Le Roi vierge/Livre 2, 4

Édouard Dentu (p. 312-314).
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Livre deuxième — Frédérick

IV

Le prince Flédro-Schèmyl entra vivement dans une chambre de l’hôtel des Quatre-Saisons, où se trouvaient un vieux petit homme qui ouvrait des malles, à genoux, et une femme en costume de voyage, assise devant une glace, défaisant ses cheveux avec des gestes fatigués.

— Impossible de voir le roi ! dit le chambellan.

Et il raconta l’histoire extravagante du naufrage. Heureusement Karl, qui veillait toujours sur son maître, était accouru, jetant des cris d’alarme, et des pages, des écuyers avaient retiré des flots Frédérick et Lisi, mouillés, froids, grelottants. Le roi, maintenant, reposait les yeux éteints, la bouche muette. Aucun danger pour lui. Mais l’archiduchesse Lisi était en proie à une fièvre de plus en plus violente ; elle frissonnait comme la feuille dans l’orage ; elle avait le délire ; le médecin de la reine Thècla, appelé sans retard, hochait la tête d’un air d’inquiétude.

— Millo Dious ! dit Brascassou, voilà qui gêne nos projets.

Le chambellan sourit. Il n’y avait pas à s’inquiéter de l’indisposition de Lisi ; peut-être même était-ce un heureux hasard, cette maladie, qui, pendant plusieurs jours, tiendrait la petite archiduchesse à l’écart. Le prince Flédro-Schèmyl ajouta qu’en sortant de la Résidence, il avait vu l’intendant des théâtres : Gloriane débuterait dans trois semaines.

— Alors, s’écria Brascassou, l’affaire est dans le sac.

Puis, se tournant vers la femme qui n’avait point bougé :

— Je présente mes devoirs à la divine Mona Kharis !

Gloriane Gloriani ne répondit pas. Elle souriait seulement ; elle pensait à ce pauvre petit roi, si timide et si pur, dont elle allait s’emparer, elle, si terrible ! Ce serait singulier. Un enfant ! Elle souriait toujours, en prenant à pleines mains ses lourds cheveux fauves d’où sortait une forte odeur de fourrure et de chair.

FIN DU LIVRE DEUXIÈME.