Le Roman et le théâtre
Pour distinguer à toutes les époques les tentatives vraiment sérieuses des essais de mauvais goût et des productions mercantiles qui cherchent à les étouffer, il est un signe infaillible, la simplicité. L’effet certain de cette pierre de touche s’explique par une vérité commune à tous les arts : le simple est la première condition de l’idéal. On prétendrait à tort faire exception à cette règle en se prévalant de la grandeur et de l’importance de son sujet ; c’est justement dans les pensées et dans les faits qui s’élèvent le plus au-dessus de la réalité que la simplicité de l’expression produit, par son rapport direct avec l’idée, l’effet le plus harmonieux et le moins contestable. Les classiques de tous les temps et de tous les pays, Homère, Shakspeare, Corneille, Goethe, tous ces grands applicateurs de la forme à l’idée, ne sont jamais plus grands que lorsqu’ils sont plus simples.
Chercher la simplicité, ce n’est donc pas seulement faire preuve de goût et de justesse d’esprit, c’est démontrer que les qualités dont on est doué sont des qualités permanentes, si je puis m’exprimer ainsi, et qui font bien réellement partie de notre être. La simplicité, c’est la force, comme l’exagération, c’est la faiblesse. Parmi les sujets naturellement simples, les premiers sans contredit sont ceux que fournissent l’observation de la nature elle-même et l’étude des faits qui, par leur manifestation naïve et spontanée, se séparent le plus des choses de convention, et paraissent se rattacher autant que possible, même pour l’homme, aux mouvemens instinctifs de l’être dégagé par ses habitudes de tout calcul et de toute feinte. Ce privilège semble être acquis dans notre société à cette classe qui touche directement à la terre par sa naissance, ses besoins, son travail, son amour, en un mot, par sa vie tout entière, — le paysan. Le XIXe siècle doit à Rousseau, quoique sous l’influence d’un faux principe, de s’être adonné sérieusement à l’étude difficile de faits qui trompent d’abord par une absence apparente de toute complication. La nature n’a jamais été comprise et reproduite, sinon avec plus de bonheur, du moins avec plus de soin et de bon vouloir que de nos jours. Ajoutons qu’elle forme comme une espèce de gangue qu’on ne saurait épuiser. C’est à nous maintenant d’examiner si les nouvelles œuvres qui s’en inspirent remplissent les conditions de composition et de style nécessaires même à la simplicité.
Le Martyr des Chaumelles[1] est une histoire puisée, l’auteur nous en avertit d’abord, dans la pure réalité. « J’ai voulu, dit-il, raconter simplement et naïvement ce que j’ai vu. » Ce qu’a vu M. Louis Goudall, ce qu’il étudie avec le plus de complaisance, c’est moins l’état naturel et absolu du paysan que sa condition sociale et civile. Un vieux laboureur en mariant sa fille lui a laissé, ainsi qu’à son gendre, la jouissance complète de tous ses biens. C’est un usage presque général à la campagne, que le père infirme et incapable de travailler abandonne à ses enfans ses titres de propriété. Sur cette simple exposition, le reste se devine trop vite pour l’intérêt du roman. On voit dès les premières pages que le père Ambroise, ne pouvant se défendre contre les méchancetés de son gendre et de sa fille, n’osant, par amour paternel, formuler des plaintes qui les compromettraient gravement, subit presque sans murmurer les mauvais traitemens dont on l’accable, et se laisse, dans un coin de la ferme, abandonné sur un mauvais grabat, mourir de douleur et presque de faim. De tels faits, surtout considérés dans le roman, portent avec soi une éloquence qui n’a pas besoin de commentaires, ni surtout de considérations empruntées au Corpus juris civilis. Le roman peut être écrit au service de certaines idées, mais il ne peut devenir un plaidoyer direct. Tel n’est pas l’avis de M. Goudall, qui cherche comment la loi pourrait a remédier à ces immolations aveugles du sentiment paternel et aviser aux moyens d’en prévenir les effroyables effets. » Il cite même l’article du code civil qui établit que les donations en faveur du mariage ne sont pas révocables pour cause d’ingratitude, et il essaie de le modifier à sa manière. Tout en rendant justice à d’aussi bonnes intentions, il faut avouer que ces préoccupations appartiennent plus au philanthrope et au juriste qu’au romancier. Nous insistons à dessein sur ce qui, à notre avis, constitue le défaut saillant du livre, parce que de pareilles digressions nous semblent à la fois, au point de vue purement littéraire, fausses et dangereuses. L’étude des transformations morales, voilà le domaine de l’écrivain, voilà le terrain qu’il ne peut abandonner sans amoindrir ses droits, sans empiéter en même temps sur ce qui ne lui appartient plus, sur ce qui est réservé à l’économiste et au moraliste pratique. M. Goudall nous semble, dans le Martyr des Chaumelles, s’être trop préoccupé des procédés d’un romancier qui l’a précédé dans un sujet analogue, Honoré de Balzac. Il a voulu joindre en même temps aux sombres et dramatiques épisodes qui l’ont séduit les délicates, douces et parfois trop indulgentes inspirations d’un autre écrivain qui a déployé peut-être dans la peinture de la vie des champs les plus remarquables combinaisons de son talent d’artiste et de sa nature féminine. Qu’est-il résulté de ce mélange.où l’auteur n’a pas médiocrement perdu de sa personnalité ? Un drame qui, malgré d’appréciables qualités de chaleur et d’intérêt, manque souverainement d’unité, et se rompt çà et là pour laisser place aux scènes d’un double amour, l’un naïf et tendre, l’autre presque furieux, mais tous deux assez faux dans leur expression. Lucette, l’ange de la maison, a des sentimens, je ne dirai pas trop élevés, mais trop subtils. Pour Mélie, M. Goudall la fait se tordre et se rouler, « comme une panthère lascive, » aux genoux d’un paysan ; on peut juger de la vérité de ce caractère, et surtout des procédés familiers à l’auteur.
M. Eugène Muller, dans la Mionette[2], se rapproche davantage de Mme Sand. C’est une simple histoire, simplement racontée, et qui témoigne de sérieux efforts. La Mionette est une enfant dont la famille, — on les appelle les Vipériaux, — mène une existence assez aventureuse, « Leur profession proprement dite était d’être pauvres. » La Mionette est née dans ce nid de vipères, et, malgré les aventures que peuvent lui attirer sa jeunesse, sa beauté, sa vie vagabonde et surtout les mauvais exemples de sa famille (n’a-t-elle pas sa sœur, une sorte de Pulchérie villageoise, qui vient un beau jour au village étaler le luxe de l’amour vénal ?), la Mionette, dis-je, reste pure, soutenue qu’elle est par un amour qui la possède sans qu’elle se livre à lui. L’histoire de cet amour naïf et chaste, partagé de la même façon par un jeune laboureur qui n’ose lever les yeux sur la Mionette que lorsqu’il la rencontre hors du village, laisse une impression fraîche et pénétrante. C’est même l’unique soutien de ce roman, qui, pour une pastorale, est rempli d’épisodes assez peu naturels, où le défaut de la composition est évident. L’auteur est obligé par exemple de faire mourir, pour les besoins de son dénoûment, cinq ou six personnes qui ne demanderaient qu’à se bien porter. Après quelques péripéties un peu forcées, et que l’auteur aurait dû éviter, cette histoire se termine comme tous les contes de la veillée, quand par hasard les revenans ne sont pas de la partie : ils furent heureux, et… tout s’arrête là ; le bonheur ne se raconte pas. Le principal défaut de cette petite Mionette, c’est d’être trop ingénue : il y a de ces choses que connaissent et que comprennent toutes les filles, surtout celles qui sont élevées chez les Vipériaux. Cette atmosphère trop délicate pour ne pas être troublée par le moindre souffle tient à l’amour particulier que portent certains auteurs à leurs héroïnes rustiques. Mme Sand a donné l’exemple de cette prédilection jalouse, et nécessairement ses imitateurs ont exagéré cette tendance ; ils font leurs Fadettes toutes semblables à ces bergères que jadis épousaient les rois, et qui ne devaient certes mériter cet excès d’honneur que par un excès de vertu. Cependant il est un point plus important sur lequel la critique doit interroger M. Muller : comment se fait-il que dans cette histoire de village, qui se passe aux champs depuis six heures du matin jusqu’à minuit, on ne rencontre pas un seul paysage ? A quoi tient l’absence de ce cadre nécessaire à tout roman pastoral ? L’auteur nous répondra peut-être que dans sa préface, un peu trop intime d’ailleurs, il a eu soin d’exposer la scène et de dessiner les décors. En tout cas, c’est un droit qu’il faut savoir refuser à l’écrivain de séparer ainsi de son œuvre ce qui en fait partie intégrante ; c’est oublier, spécialement dans la question qui nous occupe, que le paysage n’a pas de forme absolue, et que les mêmes endroits se décrivent différemment, suivant les personnages et les circonstances. L’auteur s’est dérobé par cette abstention à une grande difficulté, et de plus il a privé son lecteur d’un plaisir qu’il s’attend ordinairement à goûter dans les ouvrages de cette nature. Que dire maintenant du style, ce passeport obligé de toute œuvre littéraire ? Il faut reconnaître que, malgré les qualités qui tiennent au fond du roman, la Mionette est presque entièrement dépourvue des qualités nécessaires de la forme. Pourquoi M. Muller laisse-t-il dans son petit livre des expressions comme celles-ci : Demain nous verrons d’agir, ou je vous garantis d’avoir son adresse… A chaque page, on trouve des je préfère que,… dans le but de… Que M. Muller ne nous dise pas qu’il fait parler des paysans ; cela n’est ni du français, ni du patois, c’est du jargon tout pur, et d’ailleurs pourquoi s’exposer à laisser croire que la recherche du patois couvre l’ignorance, sinon l’oubli, de la langue française ? — A côté de ce livre, nous pouvons en placer un autre qui présente à peu près les mêmes qualités, mais relevées par un élément qui devient de jour en jour plus rare, le romanesque : ce sont les Scènes de la vie contemporaine, par M. Alfred de Bréhat[3]. Des paysages bretons, des situations finement esquissées, des caractères où l’observation se révèle, le tout empreint d’un sentiment mélancolique qui domine les faits sans les exagérer, voilà ce qu’on trouve dans ce recueil de nouvelles d’une lecture assez agréable.
Tous les écrivains n’ont pas à lutter dans leurs travaux contre l’exagération où pourrait, sans qu’ils s’en aperçussent, les entraîner la hauteur de leur sujet. Pour atteindre plus facilement à la simplicité, la plupart choisissent de modestes thèmes, ou brodent de légers dessins sur un canevas peu compliqué. Ce choix est déjà un mérite dont il faut leur tenir compte. Si d’une part, en agissant ainsi, ils s’exposent parfois à se faire reprocher un excès de prudence, d’un autre côté ils ne se soustraient réellement à certaines difficultés que pour en rencontrer de nouvelles, et de plus sérieuses peut-être : celles qui consistent à rendre simplement les choses simples. Le danger en effet est celui-ci : on ne peut reproduire d’après nature, surtout dans la forme classique, ce que la critique littéraire du xvin0 siècle appelait les nobles passions. Il faut nécessairement faire la part de l’invention et aussi de la convention ; mais on peut copier les événemens qui se passent sous nos yeux, calquer les sentimens de la vie ordinaire, les rapporter fidèlement dans la suite vulgaire de leurs péripéties, arriver ainsi sans grands efforts à produire quelque intérêt, et s’abstenir dans cette œuvre facile nonseulement de toute invention, mais encore de toute composition. Les jeunes esprits qui prennent au sérieux, je ne dirai pas leurs devoirs d’écrivains, mais simplement leur tâche, ont donc à se prémunir à leurs débuts contre un double écueil, l’exagération ou le réalisme. — Ajoutons comme correctif que ce que nous appelons réalisme, ce n’est pas la reproduction de la réalité, mais bien dans cette reproduction l’absence du choix des élémens harmoniques, c’est-à-dire le manque de composition et de style.
Cette science de la reproduction des choses réelles est ce qui distingue éminemment un petit volume écrit à Genève, et intitulé Nouvelles montagnardes[4]. Dans ce que nous avons examiné jusqu’à présent, au milieu des scènes pastorales qu’il décrivait, des sentimens dont il exposait la lutte, l’auteur se montrait toujours, et cette transparence d’une individualité que les écrivains humoristiques étalent hardiment résultait ici le plus souvent d’une recherche même de simplicité poussée jusqu’à l’affectation. Ici l’auteur disparaît complètement, et il ne se trouve, à vrai dire, que sur la couverture : son nom est Charles Dubois. Avec lui, nous sommes introduits dans une contrée qu’il désigne et que l’on peut visiter, au centre de mœurs positives appartenant à une circonscription de territoire parfaitement définie. C’est donc la réalité pure qu’a étudiée M. Dubois ; évidemment il a fait peu de frais d’imagination, mais il a vaincu habilement, par une composition savante, les difficultés que lui créait l’absence même d’invention. Ce qu’il nous expose, ce n’est pas la réalité d’un fait pris au hasard, et qui pourrait se rapporter également à diverses contrées et à différentes classes sociales ; c’est la réalité, saisie dans son ensemble et par conséquent dans son harmonie, de tous les détails, dont le moindre doit être significatif. Aussi ce recueil est-il simplement une suite de petits tableaux irréprochables au point de vue de la délicatesse et du goût. La langue de M. Dubois est celle du charmant et regrettable Toepffer : elle use des mêmes procédés, elle arrive au même pittoresque ; mais la naïveté qui en constitue le fond est peut-être moins cherchée et moins précieuse. L’écrivain genevois s’est servi, sans en prendre le patois cependant, de l’idiome propre des paysans dont il raconte les mœurs, et ce langage, sans lequel il n’aurait pu exprimer complètement certaines idées particulières, offre un charme dont il serait difficile de donner une idée autrement que par des exemples. Aussi renvoyons-nous en toute assurance au livre. On n’y trouvera ni subtilités ni dissertations, mais un naturel qui palpite sous les moindres détails, et qui, sans qu’on puisse le prendre une seule fois en flagrant délit de prétention, arrive de lui-même aux effets irrésistibles de l’éloquence naïve. L’auteur a su rester constamment vrai en se tenant constamment dans les limites du réel : il faut, pour atteindre ce résultat, un grand bonheur ou un grand talent.
Les qualités de son récit nous permettent de ranger Mme Charles Reybaud dans la série des écrivains qui visent à une harmonieuse simplicité. L’auteur de Faustine et du Cadet de Colobrières a commencé d’abord par faire dans l’invention et dans les idées la part la plus large possible au romanesque. Il en résultait souvent entre la forme et le fond un désaccord qui se manifestait ordinairement par la brève étendue que l’on s’étonnait parfois de rencontrer dans certains épisodes. Plusieurs des premiers récits de Mme Reybaud auraient comporté en effet un développement dont la charpente idéale n’était pas toujours bien accusée dans l’exécution. L’auteur sauvait ce manque de proportion entre l’esquisse du plan et les contours définitifs par l’agrément d’un style dont l’originalité est incontestable et surprend insensiblement l’esprit du lecteur, qui s’applique d’autre part à rétablir la mesure des faits qui lui sont exposés. Mme Charles Reybaud a montré qu’elle possède aujourd’hui la difficile harmonie de la composition en produisant un roman, Mademoiselle de Malepeyre, écrit avec une fermeté et une précision que nos lecteurs n’ont pu oublier. Le Cabaret de Gaubert[5], dont ils se souviennent aussi, est également un témoignage remarquable de la nouvelle manière de l’auteur. La phrase insinuante et allongée qui lui est habituelle s’y joint à une vigueur de contour plus assurée. Cette transformation progressive prouve qu’on n’acquiert l’art d’écrire qu’en mettant en pratique, par de nombreux essais quelquefois, l’étude théorique des modèles. Mme Reybaud appartient à cette période d’écrivains délicats et soigneux qui s’efforcent constamment de sacrifier leur facilité au véritable style, et arrivent ainsi à une réputation méritée, qui, pour n’être pas surprise, n’en est que plus durable.
Le volume que vient de publier M. Charles Asselineau, la Double Vie[6], forme plutôt une série d’esquisses et de plans qu’une suite de nouvelles complètement développées. Si nous avons bien compris une intention que l’auteur du reste ne craint pas de manifester ouvertement, la publication de ces récits ne serait que l’occasion d’une préface qui peut se résumer en deux mots : les revues ont tué les livres. M. Asselineau part à peu près uniquement, pour soutenir cette thèse au moins paradoxale, de certaines discussions intimes, interdites par leur nature à la connaissance du public, et qui s’élèvent quelquefois entre tel écrivain et tel directeur de journal. Les modifications, prétend-il, que la nature et les exigences d’un recueil font subir à l’originalité d’une œuvre personnelle n’aboutissent à rien moins qu’à enlever toute liberté à l’expression de la pensée. On peut faire remarquer à M. Asselineau, et à tous ceux qui s’appuieraient sur un semblable raisonnement pour justifier ou leur impuissance ou leur mauvais vouloir, qu’une revue, qu’un journal comporte une idée collective, et par cela même possède entièrement le droit de repousser le contact d’une idée individuelle qui tendrait à l’altérer. Un rédacteur en chef n’est pas un éditeur ; l’éclectisme qu’on voudrait lui imposer serait la mort de son recueil, et c’est une vérité que les faits ont justifiée. Quant à cette objection plus grave qui s’appuie sur la libre expression de la pensée, les faits encore se chargent d’y répondre. Depuis 1830, il n’est pas d’idée, si excentrique qu’elle fût, qui n’ait trouvé pour se manifester un organe de publicité quelconque. Nous avons été inondés de recueils et de journaux qui correspondaient aux opinions les plus opposées comme aux nuances les plus délicates. Pourquoi ces foyers littéraires ou philosophiques se sont-ils éteints presque tous ? Là est toute la question ; le temps et le public en ont fait peu à peu justice. Y a-t-il eu erreur pour quelques-uns, et ne pourrait-on pas appeler de ce jugement ? Nous ne voudrions pas le nier complètement ; mais ceux qui doivent leur conservation à cet esprit de suite dont parlait Richelieu et à une intelligente tradition ne peuvent-ils pas se contenter de dire : J’existe, donc ma raison d’être est excellente ? Ainsi considéré, le débat sort, ce qui devrait toujours avoir lieu, des petites querelles qui n’intéressent que les personnalités. — Les nouvelles de M. Asselineau ne justifient pas d’ailleurs l’objet de sa préface ; il sait fort bien lui-même qu’il n’y a pas là un livre : ce sont de simples ébauches, dont quelques-unes, nous devons le dire, font regretter que l’auteur ne se soit pas décidé à une plus large exécution, par exemple le Cabaret des Sabliers et le Roman d’une Dévote ; le Mensonge forme encore un assez joli sujet de comédie. Nous devons donc souhaiter que l’auteur prouve un peu plus efficacement, quant à lui, l’opportunité de ses condoléances : pour que le livre plaide, il faut au moins que le livre soit.
La jeunesse semble devenir le thème favori des auteurs dramatiques. Présente, on l’étudié pour préjuger son avenir ; passée, on la recherche et on la rappelle si l’on a devant soi, comme une énigme à déchiffrer, un homme dont l’être intime est encore caché sous le voile. C’est un procédé dont l’expérience des jours qu’on a soi-même vécus démontre la douloureuse justesse. On peut le plus souvent reconstruire toute une existence avec les derniers faits où elle s’est manifestée, comme Cuvier, avec des débris d’os, recréait de gigantesques formes sans patrie et sans nom. C’est que la vie ne se recommence pas, elle se succède pour ainsi dire, en se correspondant toujours et ses dernières heures ne sont que l’écho agrandi et transformé des heures premières. L’homme, dans la succession insensible de ses labeurs, de ses joies et de ses tristesses, est à lui-même son propre garant, sa propre providence, sa propre responsabilité. Cette pensée éminemment morale a inspiré M. Léon Gozlan dans la nouvelle pièce qu’il a donnée au Gymnase, Il faut que jeunesse se paie. — Ah ! si jeunesse savait ! murmure le vieillard qui arrive à la tombe en retenant au bord de ses lèvres le secret de la vie prêt à s’en échapper. Ah ! si vieillesse pouvait ! s’écrie le jeune homme dont la moindre folie est de s’épuiser, même pour les choses sérieuses, dans une ardeur mal calculée. Entre ces regrets et cette présomption, toute notre vie s’écoule ; nous le sentons sans le comprendre, et c’est pourquoi ce titre, spirituellement détourné par M. Léon Gozlan, renfermait un charme particulier qui piquait notre curiosité et nous réveillait de cet assoupissement où nous essayons de guérir nos désirs trompés, nous tous qui payons plus ou moins notre jeunesse. Après avoir livré ses premières années à toutes les folles passions, après s’être même permis l’absurde sottise de reconnaître comme sien l’enfant de je ne sais quelle fille, le héros de M. Gozlan tente de refaire sa vie, croit-il, en se conduisant désormais comme un homme sérieux et en combattant bravement pour son pays. Treize ans se passent, après lesquels il revient, n’ayant plus rien du jeune homme d’autrefois, pas même le souvenir. La vie lui sourit en ce moment avec toutes ses illusions, comme si elle ne faisait que commencer pour lui. Un beau mariage va couronner cette œuvre de régénération, quand soudain le passé tout entier accourt pour ressaisir sa proie : les imprudences, les orgies, les défis audacieux au monde qui n’oublie pas, — toutes choses oubliées, — viennent comme d’inexorables fantômes souhaiter la bienvenue à cet homme qui n’a plus dans le cœur que les douces espérances des joies de l’avenir. Croyez qu’il est à plaindre, l’infortuné, et qu’il faut tout l’esprit de M. Gozlan pour le tirer de ce mauvais pas. La pièce a plus étonné qu’elle n’a réussi ; mais cependant le héros du drame, ce n’est pas le niais personnage qui se laisse ridiculement épouvanter par le reliquat d’un passé devant lequel il a le droit de lever la tête, c’est un petit jeune homme qui prononce quelques paroles seulement, mais elles sont toute la morale de la pièce : — Je suis né à trente-six ans, dit-il, j’ai toujours agi comme si j’avais cet âge, je n’aurai pas à payer ma jeunesse. Vous vous épuisez, je me conserve ; vous cherchez, j’attends, et mon attente, qui vous semble de l’immobilité, est la suprême science et la suprême sagesse. Le monde est arrangé, je le sais, pour que tout vienne à moi. Comme en un temps donné, tous les objets de nos désirs reviennent passer en un point quelconque du cercle de notre vie, je m’y établis d’avance, certain du résultat de l’évolution. — Ce philosophe est une réelle et vivante figure qui, selon nous, n’a pas tout à fait tort quand elle se fait bien comprendre. Du reste, cette personnalité n’est pas inconnue au théâtre, et M. Dumas fils, qui saisit avec un rare bonheur les caractères positifs, nous l’a déjà montrée, dans la Question d’argent, coupant avec méthode son petit revenu en trois cent soixante-cinq parties égales. Ah ! certes, ils ne connaissent pas si bien la vie, les deux jeunes gens qui s’insurgent, dans le premier acte du Marchand malgré lui, contre les instincts bourgeois et les prosaïques appétits du bonhomme Chrysale !
Cette pièce, représentée à l’Odéon, est due à la collaboration de deux jeunes auteurs, MM. Rolland et Du Boys ; elle a toutes les exclusions, toutes les défaillances, tous les reviremens, toute la déclamation de la jeunesse. Elle va comme elle peut, suivant une flamme tantôt brillante, tantôt vague, et dans l’intervalle s’égarant dans les ténèbres. On la suit difficilement, et l’on est frappé d’une foule de contradictions qui sortent du sujet mal conçu et des personnages indécis. Tous les châteaux en Espagne que bâtissent à l’aurore de leur existence les jeunes artistes, et en particulier les jeunes compositeurs, se sont, au premier acte, donné rendez-vous dans une mansarde. Si jamais l’art est accepté, plutôt que compris, dans toute sa force et dans toute sa dignité, c’est certainement à cet heureux âge où l’on se grise avec de nobles aspirations, où l’on prend pour une force vive de graves paroles prononcées dans le vide. Aussi croyez que dans cette mansarde on ne jure que par Palestrina, Sébastien Bach et Pergolèse, et les voilà tous les trois, Pergolèse, Sébastien Bach et Palestrina, tenant dans un verre d’où sort une chanson de grisette. Cependant arrivent les grands parens, la mère, l’oncle, et ce sont des supplications pour engager l’un de ces aspirans-artistes, Claude Champin, à délaisser la fugue et le contre-point pour l’aune ou la balance. La mère dit à son fils toutes les bonnes choses que dit Mme Huguet à Philippe dans la Jeunesse de M. Émile Augier, et elle se fait comprendre. Sans trop se faire tirer l’oreille, Claude accepte, et d’artiste il devient droguiste : la rime reste, et c’est toujours cela.
Ce premier acte, ou plutôt ce prologue, aurait dû former le dénoûment de la pièce. Claude, se rendant ainsi, sur de simples remontrances, sans avoir souffert, sans avoir lutté, mérite évidemment d’être un bourgeois. Dès lors il n’intéresse plus, il n’est plus sympathique. Il l’est d’autant moins qu’au second acte nous le retrouvons, après dix-huit ans d’épicerie, frais, riche, bien portant, prospère. Que nous veulent alors ses jérémiades d’artiste et de poète incompris ? Eh ! monsieur Champin, vous avez prouvé que votre talent, c’était d’être maçon. — Cependant René, son ancien compagnon de mansarde, arrivé maintenant à la gloire, aime la fille de Claude, que sa mère, en prévoyante femme de ménage, songe à marier à son premier commis. Voyez maintenant l’imbécillité de ce caractère : Claude confesse sa fille, devine son secret, et la laisse marier à M. Eustache ; puis, pour se justifier à ses propres yeux, ne songeant plus que s’il y a quelqu’un de sacrifié en cette affaire, c’est sa fille et non pas lui, il fait à sa femme les reproches les plus violens et les plus amers, les plus injustes aussi. — Quoi ! pourrait-elle dire, avez-vous cru en m’épousant choisir la Muse pour compagne de votre vie ? Ne saviez-vous pas que de votre oncle vous preniez en même temps la fille et la boutique ? Ah ! cessez vos récriminations ; sans moi, toute votre maison serait allée à la faillite. Vous dites qu’il n’y a pas de milieu entre l’art et l’épicerie, c’est possible ; en attendant, vous n’êtes ni artiste, ni épicier. — Heureusement le garçon de magasin, Eustache, qui paraît de tout ce monde avoir le plus de cœur et de raison, renonce à épouser la fille de Claude ; délivré de ses embarras intérieurs, celui-ci court à son piano, mais l’inspiration qu’il a abandonnée ne viendra plus le caresser, ne l’emportera plus sur ses ailes. Il s’agit bien aujourd’hui de Palestrina et de Pergolèse ! Hélas ! l’infortuné ne comprend même plus les folles chansons de sa jeunesse. Il est devenu impuissant ! — Non, il ne l’est pas devenu, il l’a toujours été, et toute sa vie le prouve, car ce n’est pas un véritable artiste celui que l’absence de l’art ne tue pas ; ce n’est pas un véritable poète celui qui étouffe sa muse et qui prétend ensuite la galvaniser.
Telle est cette pièce, écrite évidemment pour un certain public qu’émeuvent toujours les folles déclamations contre ce que la vie a de sérieux et de logique, même au point de vue de l’art, dont la mesure, le calcul et l’horreur de toute emphase sont cependant les indispensables aides. Elle doit uniquement à ce parti pris et à de gais intermèdes l’espèce de succès qu’elle a obtenu. Elle intéresse surtout la critique en ce qu’elle est le calque fidèle des préjugés d’une jeunesse soi-disant libérale, ennemie d’un travail lent et régulier, ignorant la distance qui sépare la conception de la forme et la comblant par des productions d’une fantaisie douteuse. Pour elle, la bohème est le chemin obligé de la réputation. Le Marchand malgré lui n’offre point parmi ses personnages un caractère véritablement composé. Ses bourgeois, comme ses artistes, ne sont que des mannequins. Malgré certaines tirades écrites avec l’emportement, l’audace et quelquefois le bonheur du premier jet, les vers sont empreints, tantôt d’un réalisme choquant, tantôt d’une poésie vague et banale ; les chansons d’oiseaux, par exemple, reviennent en plus de dix endroits. Ce manque de style est ce qu’il faut le plus regretter ; il empêchera toujours, que les jeunes écrivains en soient convaincus, de prendre au sérieux toute espèce d’œuvre, quelle que soit l’idée qu’elle tende à développer. Il est aussi un certain bruit, fait autour des jeunes talens à leur entrée dans la carrière, contre lequel ils doivent s’entourer de sages précautions. Je ne puis à cette occasion mieux faire que de citer quelques paroles dont MM. Rolland et Du Boys ne récuseront pas l’autorité : « En général, une chose nous a frappé dans les compositions de cette jeunesse qui se presse maintenant sur nos théâtres ; ils en sont encore à se contenter facilement d’eux-mêmes. Ils perdent à ramasser des couronnes un temps qu’ils devraient consacrer à de courageuses méditations. Ils réussissent, mais leurs rivaux sortent joyeux de leurs triomphes[7]. » Ces paroles d’un grand écrivain qui a pu en faire une suffisante expérience doivent donner beaucoup à penser ; elles prouvent que le succès n’est pas là où il se fait entendre sous une forme bruyante, mais qu’il est dans la conscience intérieure d’avoir véritablement produit une œuvre digne d’éloge. Encore beaucoup d’écrivains, et c’est une loi de notre nature, peuvent-ils s’y laisser tromper. Qu’en conclure ? C’est qu’il faut toujours essayer de faire bien, sans s’inquiéter des autres, et en se défiant de soi-même.
Le Théâtre-Français fait tout ce qu’il peut pour remplir sa mission, et il s’acquitte de cette tache avec plus ou moins de bonheur. Il est par exemple le gardien sacré et le dépositaire officiel de cette forme dramatique qu’on appelle la tragédie ; aussi est-ce à la fois pour lui un droit et un devoir de mettre en lumière, à des intervalles réguliers, les immortelles compositions de Corneille et de Racine. Le principal succès de ces représentations a été, il faut bien le dire, dû à l’interprétation de certains artistes. Aussi, quand ils ont fait défaut, pour réveiller la curiosité d’un public avide de nouvelles choses, le Théâtre-Français a tenté, faute de mieux, des résurrections aussi malheureuses que celles du Venceslas de Rotrou. A-t-il été mieux inspiré aujourd’hui, en remontant à la source d’un genre qui n’admet pas le médiocre, et en s’adressant au premier tragique grec, Sophocle, pour lui emprunter sa plus belle tragédie, Œdipe-Roi ? On pourrait en douter, à en juger par l’effet que produisent la faiblesse de l’exécution et l’allure assez lourde d’une traduction poétique dont le principal mérite est de se tenir très près du texte. Un véritable artiste pouvait seul s’attaquer à une pareille œuvre. Heureusement l’intérêt de cette représentation était ailleurs. Il est superflu d’analyser une pièce qu’il n’est permis à personne de ne pas connaître ; disons seulement que l’apparition de l’Œdipe-Roi sur notre première scène n’est pas sans apporter plus d’un utile enseignement. Sans doute les conditions ne sont plus les mêmes qu’au temps où les vainqueurs de Salamine et de Marathon, alors qu’Athènes était toute la Grèce, applaudissaient dans les vers de Sophocle le côté poétique de ce génie qui dans la politique inspira Périclès, dans l’art Phidias, dans la philosophie Socrate. La scène à cette époque pouvait être considérée comme l’une des plus belles expressions de la pensée humaine, la plus complète peut-être. Le beau présidait tout entier à ces représentations grandioses. Pour décors, elles avaient les coteaux de l’Attique et ces rivages aimés des dieux où la flotte de Xercès était venue se fondre comme une vague mourante ; pour lustre le soleil, pour spectateurs trente mille citoyens libres. L’acteur, il est vrai, disparaissait, mais il était remplacé par l’idée elle-même enfouie sous l’un ou l’autre des deux masques symboliques qui grimaçaient la douleur et le plaisir, ces deux termes de tous les sentimens humains. OEdipe, Ajax, Prométhée, la fatalité, la force, la pensée, telles étaient les clés de ces tétracordes gigantesques. Aujourd’hui ces grandes abstractions ont fait place aux innombrables diversités d’intérêts et de passions qui agitent la société telle qu’elle est constituée. Une nouvelle idée, plus ou moins bien comprise, domine en apparence nos œuvres dramatiques, la morale, et pourtant notre fatalisme n’est plus cette volonté suprême et divine qui perdit le fils de Jocaste et la fille de Pasiphaé, c’est le hasard ! Mais si, abandonnant ces grandes formules qui résument avec le génie d’une race toute une civilisation, nous nous tenons simplement à l’Œdipe-Roi, représenté sur le Théâtre-Français et traduit par M. Jules Lacroix, nous verrons encore que cette œuvre est à proprement parler un modèle d’action dramatique. L’intérêt naît comme ce petit point noir que l’on découvre en mer à l’horizon, et grossit peu à peu avec l’enchaînement de situations inévitables. Rien n’étonne dans cette étonnante tragédie, parce que rien n’est brusqué. Un souffle qui augmente progressivement emporte l’esprit sans fatigue et sans dégoût dans la région des plus honteuses misères et des plus poignantes douleurs. La tragédie ainsi comprise est un idéal que nous ne pouvons plus atteindre.
Seuls de nos jours, Gœthe avec Iphigénie, Schiller avec la Fiancée de Messine, ont pénétré dans cette sphère interdite à nos idées et à nos sentimens, qui s’éloignent de plus en plus de l’abstraction pour s’individualiser et n’apparaître que sous une forme concrète. Est-ce un mal cependant que cette transformation ? Nous ne le croyons pas ; elle est le résultat de la marche progressive des époques et des races, et si elle ne se manifeste pas avec l’harmonie des inspirations grecques, elle a des vertus et des fermens que ne connaissait pas l’antiquité. Quoi qu’il en soit, des évocations sévèrement choisies et convenablement exécutées des premiers chefs-d’œuvre de l’art tragique mériteraient sans aucun doute les encouragemens de la critique. Si elles ne s’adressent pas au public en général, elles offrent du moins aux jeunes écrivains l’occasion d’étudier à leurs sources les plus pures les lois et les procédés de la composition dramatique.
EUGENE LATAYE.
Ce livre est un recueil de petits poèmes « éclos au foyer de famille, » comme le dit l’auteur, et comme le prouve assez l’accent de ces pages tour à tour familières, pensives ou doucement railleuses. C’est l’enfant qui est le héros de ce cycle élégiaque, l’enfant suivi depuis le berceau jusqu’à la première communion. Au lieu d’appliquer aux inspirations volontairement modestes de M. de Beauchesne un procédé d’analyse et de discussion qu’elles ne comportent pas, on nous saura gré peut-être de laisser la parole à l’auteur lui-même et d’indiquer par une courte citation l’intérêt touchant de son recueil. Nous choisirons dans la dix-septième pièce du volume le portrait d’une de ces mères chrétiennes pour lesquelles le livre a été écrit :
Une mère ! à ce nom tout le cœur se dilate.
Ce nom est à lui seul le plus doux aromate
Qui jamais parfuma la triste humanité ;
Et le chant le plus doux et le mieux écouté,
Tant que l’on pleurera dans ce monde éphémère,
C’est la voix d’un enfant qui chantera sa mère.
Inépuisable amour, dévoûment éternel,
Le chef-d’œuvre de Dieu, c’est le cœur maternel.
Avec la piété, la joie et la prudence,
La mère sur nous veille, humaine providence ;
Sa tendresse ombrageuse au milieu de la nuit
S’agite à notre souffle et tremble au moindre bruit ;
Sa sainte activité, toujours en exercice,
Sans se lasser jamais, s’use à notre service.
Des sentimens humains le temps toujours vainqueur,
Le temps brise son corps sans toucher à son cœur.
Jamais du dévoûment la source n’est tarie.
Quand elle ne peut plus travailler, elle prie.
En vain pour nous aider ses mains sont en défaut,
Ses prières encor nous défendent là-haut.
La prière est la clé mystérieuse et forte
Qui du trésor du ciel ouvre la sainte porte.
Et qui mieux qu’une mère a l’accent et le vœu,
La prière et l’amour pour arriver à Dieu ?
Ma sœur, femme bénie entre toutes les femmes,
Toi qui de mes enfans gardes les jeunes âmes,
Toi qu’ils nomment leur mère et qu’ils aiment ainsi,
Dans quel langage humain te dirai-je merci ?
À ton rôle sublime en esclave asservie,
Le soin de mes enfans devient toute ta vie :
Mérites ignorés, silencieux devoir,
Sacrifices cachés que Dieu lui seul peut voir,
Prévoyance infinie, héroïsme suprême,
Et qui n’a rien d’égal que l’amour de Dieu même !
Ton passage ici-bas est providentiel :
On ne peut te connaître et ne pas croire au ciel.
Sœur, si notre maison de bonheur se couronne,
Et si l’ange gardien de la paix l’environne,
S’il y sème la foi, le calme et la douceur,
À qui le devons-nous, si ce n’est à toi, sœur ?
La route du devoir par toi nous est tracée ;
Tous les purs dévoûmens germent dans ta pensée ;
Tu montes vaillamment ces échelons de feu
Qui partent de la terre et qui vont jusqu’à Dieu.
Ici, grands et petits, tout ce qui te contemple
S’inspire à tes vertus, se forme à ton exemple ;
Ta puissance est sacrée, et bénie est ta loi :
L’amour de mes enfans me vient encor de toi !
Oui, conforme au portrait de la Lucrèce antique,
Rudement occupée au labeur domestique,
La mère de famille est plus belle cent fois
Que Corinne, aux regards des peuples et des rois,
Reine par le droit seul de sa grande parole,
Sur un char de triomphe allant au Capitole !
Nous avons reçu une seconde lettre de M. A. Danican Philidor, dans laquelle il proteste de nouveau que l’artiste distingué dont nous avons raconté ici la vie, Alphonse Philidor, n’appartenait point à la famille du compositeur célèbre de la fin du XVIIIe siècle. Soit, et nous ne prétendons pas soutenir le contraire, comme on a pu le voir dans la réponse que nous avons mise à la suite de la première lettre de M. A. Danican Philidor ; mais il nous appartient de dire qu’Alphonse Philidor, qui du reste n’a jamais porté le nom de Danican, était un musicien de valeur, et le seul Philidor de nos jours qui méritât de fixer l’attention de la critique;
P. SCUDO.
V. DE MARS.
- ↑ l vol. in-12, L. Hachette et Co.
- ↑ 1 vol. in-12, Taride, rue de Marengo.
- ↑ 1 vol. gr. in-18, Michel Lévy.
- ↑ 1 vol. in-12, Paris, chez Cherbuliez, 10, rue de la Monnaie.
- ↑ 1 vol. in-12, L. Hachette.
- ↑ 1 vol. in-12, Poulet-Malassis et de Broise.
- ↑ Victor Hugo, Mélanges littéraires.
- ↑ 1 vol. in-8o, chez Henri Pion, 8, rue Garancière.