Attinger Frères (p. 66-68).

XX

Après l’intérêt stratégique, l’intérêt politique.

En défiant à la fois la Russie, la France, l’Angleterre, et l’on peut dire indirectement l’Univers entier, le Deutschland comptait avant tout sur la dîme de ses 66 millions d’habitants, 78 avec les Autrichiens teutonnisants, contre les 40 millions seulement de la France. Elle n’oubliait pas non plus qu’elle, Allemagne, augmente annuellement d’un demi million à un million d’êtres, tandis que la France ne s’accroît que de quelques dizaines de milliers, et même parfois enregistre plus de morts que de naissances. Hypnotisée d’elle-même, elle ne voulait pas s’apercevoir que les Russes augmentent beaucoup plus vite qu’elle ; d’ailleurs, elle les méprisait pour maintes raisons, dont la première est qu’ils ne sont point Allemands.

Si l’Europe a la sagesse de se défendre préventivement contre les Allemands ainsi qu’ils ont eu la sournoiserie de la miner par une avant-guerre avant de l’attaquer témérairement dans une lutte générale, elle sera fort diminuée, de dix, de quinze, de vingt millions d’âmes, qui sait ?

Il n’est pas du tout indifférent que le xxe siècle, accompagné de plusieurs autres, ainsi que le manifeste le souhait de bonne année, voie la France plus vaste de quelques millions d’hectares, avec quelques millions d’habitants de plus, et la « Bocherie » diminuée d’autant. Avec les provinces orientales que les Russes ne manqueront pas de s’attribuer pour arrondir la Pologne, les agresseurs de 1914 seront assez appauvris en hommes pour ne plus risquer la folie de « Rücklosigkeit » qui a mis le monde à feu et à sang.

La main-mise sur la rive gauche du Rhin a donc une raison morale : punir le méchant, contenir l’agité, ligoter le fou ; et deux raisons d’intérêt, l’une stratégique, l’autre quantitative.