Le Roman de Miraut/Partie 2/Chapitre 1

I-11 Le Roman de Miraut 2





DEUXIÈME PARTIE


CHAPITRE PREMIER


Tant que ne fut point close la chasse, Lisée, chaque fois qu’il eut à sortir du côté des champs ou des bois, ne manqua jamais d’emmener son chien avec lui.

Successivement il lui apprit à bien faire les lisières sans oublier une rentrée, à tenir un champ de betteraves ou de pommes de terre, à vérifier les trèfles, à sonder les luzernes, à longer une haie de telle façon que le gibier partit du côté du chasseur, et Miraut ne laissa plus un seul buisson d’inexploré du jour où son maître, l’obligeant pour la quatre-vingt-dix-neuvième fois au moins à en fouiller un, lui fit déloger de son gîte un jeune levraut qu’il faillit pincer bel et bien et auquel il donna la chasse durant plus de trois longues heures.

Quand la clôture fut prononcée, le chasseur devint plus circonspect et Philomen, lui aussi, pour éviter les coups de langue, les histoires et les procès-verbaux, garda sa chienne à la maison.

Toutefois, comme les bêtes supportent difficilement la claustration, il la léchait de temps à autre, le soir venu. Mais Bellone, docile et bien dressée, ne s’éloignait du pays qu’avec l’autorisation de son maître.

Lorsque le brigadier Martet rentrait le soir, lassé d’une longue tournée, le vieux chasseur, qui la connaissait dans les coins comme doit la connaître un vieux de la vieille de sa trempe, allait trouver sa chienne à l’écurie et, branlant la tête d’un air entendu, lui disait simplement : Va !

Bellone comprenait et, sans s’attarder à rôdailler aux alentours, filait directement vers la forêt.

Un beau soir, elle se souvint qu’elle avait en Miraut un jeune camarade et se dit sans doute qu’il serait plus agréable et peut-être aussi plus fructueux de l’emmener avec elle dans cette expédition nocturne et cette partie de plaisir.

C’est pourquoi, traversant le village et l’enclos, elle vint directement le trouver devant son seuil où il s’amusait à s’aiguiser les crocs sur un vieil os de jambon plus dur qu’un morceau de fer.

Lisée était là. Après lui avoir souri en troussant les babines, s’être tortillée du cul comme il convenait pour le saluer respectueusement et lui avoir léché les mains de bonne amitié, elle répondit avec bienveillance aux caresses et aux mordillements de Miraut.

À deux ou trois reprises la chienne lui pinça les oreilles ainsi quelle faisait autrefois pour prier le vieux Taïaut de l’accompagner en guerre. En même temps elle jappota, modulant de la gorge quelques sons qu’il comprit parfaitement et : que Lisée, depuis longtemps au courant de ses habitudes et de ses manières, ne manqua pas non plus de saisir.

Il en sourit dans sa barbe de bouc qu’il empoigna à pleine main pour la peigner d’un geste familier. Sachant bien que son ami ne léchait sa chienne qu’à bon escient, il accéda au désir de son chien qui, hésitant, tournait la tête de son côté, tout en conservant le corps dans la direction de Bellone qui l’attendait un peu plus loin.

— Vas-y ! va ! proféra-t-il simplement, et, d’un hochement de tête, il lui désigna la forêt.

Tout heureux de cette permission, un peu ennuyé tout de même départir sans le maître, il revint en hâte lui sauter sur les genoux et le lécher, puis, comme l’autre lui confirmait son autorisation, il fila comme une flèche rejoindre Bellone qui l’attendait au trou de la haie du grand clos.

Et se mordillant les pattes, la gorge et les oreilles, et se grognant des gentillesses canines, les deux complices partirent dans la direction de la coupe.

Lisée rallumait sa bouffarde quand Philomen arriva.

— Eh bien ? s’exclama-t-il simplement.

— Ça y est, répondit Lisée, ils y sont. Elle est venue le prendre et il n’a pas été difficile à débaucher ; ah, ma foi non ! je n’ai eu qu’à lui faire signe.

— La bonne paire ! conclut le chasseur. Avant une heure, il y en aura un quelque part à Bêche ou aux Maguets qui n’aura pas à mettre ses quatre pieds dans le même sabot s’il tient à garer sa peau et ses viandes.

— L’ouverture aura lieu dans deux mois, exposa Lisée : il n’est pas mauvais qu’auparavant ils se fassent un peu le pied et la gueule, si nous ne voulons pas les voir éreintés après la première semaine de chasse.

— As-tu déjà songé à tes munitions ? s’inquiéta Philomen.

— Oui, répondit Lisée : pour les cartouches de lièvre, je commanderai mes étuis et mes bourres à Saint-Étienne afin d’être sûr d’avoir du bon ; c’est un peu cher, mais tant pis ! Pour la chasse aux oiseaux, je ferai prendre au messager, quand il ira à Besançon, un cent de douilles et de bourres ordinaires ; quant à la poudre, de la superfine n° 2 pour les bonnes cartouches et, pour les autres, Kinkin m’a promis une livre de poudre suisse, de la meilleure, mais n’en parle pas surtout, je ne voudrais pas lui faire arriver des histoires à lui, ni à moi non plus.

— J’en prends aussi, rassura Philomen : sa poudre, en effet, n’est généralement pas mauvaise et, quand il s’agit de merles, de grives ou de geais que l’on tire de tout près, ça va toujours. C’est égal, j’aurais du remords de viser un lièvre avec une mauvaise cartouche dans mon flingot ; s’il échappait, je ne pourrais m’empêcher de dire que c’est bien fait pour moi.

— Écoute, interrompit tout à coup Lisée, en portant l’index à sa bouche.

Loin, loin, à peine distinct dans le bourdonnement d’abeilles de la nuit silencieuse, un aboi s’élevait, suivi bientôt d’un autre et d’un autre encore.

— Ils ont déjà lancé.

— Non, non ! pas encore, écoute bien !

Et, en effet, l’instant d’après, la rafale hurlante du lancer retentissait, tandis que silencieux, la prunelle vague, les paupières plissées, les deux amis, tirant de leurs pipes d’énormes bouffées, écoutaient voluptueusement cette musique sauvage qui les inondait d’une joie pure.

— Eh bien ! je crois qu’ils le mènent, conclut Philomen au bout d’un instant.

Le bruit de la chasse se perdit qu’ils écoutaient encore. La conversation reprit, un peu décousue, car tous deux, bien que parlant d’autre chose, prêtaient quand même toujours l’oreille aux rumeurs de la nuit et ce fut simultanément qu’ils interrompirent leur causerie en remarquant à voix haute :

— Ils le ramènent !

Et, en effet, on perçut distinctement le bruit de la chasse se rapprochant assez vite. Puis ce bruit décrût de nouveau et se perdit encore et Philomen affirma :

— Ils en ont pour un moment, mais ils peuvent s’en donner tant qu’ils voudront : le brigadier n’aura pas envie ce soir de leur courir après ; il est revenu vanné de sa tournée d’aujourd’hui et à cette heure il doit être sûrement en train de roupiller à côté de sa légitime. Moi, mon vieux, j’en vais faire autant.

— Et moi itou, répondit Lisée.

Après avoir convenu, pour réduire les frais de port, de faire ensemble leur commande de fournitures, ils se séparèrent en se serrant la main et Lisée, rentrant dans la cuisine obscure, poussa le verrou, gagna son lit et s’endormit. Cependant, sur le coup de minuit, pris d’un besoin pressant et s’étant relevé en chemise pour aller pisser un coup sur le pas de sa porte, il put entendre dans le grand silence approfondi de cette belle nuit de juillet les deux chiens qui, au milieu du bois du Fays, menaient encore à une allure endiablée leur oreillard.

— Cré nom de nom ! quel jarret ! ne put-il s’empêcher de s’exclamer avec admiration.

Et il revint se coucher, tout content.

Le lendemain, au lever, il trouva Miraut couché sur un petit tas de paille, sous l’auvent de la porte d’écurie. Il était crotté comme une demi-douzaine de barbets, n’ayant pas encore eu le loisir de vaquer aux soins de sa toilette ; le bout de sa queue, sur une longueur de trois bons pouces entièrement pelé et tout rouge, de même que ses cuisses et ses côtes, disait assez avec quelle ardeur il avait fouetté les buissons et s’était battu les flancs.

Il se leva à l’approche du maître et le salua par des aboiements très tendres en se dressant contre ses genoux.

C’est alors que Lisée remarqua qu’il était rond comme un boudin et jugea qu’il n’avait pas dû chasser, ainsi qu’il disait, pour la peau, jugement que Philomen confirma quelques instants plus tard en lui contant que sa chienne se trouvait être précisément dans le même état.

— Quand elle rentre vide, elle vient japper et appeler sous la fenêtre de ma chambre afin que j’aille lui ouvrir et qu’elle puisse manger ce qui reste dans les gamelles de la cuisine, mais quand elle a fait chasse, je n’ai pas à me biler ni me déranger, elle pionce dans un coin et ne réclame rien.

— Lui aussi, affirma Lisée.

— C’en est tout de même un que nous ne reverrons pas à l’ouverture, mais il n’est pas mauvais, pour nous comme pour eux, qu’ils y goûtent de temps à autre : ça les encourage et ça les dresse, les chiens, surtout quand ils sont jeunes comme le tien.

Mis en goût, en effet, par cette première et fructueuse randonnée, ce fut Miraut qui, quelques jours plus tard, s’en fut faire visite à Bellone et la prier de l’accompagner à la chasse.

Il faut croire qu’une telle expédition était inutile ou dangereuse ce soir-là, car Philomen, de qui la chienne, par de petites plaintes, alla solliciter l’autorisation réglementaire, opposa un veto énergique et sec à sa demande. Docile et plus obéissante que le chien, elle se résigna et s’en fut se coucher sur son coussin à côté de la porte de la cuisine, tandis que Miraut, bien décidé, partait quand même seul à la chasse.

Il fut moins heureux cette fois que lors de sa première sortie et s’il lança tout de même et suivit un capucin, il n’eut pas la science ni le bonheur de le pincer et rentra très fatigué à la maison.

Vers deux heures du matin, Lisée fut réveillé par un long jappement un peu rageur sous sa fenêtre.

Il n’hésita pas à sauter du lit et s’en fut ouvrir à son chien qui, efflanqué, affamé, se coucha après avoir fait une revue de détail des marmites, plats, assiettes, bols, seaux et chaudrons de la cuisine.

La Guélotte en grogna le lendemain matin, criant que cette sale bête l’avait empêchée de fermer l’œil de la nuit, qu’elle l’avait réveillée juste au moment où elle commençait à s’endormir, qu’elle lui avait fichu sa cuisine sens dessus dessous et que bien sûr, ces sorties-là, ça finirait par mal tourner un jour ou l’autre.

Cependant l’ouverture approchait. Les munilions commandées étaient arrivées à bon port, comme on dit, et les deux chasseurs en avaient fait le partage tout en se communiquant, pour la cinquantième fois peut-être, leur recette particulière concernant le chargement des cartouches.

La demande de permis venait d’être envoyée & la sous-préfecture par les soins de Jean, le secrétaire de mairie. Lisée avait fait prendre auparavant chez le percepteur le reçu de vingt-huit francs, ce qui provoqua devant Blénoir, le facteur, une scène de ménage terrible, d’ailleurs prévue depuis longtemps et à laquelle les deux hommes ne prêtèrent que l’attention qu’elle méritait. Et puis, la veille du grand jour, devant Miraut bien en forme, le braconnier, très loquace et débordant de joie, confectionna ses cartouches.

Le fusil du père Denis, dûment dégraissé et astiqué, avait été décroché de la panoplie où il trônait parmi trois vieux sabres de pompiers ou de gardes-nationaux, un couteau… arabe ou turc qui avait été sans doute fabriqué au petit Battant ou à Rivotte, faubourgs de Besançon, afin d’éviter d’inutiles frais de transport, un chassepot (souvenir des désastres) et deux vieilles carabines simples, l’une à pierre, l’autre à piston, ornées des pontets en cuivre et munies de canons immenses.

Avec un plaisir enfantin, devant son compagnon qui avait appuyé les pattes contre sa poitrine pour lui lécher la barbe, Lisée, deux doigta sur les gâchettes, levant et abaissant les chiens, lit sonner et résonner les batteries du (lingot en interpellant Miraut.

— Hein ! c’est-ti avec çui-là qu’on va les descendre, demain ?

— Bouaoue ! applaudissait Miraut.

— Et celle-là, en va-t-elle occire un ? reprenait-il, en lui montrant une cartouche de quatre, soigneusement sertie.

— Il n’aura pas peur du coup de fusil, ce petit, au moins ! Non, c’est un grand garçon !

Miraut qui, probablement, ne comprenait pas le sens particulier de chacune de ces confidences, en entendait tout au moins la signification générale et manifestait par des abois continuels, des frôlements câlins de tête, des grattements de pattes, d’incessants battements de queue, des velléités d’embrasser et de lécher, son approbation et sa joie.

Lisée depuis longtemps avait convenu avec Philomen qu’ils partiraient le lendemain chacun de son côté afin de tenir à peu près tout le terrain de la commune et qu’ils se retrouveraient vers les huit heures et demie, un peu plus tôt ou un peu plus tard, selon les hasards de la chasse, à la tranchée sommière du Fays pour « faire » ensemble ce bois important et se poster aux bons passages.

Le soir, il prépara à Miraut une bonne soupe, épaisse et substantielle, car le lendemain avant le départ, il ne voulait lui donner que quelques croûtes insignifiantes, un chien courant, étant réputé, ajuste raison d’ailleurs, chasser avec plus d’entrain et d’intérêt quand il n’a pas le ventre plein. Ce fait, il se coucha et s’endormit paisiblement, certain comme un vieux soldat de se réveiller à l’heure qu’il s’était fixée.

Et en effet, à trois heures et demie, le lendemain matin, il était debout. Il s’habilla, chaussa ses brodequins soigneusement graissés, mit ses houzeaux, endossa sa vieille veste à grandes poches, boucla sa cartouchière sur ses reins, mit tremper un bout de sucre dans une goutte de marc pour avaler au moment du départ et, tandis que chauffait son « jus » sur la lampe à alcool, il alla ouvrir à Miraut.

Les deux amis se firent fêle en se retrouvant : petits mots d’amitié et abois tendres, caresses de la main et coups de pattes cordiaux ; Miraut même essuya d’un large revers de langue la joue droite et le nez de son maître.

— Le coup de « patte à relaver » [1], l’excusa celui-ci en s’essuyant de la manche, un sourire d’indulgence aux yeux.

Et tout en buvant et mangeant, il envoya à Mirant, qui les attrapait au vol, quelques tranches de pain qu’il avalait sans les mâcher ! Là-dessus, heureux comme des rois, ils sortirent et bien avant que le soleil ne fût levé, arrivèrent au haut des Cotards où ils voulaient commencer.

C’était un bon matin. Un temps calme, une rosée suffisante laissaient un fret abondant aux endroits où le gibier avait passé.

Dès qu’on longea le mur de la coupe, Miraut, renonçant à son jeu favori qui consistait à lever la cuisse à toutes les mottes et à toutes les bornes, se mit à quêter avec ardeur. Bientôt il rencontra un fret, trouva une rentrée, s’engouffra dans le taillis et le reste ne fut pas long à venir.

Cinq minutes plus tard, le lièvre déboulé filait par les sentiers et les tranchées du bois avec le chien à ses trousses.

— Il va monter, songeait Lisée posté au haut du crêt à cinquante mètres du mur d’enceinte, ils montent toujours.

Mais le capucin ne monta point et, zigzaguant ainsi qu’un levraut, s’en alla faire au loin, toujours en restant sous bois, un crochet assez, grand.

Cependant, la chasse marchait à un train d’enfer. Le chien, sans doute, serrait de près son gibier et Lisée, qui connaissait à peu près tous les trucs des oreillards, jugea rapidement :

Il va sortir au sentier de Bêche qu’il remontera et Miraut va me le ramener par le chemin de la pâture. En lutte, il se porta vivement à ce poste afin d’arriver assez tôt, car dans ces cas-là il est préférable d’arriver dix minutes d’avance que cinq secondes trop tard.

Le braconnier avait eu bon nez de courir.

Il n’y avait pas une minute qu’il était là, au bord du chemin de terre, devant un buisson avec lequel il se confondait, lorsqu’il vit l’oreillard s’amener, bride abattue, les oreilles basses, allongeant de toute sa taille, ventre à terre littéralement.

Un beau coup de fusil ! jugea-t-il. Rien de plus simple qu’un tir en pointe, ni de plus sûr pour un chasseur exercé. Lisée, en amateur, jouissait intensément du court instant qui le séparait du dénouement de cette chasse. Le lièvre arrivait à une allure fantastique et lui, immobile, la crosse à l’épaule, la tête légèrement inclinée, attendait calmement qu’il fût à portée.

Au point strictement repéré d’avance, à trente mètres, pas un de plus, ce qui eût compromis l’efficacité du tir, pas un de moins (c’eût été un assassinat !), il pressa la détente de sa gâchette droite.

Le coup retentit puissamment dans le calme du matin et l’oreillard, lancé comme un bolide, vint bouler cul par-dessus tête à quinze ou vingt pas du chasseur.

Miraut qui sortait du bois et arrivait au haut du sentier fut étonné de ce coup de tonnerre formidable et s’arrêta net une minute pour écouter, car ce bruit terrible venait de la direction suivie par son lièvre. Il sentit qu’il devait y avoir du Lisée dans cette aventure et n’en douta plus l’instant d’après quand il distingua la voix de son maître le hélant à pleins poumons :

— Tia, Miraut, tia, par ici ! tia, mon petit !

Sans lâcher la voie chaude du lièvre, il reprit sa poursuite en donnant à pleine gueule lui aussi et arriva bientôt sur le lieu du drame, devant Lisée dont le fusil fumait encore, un Lisée riant d’un large rire et qui du doigt lui désignait à terre un cadavre roux, allongé, saignant par les narines, sur lequel le chien se rua sans tarder et avec frénésie.

— Tout beau, tout beau ! mon petit, calma le chasseur. Ne le déchire pas. Allons ! doucement, doucement !

Alors, sans haine aucune, comme s’il eût caressé Mitis ou Moute, Miraut lécha doucement et longuement sa victime morte et la puça même d’avant en arrière et d’arrière en avant. Puis, excité sans doute par l’odeur du sang, il renifla le ventre et ouvrit la gueule pour y aller de son franc coup de dent.

Lisée jugea que c’était suffisant et, lui reprenant bien vite le capucin, il commença par le faire pisser en lui pressant sur la vessie et puis le mit immédiatement et sans façons dans la grande poche carnier de sa veste de chasse.

Toutefois, pour que Miraut n’eût pas couru pour rien et pour l’encourager à continuer, il lui coupa successivement, à la dernière jointure, les quatre pattes du lièvre et les lui jeta une à une.

Elles disparurent comme une bouchée de pain, poil et os, et griffes, et viande, et Miraut attendait encore tandis que Lisée le félicitait tout heureux :

— Hein, nous voilà dépucelé ! mon vieux Mimi. Comme l’autre, insensible aux discours, attendait toujours, il voulut lui jeter un bout de pain et un morceau de sucre qui furent profondément dédaignés.

— Ah ! il faut de la viande à monsieur, maintenant ! T’es pas dégoûté, mon salaud, marmonna le chasseur en ramassant les provisions auxquelles son chien n’avait pas voulu mordre. Attends un petit peu, mon vieux, lu les mangeras bien tout à l’heure.

Et la chasse continua.

  1. Patte à relaver : chiffon pour laver la vaisselle.