Attinger Frères (p. 38-43).

XII

Que dit l’Allemagne pangermanique de Joseph-Ludwig Reimer ?

Dans ce livre compact, qui date de cette même année 1905 où le Kaiser s’est institué centre probable du monde, Reimer partage en trois la France, heureuse d’après lui d’être sauvée de la décadence et d’être désormais participante de l’ascension germanique.

Le Nord, jusqu’à la Bretagne, et la Wallonie ou Belgique de langue française bénéficieront de l’inestimable avantage d’avoir beaucoup de sang allemand versé dans leurs artères par les immigrations d’antan. Ils auront la joie pure d’entrer dans la « cité germanique » après épuration et teutonnisation de l’ensemble de leurs familles.

La « Cité germanique ? » « De même que les Romains gouvernèrent le monde comme hommes libres, comme citoyens romains, ainsi faut-il que les Germains y règnent maintenant comme citoyens allemands. » Mais de cette Civitas Germania ne sera pas nanti tout le monde : il faudra la mériter par ses vertus allemandes !

Le Centre et l’Ouest, Paris compris, jusqu’à Clermont-Ferrand et à Bordeaux, resteront indépendants (en apparence), sous le protectorat de l’Allemagne, mais soumis à une patiente allémanisation ; la stérilité y sera imposée aux familles qui n’auraient pas de sang deutsch dans les veines : chose logique en un pays de célibataires et de fils uniques.

Tout le reste, de Lyon à Nice, à Hendaye, sera colonisé par les bons Boches, on ne saurait dire encore dans quelles conditions, « Le grand empire ne saurait souffrir d’être en contiguïté avec une masse étrangère dangereuse… Il nous faut communiquer directement avec l’Atlantique et la Méditerranée, acquérir par les Pyrénées un accès à la péninsule ibérienne ; nous établirons ainsi la liaison avec l’Amérique du Sud, devenue une partie de notre empire ».

Ce vertige d’ambition consterne. L’Allemagne va dévorer l’Europe et l’Amérique, sans compter l’Asie, visée par le chemin de fer de Bagdad, et l’Afrique, passionnément convoitée. Or, l’Allemagne touche à la Russie, quarante-deux à quarante-trois fois plus vaste que la terre teutonne, et d’une population presque triple, s’augmentant deux à trois fois plus vite que la pullulance des Boches ; elle touche aussi à la France, nation vivace, électrique ; elle est à deux pas de l’Angleterre, maîtresse des mers ; elle prend sans façon l’Amérique méridionale, trente et tant de fois plus grande que le domaine de Berlin, habitée par une race entêtée d’entêtement ibérien et d’entêtement indien et dont l’accroissement annuel est relativement très supérieur à celui du « pays qui est au-dessus de tout dans le monde ».

Voilà, nous Français, comment nous traite l’Iroquois Reimer, qui n’a pas honte de proposer l’expropriation, l’émasculation des nôtres, et toute mesure propre à favoriser la stérilité de nos familles pour faire place aux familles allemandes : pensions à partir d’un certain âge à tout ménage français sans enfants ; pensions à ceux qui seront restés célibataires ; avantages faits au clergé catholique et aux couvents qui, par définition, ne se propagent pas par voie naturelle ; faveurs octroyées aux maisons de prostitution qui détournent la sève de son droit chemin et, finalement, font œuvre de stérilité ; transport des Français expropriés n’importe où, jusque en Chine, et surtout en Chine, où ils feront obstacle à la race jaune, au « Mongolisme. »