre de toute attache d’école, indifférent aux partis politiques qu’il dédaigne, ce gentilhomme solitaire et méditatif ne relève d’aucun maître ni d’aucun groupe ; il est lui-même un phénomène spontané. Son premier grand roman est contemporain de Pères et fils ; mais entre les deux romanciers il y a un abîme. L’un se réclamait encore des traditions du passé et de la maîtrise européenne, il rapportait chez lui l’instrument de précision qu’il tenait de nous ; l’autre a rompu avec le passé, avec la servitude étrangère ; c’est la Russie nouvelle, précipitée dans les ténèbres à la recherche de ses voies, rétive aux avertissements de notre goût, et souvent incompréhensible pour nous. Ne lui demandez pas de se borner, ce dont elle est le moins capable, de concentrer son application sur un point, de subordonner sa conception de la vie à une doctrine ; elle veut des représentations littéraires qui soient l’image du chaos moral où elle souffre : Tolstoï arrive pour les lui donner. Avant tout autre, plus que tout autre, il est à la fois le traducteur et le propagateur de cet état de l’âme russe qu’on a appelé nihilisme.

Chercher dans quelle mesure il l’a traduit, dans quelle mesure il l’a propagé, ce serait tourner dans le vieux cercle sans issue. L’écrivain remplit la double fonction du miroir, qui réfléchit la lumière et la renvoie décuplée d’intensité, brûlante, communiquant le feu. Dans la confession religieuse qu’il vient d’écrire, le romancier, devenu théologien, nous donne en cinq lignes toute l’histoire de son âme : « J’ai vécu dans ce monde cinquante-cinq ans ; à l’exception des quatorze ou quinze années de l’enfance, j’ai vécu trente-cinq ans nihiliste, au sens propre du mot : non pas socialiste et révolutionnaire, suivant le sens détourné que l’usage a donné au mot ; mais nihiliste, c’est-à-dire vide de toute foi. »

Nous n’avions pas besoin de cet aveu tardif ; toute l’œuvre de l’homme le criait, bien que le mot redoutable n’y soit pas prononcé une seule fois. Des critiques ont appelé Tourguénef le père du nihilisme, parce qu’il avait dit le nom de la maladie et en avait décrit quelques cas ; autant vaudrait affirmer que le choléra est importé par le premier médecin qui en donne le diagnostic, et non par le premier cholérique atteint du fléau. Tourguénef a discerné le mal et l’a étudié objectivement ; Tolstoï en a souffert depuis le premier jour, sans avoir d’abord une conscience bien nette de son état ; son âme envahie crie à chaque page de ses livres l’angoisse qui pèse sur tant d’âmes de sa race. Si les livres les plus intéressants sont ceux qui traduisent fidèlement l’existence d’une fraction de l’humanité à un moment donné de l’histoire, notre siècle n’a rien produit de plus intéressant que l’œuvre de Tolstoï. Il n’a rien produit de plus remarquable sous le rapport des qualités littéraires. Je n’hésite pas à dire toute ma pensée, à dire que cet écrivain, quand il veut bien n’être que romancier, est un maître des plus grands, de ceux qui porteront témoignage pour le siècle.

Est-ce qu’on dit ces énormités d’un contemporain qui n’est même pas mort, qu’on peut voir tous les jours avec sa redingote, sa barbe, qui dîne, lit le journal, reçoit de l’argent de son libraire et le place en rentes, qui fait, en un mot, toutes les choses bêtes de la vie ? Comment parler de grandeur avant que la dernière pincée de cendres soit pourrie, avant que le nom se soit transfiguré dans le respect accumulé des générations ? Tant pis, je le vois si grand qu’il m’apparaît comme un mort ; je souscris volontiers à cette exclamation de Flaubert parcourant la traduction que Tourguénef venait de lui remettre, et criant de sa voix tonnante, avec des trépignements : « Mais c’est du Shakspeare, cela, c’est du Shakspeare ! »

Par une singulière et fréquente contradiction, cet esprit troublé, flottant, qui baigne dans les brumes du nihilisme, est doué d’une lucidité et d’une pénétration sans pareilles pour l’étude scientifique des phénomènes de la vie. Il a la vue nette, prompte, analytique, de tout ce qui est sur terre, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’homme ; les réalités sensibles d’abord, puis le jeu des passions, les plus fugitifs mobiles des actions, les plus légers malaises de la conscience. On dirait l’esprit d’un chimiste anglais dans l’âme d’un bouddhiste hindou ; se charge qui pourra d’expliquer cet étrange accouplement : celui qui y parviendra expliquera toute la Russie. Tolstoï se promène dans la société humaine avec une simplicité, un naturel, qui semblent interdits aux écrivains de notre pays ; il regarde, il écoute, il grave l’image et fixe l’écho de ce qu’il a vu et entendu ; c’est pour jamais, et d’une justesse qui force notre applaudissement. Non content de rassembler les traits épars de la physionomie sociale, il les décompose jusque dans leurs derniers éléments avec je ne sais quel acharnement subtil ; toujours préoccupé de savoir comment et pourquoi un acte est produit, derrière l’acte visible il poursuit la pensée initiale, il ne la lâche plus qu’il ne l’ait mise à nu, retirée du cœur avec ses racines secrètes et déliées.

Par malheur, sa curiosité ne s’arrête pas là ; ces phénomènes qui lui offrent un terrain si sûr quand il les étudie isolés, il en veut connaître les rapports généraux, il veut remonter aux lois qui gouvernent ces rapports, aux causes inaccessibles. Alors, ce regard si clair s’obscurcit, l’intrépide explorateur perd pied, il tombe dans l’abîme des contradictions philosophiques ; en lui, autour de lui, il ne sent que le néant et la nuit ; pour combler ce néant, pour illuminer cette nuit, les personnages qu’il fait parler proposent les pauvres explications de la métaphysique ; et soudain, irrités de ces sottises d’école, ils se dérobent eux-mêmes à leurs explications.

À mesure qu’il avance dans son œuvre et dans la vie, de plus en plus branlant dans le doute universel, Tolstoï prodigue sa froide ironie aux enfants de son imagination qui font effort pour croire, pour appliquer un système suivi ; sous cette froideur apparente, on surprend le sanglot du cœur, affamé d’objets éternels. Enfin, las de douter, las de chercher, convaincu que tous les calculs de la raison n’aboutissent qu’à une faillite honteuse, fasciné par le mysticisme qui guettait depuis longtemps son âme inquiète, le nihiliste vient brusquement s’abattre aux pieds d’un Dieu, de quel Dieu, nous le verrons tout à l’heure. Je devrai parler en terminant ce chapitre de la phase singulière où est entrée la pensée de l’écrivain ; j’espère le faire avec toute la réserve due à un vivant, avec tout le respect dû à une conviction sincère. Je ne sais rien de plus curieux que les dépositions actuelles de M. Tolstoï sur le fond de son âme ; c’est toute la crise que traverse aujourd’hui la conscience russe, vue en raccourci, en pleine lumière, sur les hauteurs. Ce penseur est le type achevé, le grave influent d’une multitude d’intelligences ; il essaye de dire ce que ces intelligences ressentent confusément.


I


Né en 1828, le comte Léon Nikolaïévitch a aujourd’hui cinquante-six ans. Sa vie extérieure n’offre aucun aliment à l’intérêt romanesque ; elle a été celle de presque tous les gentilshommes russes ; à la campagne, dans la maison paternelle, puis à l’Université de Kazan, il reçut cette éducation des maîtres étrangers qui donne aux classes cultivées leur tour d’esprit cosmopolite. Entré au service militaire, il passa quelques années au Caucase, dans un régiment d’artillerie ; transféré sur sa demande à Sébastopol, quand éclata la guerre de Crimée, il soutint le siège mémorable ; il en a retracé la physionomie dans trois récits saisissants : Sébastopol en décembre, en mai, en août. Démissionnaire à la paix, le comte Tolstoï voyagea, vécut à Saint-Pétersbourg et à Moscou dans son milieu naturel ; il vit la société et la Cour comme il avait vu la guerre, de cet œil attentif, implacable, qui retient la forme et le fond des choses, arrache les masques, perce les cœurs. Après quelques hivers de vie mondaine, il quitta la capitale, en partie, dit-on, pour échapper aux périls des coteries littéraires qui voulaient l’enrôler. Vers 1860, il se maria et se retira dans son bien patrimonial, près de Toula ; il n’en est guère sorti depuis vingt-cinq ans. Toute l’histoire de cette vie n’est que l’histoire d’une pensée travaillant sans relâche sur elle-même : nous la voyons naître, définir sa nature et confesser ses premières angoisses, dans l’autobiographie à peine déguisée que l’écrivain a intitulée : Enfance, adolescence, jeunesse ; nous en suivons l’évolution dans ses deux grands romans, Guerre et paix, Anna Karénine ; elle aboutit enfin, comme on pouvait le prévoir, aux écrits théologiques et moraux qui absorbent depuis quelques années toute l’activité intellectuelle du romancier.

Si je ne me trompe, la première composition de l’écrivain, alors officier au Caucase, dut être la nouvelle ou plutôt le fragment de roman publié plus tard sous ce titre : les Cosaques. C’est la moins systématique de ses œuvres ; c’est peut-être celle qui trahit le mieux l’originalité précoce de son esprit, le don de voir et de peindre la seule vérité. Les Cosaques marquent une date littéraire : la rupture définitive de la poétique russe avec le byronisme et le romantisme, au cœur même de la citadelle où s’étaient retranchées depuis trente ans ces puissances. L’obsession de Byron sur les romantiques était si forte, que leurs yeux prévenus voyaient l’Orient, où ils vivaient, à travers la fantaisie du poëte. Nous avons vu débuter au Caucase Pouchkine, Griboïédof, Lermontof ; mais dans le Prisonnier du Caucase comme dans le Démon, la leçon apprise transfigure les paysages et les hommes, les sauvages Lesghiennes sont de touchantes héroïnes, sœurs d’Haidée et de la fiancée d’Abydos.

Sollicité comme tant d’autres vers la montagne d’aimant, Tolstoï, — c’est-à-dire Olénine, le héros des Cosaques (je crois bien que c’est tout un), — part de Moscou une belle nuit, après un souper d’adieu avec les camarades de sa jeunesse. Rongé par le mal du civilisé, « cet éternel ennui qui a passé dans le sang, qui s’est transmis de générations en générations », Olénine jette derrière lui ses pensées habituelles comme un vieux vêtement ; la troïka l’emporte vers l’inconnu, il rêve l’apaisement de la vie primitive, de nouvelles sensations, de nouvelles amours. C’est encore la note byronienne ; Lermontof aurait pu écrire ce prologue ; mais attendez ! Voici notre voyageur installé dans un des petits postes cosaques perdus en grand’gardes sur le fleuve Térek ; il a adopté l’existence de ses nouveaux amis, il partage leurs expéditions et leurs chasses ; un vieux montagnard, qui rappelle d’assez près le Bas-de-Cuir de Fenimore Cooper, s’est chargé de son éducation. Naturellement, Olénine s’éprend de la belle Marianne, la fille de ses hôtes. Comment Tolstoï va-t-il rajeunir cet Orient usé à force d’avoir servi ? D’une façon bien simple : en lui rendant sa vraie et naturelle figure.

Aux visions lyriques de ses aînés il substitue la vue philosophique des âmes et des choses. Dès son premier contact avec les Asiatiques, l’observateur a compris combien il est puéril de prêter à ces êtres instinctifs nos raffinements de pensée et de sentiment, notre mise en scène théâtrale de la passion. L’intérêt dramatique de son roman, il le placera dans le malentendu fatal entre le cœur du civilisé et le cœur de la créature sauvage, dans l’impossibilité de fondre en une communion d’amour ces deux âmes de qualité différente. Olénine a beau vouloir simplifier ses sentiments, on ne change pas sa nature parce qu’on met un bonnet circassien, on ne redevient pas primitif ; son amour ne se sépare pas de toutes les complications intellectuelles que notre éducation littéraire prête à cette passion. — « Ce qu’il y a de terrible et de doux dans ma condition, c’est que je sens que je la comprends, Marianne, et qu’elle ne me comprendra jamais. Elle ne me comprendra pas, non qu’elle me soit inférieure, au contraire ; elle ne doit pas me comprendre. Elle est heureuse ; elle est comme la nature : égale, tranquille, toute en soi. » — La figure de cette petite Asiatique, mystérieuse et farouche comme une jeune louve, est dessinée avec un relief extraordinaire ; j’en appelle à tous ceux qui ont pratiqué l’Orient et constaté la fausseté des types orientaux fabriqués par la littérature européenne ; ceux-là retrouveront dans les Cosaques l’évocation surprenante de cet autre monde moral.

Si Tolstoï a pu nous rendre ce monde visible, c’est qu’il nous le montre baignant dans la nature qui l’explique ; la légère idylle sert de prétexte à d’exactes et magnifiques descriptions du Caucase ; la steppe, la forêt, la montagne vivent comme leurs habitants ; leurs grandes voix couvrent et appuient les voix humaines, comme l’orchestre dirige la partie de chant dans un chœur. Plus tard, l’écrivain, acharné à fouiller les âmes, ne retrouvera jamais au même degré ce profond sentiment de la nature, ce débordement du panthéisme qui fait dire à Olénine : « Mon bonheur, c’est d’être avec la nature, de la voir, de lui parler. »

Panthéisme et pessimisme, telles paraissent être au début les deux tendances maîtresses entre lesquelles oscille l’esprit de Tolstoï. Trois Morts, le fragment dont j’ai donné ailleurs une traduction, nous offre le résumé de cette philosophie : le plus heureux, le meilleur, est celui qui pense le moins, qui meurt le plus simplement ; à ce titre, le paysan vaut mieux que le seigneur, l’arbre vaut mieux que le paysan, et la mort d’un chêne est pour la création une plus grande tristesse que la mort d’une vieille princesse. C’est le mot de Rousseau élargi : l’homme qui pense n’est pas seulement un animal dépravé, il est une plante enlaidie. Mais le panthéisme, c’est encore une tentative d’explication rationnelle du monde : le nihilisme va bientôt en faire justice. Le monstre a déjà dévoré tout l’intérieur de cette âme, sans qu’elle-même en ait bien conscience.

Il est facile de s’en convaincre en lisant les notes intimes, rédigées entre 1851 et 1857, et réunies sous ce titre : Enfance, adolescence, jeunesse. C’est le journal de l’éveil d’une intelligence à la vie ; il nous livre tout le secret de la formation morale de Tolstoï. L’auteur essaye sur sa propre conscience cette analyse pénétrante, inexorable, qu’il promènera plus tard dans la société ; il se fait la main sur lui-même avant de la porter sur les autres. Curieux livre, long, insignifiant parfois ; Dickens est rapide à côté de l’écrivain russe; en nous racontant le plus ordinaire des voyages de la campagne à Moscou, Tolstoï compte les tours de roue, ne nous fait pas grâce d’un passant, d’un poteau kilométrique. Mais cette observation maladive, fastidieuse quand elle s’attache aux menus faits, devient un instrument merveilleux quand elle s’applique à l’âme et s’appelle psychologie. Ce sont des projections de lumière sur le for intérieur, sans aucune faiblesse pour l’amour-propre ; l’homme se voit et se peint laid, avec toutes ses sottes vanités, ses ingratitudes, ses méfiances d’enfant morose ; nous retrouverons plus tard cet enfant dans les principaux personnages des grands romans, et sa nature n’aura pas changé. — Je veux citer deux passages qui nous montrent le nihilisme à sa source, dans un cerveau de seize ans :

« De toutes les doctrines philosophiques, celle qui me séduisait le plus était le scepticisme ; pendant un temps, il me conduisit à un état voisin de la folie. Je me figurais qu’en dehors de moi il n’existait rien ni personne dans le monde, que les objets n’étaient pas des objets, mais de vaines apparences, évoquées par moi durant le moment où je leur prêtais attention, évanouies quand je cessais d’y penser... Il y avait des minutes où, sous l’influence de cette idée obsédante, j’arrivais à un tel degré d’égarement, que je me retournais brusquement et regardais derrière moi, dans l’espoir d’apercevoir le néant là où je n’étais pas. — Mon faible esprit ne pouvant pénétrer l’impénétrable, perdait l’une après l’autre, dans ce travail accablant, des certitudes auxquelles je n’eusse jamais dû toucher pour le bonheur de ma vie. De toute cette fatigue intellectuelle je ne recueillais rien, rien qu’une agilité d’esprit qui affaiblissait en moi la force de la volonté, et une habitude d’incessante analyse morale qui ôtait toute fraîcheur à mes sensations, toute netteté à mes jugements... »

Ceci pourrait être à la rigueur un cri parti d’Allemagne, de quelque disciple de Schelling ; Amiel ne s’exprime pas autrement. Mais écoutez ce qui suit : c’est bien un Russe qui parle, et pour tous ses frères :

« Quand je me souviens de mon adolescence et de l’état d’esprit où je me trouvais alors, je comprends très-bien les crimes les plus atroces, commis sans but, sans désir de nuire, comme cela, par curiosité, par besoin inconscient d’action. Il y a des minutes où l’avenir se présente à l’homme sous des couleurs si sombres, que l’esprit craint d’arrêter son regard sur cet avenir, qu’il suspend totalement en lui-même l’exercice de la raison et s’efforce de se persuader qu’il n’y aura pas d’avenir et qu’il n’y a pas eu de passé. En de pareilles minutes, quand la pensée ne contrôle plus chaque impulsion de la volonté, quand les instincts matériels demeurent les uniques ressorts de la vie, — je comprends l’enfant inexpérimenté qui, sans hésitation, sans peur, avec un sourire de curiosité, allume et souffle le feu sous sa propre maison, où dorment ses frères, son père, sa mère, tous ceux qu’il aime tendrement. — Sous l’influence de cette éclipse temporaire de la pensée, — je dirais presque de cette distraction, — un jeune paysan de dix-sept ans contemple le tranchant fraîchement aiguisé d’une hache, sous le banc où dort son vieux père : soudain il brandit la hache et regarde avec une curiosité hébétée comment le sang coule sous le banc de la tête fendue. Dans ce même état, un homme trouve quelque jouissance à se pencher sur le bord d’un précipice, et à penser : Si je me jetais la tête la première? ou à appuyer sur son front un pistolet chargé et à penser : Si je pressais la détente ? ou à dévisager quelque personnage considérable, entouré du respect de tous, et à penser : Si j’allais à lui et que je le prisse par le nez en lui disant : — Eh ! mon bon, viens-tu ? »

Pur enfantillage, dira-t-on. Oui, dans nos cerveaux Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/351 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/352 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/353 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/354 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/355 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/356 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/357 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/358 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/359 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/360 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/361 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/362 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/363 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/364 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/365 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/366 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/367 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/368 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/369 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/370 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/371 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/372 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/373 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/374 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/375 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/376 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/377 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/378 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/379 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/380 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/381 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/382 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/383 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/384 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/385 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/386 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/387 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/388 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/389 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/390 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/391 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/392 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/393 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/394 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/395 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/396 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/397 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/398 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/399 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/400 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/401 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/402 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/403 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/404 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/405 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/406 Page:Vogüé - Le Roman russe.djvu/407

  1. Œuvres compètes, 11 vol. in-8o, édit. des frères Salaief, Moscou. 1880.