Attinger Frères (p. 51-53).

XV

Dires et délires de Lasson et de Houston Chamberlain

La « modération » de ces conditions de paix aura peut-être pour effet d’éveiller notre « modération » à nous. En tout cas, elle nous met brutalement au rang des peuples inférieurs, inutiles, dont, disent les docteurs de là-bas, la suppression serait un grand profit pour le monde. Car, dit l’illustre professeur Lasson, « nous sommes intellectuellement et moralement supérieurs à tous les autres hommes ; hors de pair. Notre armée est, pour ainsi dire, une image réduite de l’intelligence et de la moralité du peuple allemand. Nous avons pour devoir de sacrifier les meilleurs et les plus nobles d’entre nous contre les brutes russes, les mercenaires anglais et les fanatiques belges. Nous voulons la paix, la sécurité, et nous la garantirons ensuite aux autres. Nous n’avons donc à nous excuser de rien.

« Nous ne sommes pas un peuple de violents ; nous ne menaçons personne quand on ne nous attaque pas ; nous faisons du bien à tous… »

Cette violence d’autolâtrie a été dépassée par un Anglais, Houston Chamberlain. Les livres de ce délirant font les délices de « l’empereur du monde ». On y apprend que « la liberté qui n’est pas allemande n’est point une liberté » ; que « l’homme qui ne sait pas l’allemand est un paria » ; qu’« il croit, lui Chamberlain, à la sainte langue allemande comme on Dieu ».

Voici la leçon que ce maniaque tire de la contemplation des siècles écoulés. « Nous que le regard jeté sur les temps passés a facilement instruits, nous ne pouvons pas ne pas regretter que partout où pénétra le bras vainqueur du Germain, il n’ait pas anéanti les vaincus ; grâce à quoi la latinisation, c’est-à-dire le mélange avec un chaos de peuples, a ravi de vastes territoires à la seule influence rafraîchissante d’un sang pur, d’une force ininterrompue de jeunesse, et au règne de la plus haute intelligence. » Pour lui, le type de la beauté humaine est le type allemand de de Moltke ou le type anglais de Wellington. On peut préférer celui de Bonaparte premier consul.