Le Quirinal et le Vatican depuis 1878/01

Le Quirinal et le Vatican depuis 1878
Revue des Deux Mondes3e période, tome 54 (p. 314-341).
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LE
VATICAN ET LE QUIRINAL
DEPUIS 1878

I.
LE PAPE LÉON XIII ET L’EUROPE.

Aux mois de janvier et de février 1878, lors de la mort presque également inattendue de Victor-Emmanuel et de Pie IX, je faisais à Rome ma quinzième ou seizième visite. Le premier roi moderne de l’Italie une et le dernier pape-roi, frappés à quelques semaines de distance, attiraient Italiens et étrangers, pèlerins du patriotisme ou de la foi, autour de leurs dépouilles rivales, l’un au Panthéon, l’autre à Saint-Pierre, comme si la mort, qui d’ordinaire apaise tout, s’était plu à dresser tombe contre tombe. Les cardinaux, bannis du Quirinal, où, depuis la mort de Pie VII, avaient eu lieu toutes les élections pontificales, s’étaient, après quelques hésitations, réunis en conclave au Vatican. De la place Saint-Pierre on distinguait par-dessus la colonnade du Bernin les fenêtres grillées à la hâte du conclave improvisé, et du pied de l’obélisque les amateurs des vieux usages pouvaient guetter la sfumata traditionnelle. Romains et forestieri étaient curieux de savoir quelles mains recueilleraient la lourde succession de Pie IX. Dans le monde et dans la presse, on discutait les titres des cardinaux « papables. » Les marchands du Corso exposaient leurs photographies, et les promeneurs supputaient les chances de chacun. Sur la place de la Minerve, à quelques pas du Panthéon, où Victor-Emmanuel attend encore un monument, je me rappelle avoir vu un homme du peuple mettre le doigt sur le portrait du cardinal Pecci et s’écrier : « Eccolo il papa[1] ! » D’ordinaire rien de plus imprévu que le choix des conclaves : « Qui y entre pape en soit cardinal. » Cette fois, on aurait pu dire en renversant l’antique adage : Vox Dei vox populi. Bien que cette rapide élection ait été assurée par les cardinaux étrangers, le pape eût, selon l’ancienne coutume, été nommé par le clergé et le peuple de Rome, que le successeur de Pie IX eût sans doute encore été le cardinal camerlingue. Rarement élection fut aussi bien accueillie. En dehors de quelques zelanti, qui rêvaient une sorte de Jules II de l’ultramontanisme, on se félicitait presque unanimement de voir l’anneau du pêcheur au doigt d’un pontife qu’un ancien ministre de Victor-Emmanuel avait salué d’avance comme l’un des esprits les plus élevés du sacré collège, « comme un caractère des mieux équilibrés et des plus vigoureux, » comme un homme enfin ayant réalisé l’idéal du cardinal tel que le traçait saint Bernard[2].

Les applaudissemens donnés au choix du conclave me frappaient d’autant plus que personne, parmi les adversaires ni parmi les admirateurs de Pie IX, ne savait quelle conduite tiendrait le nouveau pape. Les rumeurs les plus différentes couraient à ce sujet. Parmi les libéraux italiens, beaucoup inclinaient à voir en Léon XIII le pontife de leurs rêves, le pape de la conciliation. Dans le camp opposé, tout le monde, à cet égard, n’était pas rassuré. Plus d’un prélat craignait qu’après quelques semaines de réserve Léon XIII ne rompît avec les vues ou les traditions de Pie IX. On redoutait par-dessus tout de le voir renoncer au rôle de prisonnier volontaire. On le savait actif, aimant l’exercice et la marche, habitué aux longues courses de montagne ; on se demandait s’il aurait longtemps la patience de rester confiné dans l’enceinte du palais et de l’étroit jardin qui forment les derniers états du saint-siège. Le bruit circulait à Rome qu’un des premiers actes de Léon XIII, encore camerlingue, avait été de faire repeindre les voitures du Vatican, oubliées depuis 1870. Aux yeux des partisans de la réclusion pontificale, c’était mauvais signe, cela faisait appréhender l’abandon de là tradition du pape captif, inaugurée par Pie IX depuis la chute de la royauté pontificale.

L’avenir allait bien vite montrer ce qu’il y avait d’erreur dans ces espérances des uns et dans ces alarmes des autres. Les esprits les plus clairvoyans ne s’y étaient pas trompés. Longtemps avant l’ouverture du conclave de 1878, le premier écrivain politique de l’Italie (et l’un des premiers de l’Europe), M. R. Bonghi, mettant ses compatriotes en garde contre leurs illusions, leur rappelait que, sur l’église et sur la société, le futur Léon XIII n’avait au fond pas d’autres idées que ses collègues du cardinalat et que le successeur de Grégoire XVI[3]. À regarder les hommes, à comparer les caractères, tout est contraste entre Pie IX et Léon XIII, mais de cette dissemblance des natures et des tempéramens on avait tort de conclure à l’opposition des vues ou à la contradiction des actes.


I

Dans la longue série des papes dont les médaillons de mosaïque se déroulent sur la frise de Saint-Paul hors les murs, l’histoire trouvera peu de figures aussi tranchées que celles de Pie IX et de Léon XIII. Le contraste entre eux frappe à première vue ; il éclate dans les traits du visage, dans la démarche, dans la physionomie, dans l’extérieur tout entier, et chez eux, ces différences du dehors ne font que révéler l’opposition des esprits et des caractères.

Les traits réguliers, le visage empreint d’une noblesse aisée, la face pleine, l’œil grand et ouvert, Pie IX, avec sa belle prestance, semblait, malgré toutes ses vicissitudes et ses chagrins, respirer la force, la confiance, la vie. Il y avait en lui un curieux mélange de bonhomie et de souveraine dignité, de malice spirituelle et de rondeur bienveillante. Grand, maigre, sec, la face longue, pâle et ridée, Léon XIII semble frêle, délicat, nerveux ; on ne s’étonne pas de le savoir prompt aux évanouissemens. Jusque dans ses dernières années, Pie IX avait, à travers tous ses déboires, gardé un fond de belle humeur qui survivait à toutes les épreuves ; sous la majesté du pontife, toujours plein de son rôle sacré, on devinait la chaleur d’une nature expansive, et l’extrême vieillesse avait à peine amorti sa vivacité, sa sensibilité, sa fougue natives[4]. Léon XIII, avec son corps d’ascète et sa physionomie d’homme du monde, a dans toute sa personne quelque chose d’austère, de froid, de contenu et en même temps de noble, d’élevé, de grave. Chez lui aussi, dans la bouche aux coins relevés et dans les yeux au vif regard, percent à la fois la finesse et la bonté, mais une finesse plus apte à pénétrer les hommes, à démêler leurs pensées et leurs intérêts qu’à saisir et à railler leurs travers, mais une bonté tenant moins de l’instinct ou du tempérament que de la vertu et de la hauteur de l’âme, une bonté plus réservée, à la fois moins débonnaire et plus soucieuse de ne rien froisser, incapable de faiblesse, de prodigalité, d’engoûment, aussi bien que de colère, de ressentiment ou de mordantes saillies.

Ces différences entre les deux pontifes se font jour dans leur langage et leurs réceptions, dans leur administration de l’église et du palais apostolique non moins que dans leurs rapports avec les gouvernemens et les états. Pie IX, simple en sa personne, comme tous les papes modernes, aimait à entourer le saint-siège d’éclat et de magnificence. Il avait le goût royal de la pompe et du luxe des arts ; jaloux d’illustrer en tout son pontificat, il se plaisait à construire, à restaurer les monumens et les églises. Je connais peu de basiliques romaines, brillantes ou sombres, qui, dans les caissons dorés de leurs plafonds ou dans les marbres polis de leur pavage, ne montrent le lion dressé des Mastaï, et l’on sait que, non content d’achever les loges de Raphaël, Pie IX a osé ajouter une « chambre » aux stanze du peintre d’Urbin.

Elevé à la papauté à une heure de difficulté et de pénurie, privé d’une partie des revenus assurés à son prédécesseur par l’admiration des fidèles, Léon XIII a cherché dès le début à diminuer les charges du saint-siège, à régler ses finances sur les modestes ressources que lui fournissent le denier de Saint-Pierre et un budget d’aumônes. Administrateur vigilant et économe, il a supprimé les abus introduits sous l’indulgente vieillesse de son prédécesseur, réformant l’intérieur du Vatican, devenu tout son royaume, avec autant de soin qu’en mettait Sixte-Quint à gouverner l’état pontifical, introduisant partout l’ordre, la régularité, l’épargne, et, de cette tâche ingrate, recueillant de la part même des serviteurs du saint-siège moins de reconnaissance que de mécontentement. Il a réduit ou aboli les fonctions inutiles, diminué le nombre des sinécures, réformé le personnel du palais, rogné le traitement des prélats mis en disponibilité par la suppression du pouvoir temporel. Déjà, à son avènement, il avait refusé de donner aux gardes du Vatican la gratification d’usage, alléguant que, depuis qu’il vit de quêtes et d’offrandes, le saint-siège est tenu d’être parcimonieux. Il y a un potager au Vatican ; on assure que Léon XIII en a fait vendre les légumes au marché au lieu d’en laisser profiter les prélats du palais. Mettant de côté la plupart des dépenses de luxe, il a employé les minces revenus du saint-siège aux œuvres essentielles, à la lutte contre ses ennemis du dedans et du dehors, à la fondation d’écoles, à l’entretien des missions, à la presse qu’il ne dédaigne pas d’éclairer de ses communications et même parfois, dit-on, de morceaux de sa plume.

Pie IX, jusque dans son extrême vieillesse, aimait les audiences publiques ; il aimait à haranguer la foule des pèlerins qu’il animait de sa parole ardente et des ; éclats d’une voix dont l’âge ne pouvait altérer le timbre. À ces bruyantes et fatigantes réceptions, Léon XIII, par politique comme par besoin de recueillement, préfère le silence du cabinet et le travail solitaire. Par système ainsi que par tempérament, il aime moins à parler qu’à écrire. Pie IX était orateur, plein d’une naturelle et impétueuse éloquence, doué d’une voix d’une admirable sonorité, habile à l’improvisation, n’en redoutant ni les entraînemens ni les perfides interprétations, Léon XIII est un écrivain qui aime à méditer ses pensées, à pondérer son langage. Avant tout, épris de la mesure, il ne livre rien au hasard de l’inspiration. Est-il obligé de parler aux pèlerins dont il doit parfois satisfaire l’indiscrète piété et auxquels il ne peut toujours refuser le spectacle d’une audience solennelle, il le fait brièvement, souvent en latin, non par goût de docteur ou d’humaniste, mais parce qu’une langue morte tempère la chaleur du langage, en amortit les aspérités, donne à toutes les revendications quelque chose de plus calme et comme d’hiératique. Depuis le XVIIIe siècle, depuis Benoît XIV et Clément XIV, Rome n’avait pas vu un pape aussi cultivé, aussi versé, non-seulement dans les sciences ecclésiastiques, mais dans les lettres classiques et les littératures vivantes. Théologien et philosophe, fort épris de la scolastique et de saint Thomas, il n’est ni dédaigneux de la poésie et du beau langage, ni étranger aux études profanes ou aux sciences modernes. Selon la tradition du dernier siècle qui s’est survécu en Italie, il a été poète à ses heures, poète latin et italien ; mais, en même temps, il lit nos publicistes, il les a suivis dans le champ ingrat de l’économie politique, et, en ses mandemens d’évêque, il ne craignait pas de citer les revues françaises[5]. On loue le langage toscan et la plume latine de Léon XIIÏ. À l’inverse de la plupart de ses prédécesseurs, de Pie IX notamment, qui n’écrivait point et ne lisait guère, Léon XIII aime à rédiger lui-même ses encycliques. Aussi croit-on, à travers la banalité des formules traditionnelles, y sentir un accent plus personnel que dans la plupart des écrits scellés des bulles romaines.

Esprit, goûts, habitudes, qualités spontanées ou acquises, il serait malaisé de trouver deux hommes plus différens que ces deux pontifes, dont chez tant de fidèles les portraits se font pendant. Chez l’un, tout semblait de premier mouvement ; chez l’autre, tout est réflexion ; le premier était tout expansion, le second paraît toute réserve ; celui-là était pour ainsi dire tout en dehors, celui-ci est tout en dedans. On dirait qu’en les appelant à se succéder, la Providence a voulu les corriger et redresser l’un par l’autre. Après un pontife peu lettré, peu travailleur, tenant en médiocre estime la science et l’étude, excellant surtout dans le personnage extérieur du pape et dans les fonctions de représentation, est venu up homme érudit et studieux, ami de la retraite, fuyant le bruit et les ovations. À une sorte de tribun religieux, bouillant, enthousiaste, passionné, d’une verve qui ne s’interdisait rien, d’une ferveur pliant parfois jusqu’au mysticisme et touchant à l’illuminisme, à un pape vénéré de son vivant comme un saint et sûr d’être un jour canonisé, qui, chez les fidèles, passait pour avoir le don des miracles et chez ses ennemis pour avoir le mauvais œil ; à un prince ennemi des compromis, attendant tout de l’intervention, divine, faisant peu de cas de la politique et des moyens humains, a succédé un diplomate circonspect, calculateur et temporisateur, d’une piété froide, exempte de toute exaltation, d’un sens rassis, d’une prudence exercée, décidé à ne rien abandonner à la fortune de ce qu’il peut lui dérober. Cette opposition entre les caractères et les hommes a pu, au début, faire illusion sur les idées et les vues. Pareille erreur ne pouvait durer. Les principes et les visées sont au fond identiques. Et cela est naturel de la part de deux papes nourris des mêmes traditions et, à travers toutes leurs dissemblances, pleins d’une égale foi, dans la haute mission de l’église et de la chaire apostolique. Bien plus, il n’en saurait guère être autrement dans cette séculaire dynastie spirituelle qui se transmet les vues, les projets, les prétentions avec plus d’esprit de suite, qu’aucune lignée de princes du même sang, qui reste liée par ses décisions antérieures et son histoire, par les attaques de ses ennemis aussi bien que par les adorations de ses fidèles.

Pour Léon XIII, le but est le même que pour Pie IX, les voies seules diffèrent ; mais cette différence de formes et de procédés n’est pas sans importance. Dans les choses humaines, dans tout ce qui touche au gouvernement ou à la direction des sociétés, la forme importe, presque autant que le fond.


II

L’objectif de la papauté reste la glorification, ou, comme, on aime à dire parmi les fidèles, le triomphe de l’église. Ce triomphe, dont Pie IX semble jusqu’au dernier jour avoir espéré être le témoin, on ne paraît plus au Vatican en escompter aussi, vite l’échéance. On oublie moins aujourd’hui l’épithète de militante donnée à l’église sur la terre. Cette victoire qui, d’après ses propres doctrines, ne saurait être complète ici-bas, le saint-siège la poursuit depuis dix-huit cents ans à travers des luttes sans trêve contre « le prince de ce monde, » ennemi qui change de forme et de nom avec les siècles. Le grand adversaire aujourd’hui n’est plus le césarisme païen de l’antiquité, ni le néo-césarisme chrétien des rois ou des empereurs du moyen âge ; ce n’est plus le schisme, ni l’hérésie, c’est la révolution, monstre nouveau qui, aux yeux de l’église, réunit en soi toutes les erreurs, toutes les usurpations et les violences. Pour Léon XIII, de même que pour Pie IX et Grégoire XVI, c’est là forcément l’ennemi ; n’a-t-il pas le premier lancé à l’église une déclaration de guerre qu’il renouvelle chaque jour ? Mais tandis que, dans l’ardeur de la lutte, Pie IX semblait enclin à confondre avec la révolution toute la civilisation et l’esprit modernes, Léon XIII s’attache à l’isoler. Il a soin de distinguer entre l’adversaire, qui se proclame lui-même irréconciliable, et la civilisation ou le progrès, les idées ou les aspirations contemporaines. En cela même il n’innove point, il reste fidèle à la tradition, qui a toujours représenté la foi chrétienne comme capable de s’adapter à toutes les modifications survenues dans la société civile. Il ne fait que débarrasser l’église des exagérations qui la déconsidèrent ou des alliances qui la compromettent.

Quelle est l’idée dominante de Léon XIII, la pensée qui a inspiré de préférence ses mandemens d’évêque et ses encycliques de pape ? C’est l’harmonie de la raison et de la foi, l’accord de la religion et de la civilisation, « issue comme une fleur et un fruit de la racine du christianisme[6]. » En cela se résume toute la philosophie sociale de Léon XIII ; chez lui l’harmonisme, si l’on peut ainsi parler, est une sorte de système. Sa doctrine est, en plus grand et appliquée au catholicisme, la thèse optimiste de Bastiat dans ses Harmonies économiques, et, de fait, l’ouvrage de Bastiat, qu’il cite dans ses mandemens, semble avoir vivement frappé l’ancien évêque de Pérouse. Cette théorie des harmonies, opposée aux antinomies de Proudhon et des révolutionnaires et déjà chère à plusieurs de nos écrivains ecclésiastiques, au père Gratry, par exemple, Léon XIII l’a étendue à tout le monde, moral et intellectuel, social et politique ; il ne se lasse pas de la proclamer, elle inspire tous ses actes comme ses écrits.

Ce principe des harmonies divines et humaines, spirituelles et temporelles, a-t-il quelque chose de nouveau ? est-il personnel au successeur de Pie IX ? Nullement, ce n’est au fond qu’un des lieux-communs les plus rebattus de l’apologétique chrétienne, des premiers pères de l’église aux modernes conférenciers de Notre-Dame. Léon XIII, avant tout homme de tradition, le sait mieux que personne : c’est la thèse que Jules II et Léon X ont magnifiquement symbolisée en transparentes allégories dans la plus belle des chambres de Raphaël[7] ; c’est celle qui a inspiré tout le moyen âge et les grands scolastiques, à commencer par « l’ange de l’école, » le philosophe favori de Léon XIII, saint Thomas d’Aquin.

Ce qui fait l’originalité de Léon XIII, c’est que, pour lui, cette harmonie de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel, de la société civile et de la société religieuse, n’est pas seulement une thèse d’école, un thème à développemens oratoires, mais une conviction profonde, vivante, qui l’anime tout entier ; — c’est surtout que, en rompant avec les écoles catholiques qui semblent mettre leur idéal en arrière, le saint-père, d’accord avec l’esprit du siècle, a fait dans sa philosophie sociale une large place à la notion du progrès qui est la notion moderne par excellence. Malgré sa prédilection pour la vieille scolastique, en dépit de son penchant, à nos yeux singulier et en effet peut-être peu pratique, à faire élever les clercs de l’église avec les méthodes du XIIIe siècle, Léon XIII, sur ce point d’accord avec son temps, s’est plu à proclamer le caractère progressif de notre civilisation ; il en a célébré les conquêtes dans la sphère sociale et la sphère politique aussi bien que dans la sphère matérielle[8]. Et cela, il semble l’avoir fait avec une sincérité, avec une chaleur que nous étions peu habitués à rencontrer chez les ecclésiastiques, en dehors de ce brillant et vaillant groupe des catholiques dits libéraux, tenus sous Pie IX en si grande suspicion à Rome.

Ce progrès même, ce développement continu et indéfini de la civilisation est aux yeux de Léon XIII intimement lié au maintien et au respect du christianisme. En dehors de lui, il n’y a pour l’humanité que « fausse civilisation, » que progrès extérieur et menteur ; et c’est seulement ce faux progrès qu’avait en vue Pie IX lorsque, dans son Syllabus, il déclarait que l’église ne pouvait se réconcilier avec le progrès et la civilisation moderne : cum progressu et cum recenti civilitate[9].

Cette fausse civilisation qui, en sapant le christianisme, mine la base du vrai progrès, Léon XIII ne la repousse pas moins sévèrement que Pie IX. La liberté absolue de penser et d’écrire, « la liberté du mal, » ne trouve pas davantage grâce devant lui. À cet égard, rien ne le sépare du pape du Syllabus, bien que, par caractère, par modération naturelle, par politique aussi, il soit moins prompt aux anathèmes. Tandis que Pie IX, en cela d’accord avec les pires ennemis du catholicisme, ne cessait d’accentuer et au besoin d’outrer les dissentimens de l’église et des idées modernes, Léon XIII incline plutôt à les pallier ou à les adoucir, à réduire le champ des oppositions et des dissidences pour diminuer le nombre des adversaires.

Avec les hautes ambitions des jours de sacre, il aspirait, en ceignant la tiare, à pacifier les sociétés et les intelligences. Sans avoir jamais goûté l’enivrant breuvage de la popularité, il a refait d’une autre manière le rêve de Pie IX lui-même à ses débuts, le rêve de concilier l’église et les aspirations modernes ; et quoique, lui aussi, il ait bien vite eu d’amères déceptions, quoique les deux ou trois premières années de son pontificat fussent peu faites pour l’encourager, il semble ne point désespérer. Il reste soutenu par sa foi dans l’harmonie providentielle de la religion et du progrès normal, et cette foi, il s’efforce de l’inculquer aux peuples et aux gouvernemens. Là est la clé de sa politique.

En homme d’autorité et de tradition, c’est aux chefs d’états, aux princes, aux ministres, c’est aux pasteurs des peuples que s’adresse de préférence le pasteur de l’église, leur offrant son aide pour la garde de leur troupeau. Il les exhorte à respecter la religion, à n’en dédaigner ni l’appui, ni les leçons, leur montrant la connexité des intérêts religieux et des intérêts sociaux, la solidarité de l’autorité spirituelle et des pouvoirs temporels.

Rien de moins neuf assurément que ce point de vue ou cette tactique, rien, si l’on veut, de plus usé, de plus démodé. C’est au fond la vieille thèse de l’union du trône et de l’autel ; c’est le vieux dogme de l’alliance des deux pouvoirs symbolisé au moyen âge dans le célèbre emblème des deux lumières qui éclairent d’accord la route de l’homme :

Solea Roma che’l buon mondo feo
Due soli aver, che l’una e l’altra strada
Facean vedere, e del mondo e di Deo[10].

Pour banale et surannée que semble cette théorie d’un autre âge, les appétits menaçans de la démocratie, les visées peu dissimulées de la révolution cosmopolite, les attentats multipliés des régicides en Allemagne, en Espagne, en Russie, en Italie même, lui rendaient, auprès des détenteurs héréditaires du pouvoir, une force et une actualité qu’elle n’avait plus depuis longtemps. Le fusil de Nobiling ou le pistolet de Moncasi, le poignard de Passanante, les Dombes de Sophie Perovski et de Kibalichich, n’ apportaient-ils pas coup sur coup un argument à la thèse du pontife ? Léon XIII, du reste, ne semblait pas vouloir vendre trop cher l’appui de l’église. Il se gardait d’afficher aucune des prétentions capables d’effaroucher le pouvoir civil : il ne réclamait, avec la liberté de l’église, que le droit d’enseigner aux peuples la soumission aux puissances. Ces offres de concours, Léon XIII les adressait à tous les gouvernemens, aux républiques comme aux monarchies, aux maîtres hérétiques de la fidèle Irlande, au tsar autocrate qui personnifie le schisme, et au kaiser allemand, à la fois héritier de Barberousse et de Luther, aussi bien qu’à sa majesté catholique et à sa majesté apostolique. Le moyen âge se représentait la société, la cité chrétienne sous la forme d’une ville aux remparts crénelés, assiégée par des loups et des bêtes féroces symbolisant l’hérésie et les doctrines perverses, dépendue sous la conduite du pape, de l’empereur et des rois, trônant sous un dais, par la double milice ecclésiastique et séculière des chevaliers, des princes et des moines de l’église. C’est toujours sous cette forme qu’on pourrait figurer la cité humaine, telle qu’on se la représente autour de Léon XIII, mais les murailles s’en sont élargies. Les fils dévoués de l’église et les princes catholiques n’y ont plus seuls accès ; il y a place à côté d’eux pour le protestant et le schismatique. L’ennemi que tous doivent combattre d’accord, les loups croissans qu’il s’agit de repousser, c’est l’athéisme, le socialisme, la révolution, qui menacent de dévorer la vieille civilisation occidentale.

Dans cette lutte contre l’ennemi commun, que vaut le concours de l’église ? Son pouvoir paraît bien déchu ; l’appui que, par la bouche de son chef, elle offre à ses anciens alliés et rivaux, paraît ou précaire ou compromettant. Dépouillée de sa couronne temporelle, spoliée dans la plupart des états de ses biens et de ses antiques privilèges, assaillie de tous côtés, il semble que désormais elle puisse reprendre comme armoiries les symboles des catacombes, Daniel dans la fosse aux lions. Jouas dans le ventre de la baleine ou Noé dans l’arche flottant sur les eaux du déluge. N’est-ce point de la présomption de sa part que d’offrir ainsi son aide à des gouvernemens appuyés sur des millions de baïonnettes ?

Si désarmée que soit l’église, si diminué que paraisse son empire sur les âmes et sur les sociétés, elle possède encore une force propre sans égale ni analogue dans le monde, en dehors des sourdes puissances qui fermentent dans l’Islam. En face du fractionnement des partis et des opinions, au milieu de la pulvérisation des influences sociales, l’église reste encore la plus grande force morale vivante. Quand on envisage le rôle de la religion dans notre âge de sceptique positivisme, on reconnaît que ce qu’elle perd d’un côté, elle le regagne souvent en partie d’un autre, que tout ce qui en rétrécit la sphère d’action en accroît l’ascendant dans le domaine qui lui reste. La révolution et la démocratie semblent devoir restreindre de plus en plus l’influence de l’église et des doctrines religieuses en général, cela est difficile à nier ; mais, par contre, plus la démocratie devient envahissante, plus provocante se montre la révolution et plus elles inclinent aux doctrines religieuses, plus elles rapprochent de l’église les esprits, les classes, les pouvoirs qu’effraie le débordement des principes démocratiques.

On voit parfois, dans le ciel du printemps ou d’automne, deux courans atmosphériques superposés emporter en sens différent, voire en sens presque inverse, les nuées d’en haut et les nuages d’en bas. Pareil spectacle n’est pas rare dans le monde moral, aux époques troublées surtout ; les couches inférieures de la société semblent poussées vers un pôle, tandis que les couches supérieures paraissent entraînées vers l’autre. Le XIXe siècle nous a plus d’une fois offert ce triste phénomène. C’est ainsi que l’Occident de l’Europe a vu simultanément les classes populaires perdre peu à peu le sentiment religieux, et les classes riches ou aisées en retrouver le besoin ou le respect. Dans les sociétés, comme dans l’air ou dans l’océan, il faut tenir compte de ces contre-courans, souvent parallèles, qui se répondent en sens contraire et qui, dans leur opposition même, ne sont fréquemment que la conséquence et le produit l’un de l’autre, tout excès, toute poussée dans un sens, déterminant infailliblement un mouvement dans la direction opposée.

Jamais dans l’histoire la religion n’a excité à la fois autant de haines et autant de dévoûmens qu’aujourd’hui. La raison en est simple. Pour les uns, la religion est un joug haïssable ; pour les autres, un frein nécessaire ; les premiers y voient un obstacle à l’émancipation de l’humanité ; les seconds, le rempart de la société. À travers leurs excès ou leur fanatisme en sens inverse, ces haines et ces amours sont au fond d’accord pour considérer le christianisme comme la pierre angulaire de notre vieille civilisation. L’église ne saurait manquer de tirer parti de cette involontaire entente de ses plus acharnés ennemis et de ses plus chauds défenseurs. Près des pouvoirs menacés par la révolution, près des esprits inquiets des revendications du socialisme, la guerre déclarée à la religion est, heureusement pour elle, la meilleure des recommandations. Les attaques mêmes de ses adversaires indiquaient à l’église une tactique que Léon XIII est loin d’avoir découverte, qui a été maintes fois employée par ses deux prédécesseurs, mais qu’il a pratiquée, sinon avec plus de bonheur, du moins avec plus d’à-propos, d’esprit de suite et de clairvoyance.


II

Le premier acte de Léon XIII (on pourrait dire son manifeste d’avènement), a été une encyclique contre le socialisme. « Aux peuples et aux princes ballottés par la tempête il a montré le port de l’église, les suppliant, au nom de leur propre salut, de se persuader que les intérêts de la religion et de l’état sont si étroitement unis que tout affaiblissement de la religion entraîne l’affaiblissement du respect des sujets et de la majesté de l’autorité. » Dans cette encyclique, le saint-père n’avait pas de peine à démontrer la filiation du socialisme et de l’irréligion, car « la notion de Dieu, de l’âme, de la vie future, une fois mise de côté, le désir du bonheur a été renfermé dans l’espace du temps présent ; » les déshérités de ce monde, ayant perdu la foi dans la Jérusalem céleste, ont prétendu la faire descendre des cieux. sur la terre, et réaliser ici-bas, à leur manière, le royaume de Dieu.

Cette encyclique contre le socialisme, alors le principal adversaire du chancelier germanique, était une avance au gouvernement contre lequel le dernier pape-roi avait le plus fulminé d’anathèmes. Pie IX avait laissé le saint-siège en guerre plus ou moins ouverte avec la plupart des états du continent. Léon XIII n’avait rien de plus à cœur que de nouer des négociations avec les adversaires de la curie. S’il n’a pu encore signer aucun traité de paix, s’il a même vu de nouvelles puissances entrer à leur tour en lutte avec la chaire apostolique, ce n’est pas lui qui a rouvert les hostilités, qui a adressé aux neutres un ultimatum ni imaginé des casus belli. Là où il n’a pu conclure la paix, il s’est efforcé d’obtenir une trêve ou d’adoucir les rigueurs de la guerre ; là où il n’a pu éviter un conflit, il n’a rien épargné pour le prévenir ou le retarder.

Il y a, dans les Évangiles, et chez le même évangéliste, deux maximes contraires qui peuvent servir de devises à deux politiques opposées. Dans saint Luc (XI, 23), le Christ dit : « Qui n’est pas avec moi est contre moi ; » dans le même saint Luc (IX, 59) et dans saint Marc (IX, 39) il dit : « Qui n’est pas contre vous est avec vous. » La première de ces paroles eût pu servir de mot d’ordre à Pie IX, la seconde à Léon XIII. Au lieu de déclarer la guerre, il offre à tous la paix. Rejetant le glaive de la parole si hardiment manié durant trente ans par son prédécesseur, il s’est présenté à la société moderne avec une branche d’olivier ou une palme à la main. Il a renoncé à tancer les princes et les gouvernemens dans ses encycliques, ou à les gourmander durement dans ses discours aux pèlerins. Il est descendu du Sinaï de Pie IX et a déposé les foudres de son prédécesseur. Ce n’est pas lui qui traiterait un empereur ou un chancelier d’Achab ou d’Attila. Il appelle sans scrupule « empereur magnanime » celui que, la veille encore, son prédécesseur stigmatisait du nom de fléau de Dieu[11]. Il n’insiste pas pour qu’on aille faire amende honorable à Canossa, et il ne laisserait pas un souverain attendre l’absolution, les pieds nus dans la neige. Aux violentes remontrances de l’apôtre, ans provocantes apostrophes des prophètes, il préfère la courtoise politesse de la langue diplomatique. Si, dans ses bulles et ses brefs il recourt parfois aux énergiques métaphores d’Israël, c’est pour se conformer aux traditions ecclésiastiques. Chez lui on retrouve l’ancien ambassadeur sous le pape, et le nonce derrière le théologiens

Avec Léon XIII, le Vatican est redevenu politique, il a retrouvé la finesse et l’habileté qui ont si longtemps fait la réputation de la Curie. Le pape, qui est lui-même son premier ministre, préside personnellement à toutes les négociations ; à en croire les indiscrets, il a même parfois sa diplomatie en partie double, il sait, au besoin, passer par-dessus ou par-dessous ses représentans attitrés. Toujours est-il qu’il a pris pour secrétaires d’état des hommes bien supérieurs par l’intelligence de leur temps, sinon par la dextérité, au mondain Antonelli, dont le grand art a été de se maintenir auprès d’un pape aussi différent de lui que Pie IX. Après la mort prématurée du cardinal Franchi, que la largeur de ses vues et sa connaissance du monde moderne appelaient à égaler les plus célèbres ministres du saint-siège, après la retraite du cardinal Nina, Léon XIII a rencontré dans le cardinal Jacobini un collaborateur du plus fin discernement, d’une expérience consommée, d’une instruction politique rare dans toutes les chancelleries. L’homme le plus capable de représenter la politique de modération du saint-siège et d’en diriger sous Léon XIII les délicates négociations, était assurément l’ancien nonce de Vienne, qui, durant l’administration des constitutionnels allemands, avait su empêcher l’Autriche de rompre avec le Vatican pour ces délicates questions d’école, partout la pierre d’achoppement des relations du clergé et de l’état, et qui, depuis l’avènement de la droite avec le ministère Taaffe, avait su modérer l’ardeur des catholiques et le zèle intolérant du pieux Tyrol.

Rarement politique a été mieux dirigée ou mieux servie, et pourtant elle n’a eu, en somme, que des résultats médiocres, mêlés de bien » des déboires. S’il a remporté quelques succès, Léon XIII a dû subir de sensibles échecs. Après plus de quatre ans de pontificat, on ne saurait dire que la situation de l’église en Europe soit beaucoup meilleure qu’ara jour où le cardinal Pecci avait, comme camerlingue, frappé de son marteau d’ivoire le front refroidi de Pie IX en lui disant : Dormis ne ? Les adversaires de tout compromis, les contempteurs des habiletés diplomatiques ne se font pas faute de murmurer autour de Léon XIII que sa politique de conciliation n’a pas été plus heureuse que la prétendue intransigeance de son prédécesseur. La faute en est avant tout aux circonstances, au vent qui souffle dans l’air, à l’ardeur des luttes engagées, aux passions excitées de part et d’autre. Les faits ont prouvé que les défiances, les ressentimens, les préjugés mutuels sont parfois plus puissans que les hommes, que les gouvernemens, que les intérêts les plus manifestes. La modération, l’esprit de conciliation qu’il apportait lui-même, il ne dépendait pas toujours de Léon XIII de le communiquer aux cabinets avec lesquels le saint-siège traitait ; si bizarre que cela semble, il n’était même pas au pouvoir du nouveau pape de toujours les inspirer aux catholiques, de faire partout prévaloir ses vues parmi le clergé et les fidèles qui font profession de suivre docilement l’impulsion du Vatican.

L’habile coopération qu’il a rencontrée dans ses secrétaires d’état et ses nonces, Léon XIII est loin de l’avoir trouvée partout autour de lui. Beaucoup des obstacles qui l’ont arrêté viennent des hommes ou des partis dont il semblait devoir commander le concours. De là plusieurs des mécomptes de sa politique, de là aussi les hésitations, les apparentes contradictions, les équivoques ou les incohérences qu’on lui a reprochées comme une inconséquence ou comme un manque d’énergie.

Le pape, proclamé infaillible et vénéré comme un Christ vivant, est obligé de compter avec les préventions de ses ouailles, avec les rancunes, les passions ou les intérêts des partis qui se convient du nom de catholiques. En dépit d’un mot fameux, l’immense milice ecclésiastique n’est point une armée qui obéit mécaniquement aux ordres de son général. Le clergé, et encore moins les catholiques des différens pays, ne sauraient brusquement faire volte-face sur un signe de Rome. La trace d’un pontificat d’un tiers de siècle ne s’efface pas en une année, et l’esprit belliqueux de Pie IX anime toujours nombre des plus zélés champions de l’église.

Dans le sacré-collège, dans l’épiscopat et le clergé, parmi les laïques, dont, avec la presse, l’influence s’est singulièrement accrue dans l’église, on a, dès le début, manifesté avec plus ou moins de retenue des défiances, des regrets pour ce qu’on appelait la politique de concession et de compromis du nouveau pontife. À Rome, beaucoup de prélats ne cachaient pas qu’à leurs yeux, il n’y avait rien à espérer de la part des gouvernemens modernes, que toute transaction avec eux ne serait pour l’église qu’une duperie et une inutile abdication. Au dehors, dans les divers états de l’Europe, les catholiques se trouvaient le plus souvent liés par des luttes et des souffrances communes à des partis politiques dont il leur coûtait de renier la compromettante solidarité. Ces répugnances, plus ou moins naturelles, cette sourde opposition, devaient fatalement influer sur l’attitude et les plans du saint-père, modifier sa conduite, parfois même le mettre plus ou moins en désaccord avec ses idées ou ses vues, le contraindre à des tergiversations et à des irrésolutions qui tiennent aux conjonctures extérieures plutôt qu’à un défaut de volonté, à un manque d’esprit de suite ou à un secret découragement.

Par caractère comme par principe, en effet, Léon XIII est l’homme le moins enclin à briser toutes les résistances, à imposer ses vues de haute lutte. Les qualités de prudence et de patience, la modération et l’esprit d’apaisement qu’il voulait apporter dans les relations du saint-siège avec les états, il les a naturellement déployés dans le gouvernement intérieur de l’église, cherchant à y étouffer les divisions intestines, à y maintenir la concorde, sans prendre ouvertement fait et cause pour aucun parti ou aucune tendance. D’un autre côté, comme homme de tradition et d’autorité, il est désireux de restaurer l’ascendant du sacré-collège et de l’épiscopat, parfois compromis par l’intrusion d’un laïcisme turbulent ou par les excès de la centralisation romaine. Par là même il était plus qu’aucun pontife disposé à écouter la voix des évêques, dont il cherchait à relever les prérogatives, plus qu’aucun autre porté à ménager les susceptibilités ou les préventions de son entourage.

Cette double déférence du pape et de l’homme envers l’épiscopat ou le sacré-collège devait accroître ou, pour mieux dire, exagérer sa circonspection naturelle, fortifier son penchant pour les tempéramens et par suite pour la temporisation. On prétend parfois découvrir un contraste, un changement d’attitude, entre les premiers mois et les dernières années de son pontificat encore si court ; si le fait est fondé, c’en est là, je crois, l’explication.

En tout cas, Léon XIII a déjà éprouvé plusieurs fois que, si dévoués que fussent les fils de l’église, il n’était pas toujours facile de les diriger du fond de la cour de Saint-Damas. Cela s’est vu surtout dans les pays où les catholiques forment des partis, politiques ou nationaux, régulièrement constitués. Laissant de côté l’Espagne et l’Irlande, où le saint-père s’est parfois heurté à des difficultés du même genre, la petite Belgique et la puissante Allemagne ont chacune à leur manière montré que, pour le règlement des affaires ecclésiastiques, la papauté dans ses négociations avec le pouvoir civil n’était pas omnipotente. Dans l’église la plus unifiée du monde, les préjugés et les intérêts, locaux ou nationaux,’sont encore un facteur que l’on ne saurait négliger. Les partis, qui avec un zèle plus ou moins désintéressé militent sous la bannière des clés de saint Pierre, sont souvent plus exigeans, plus belliqueux ou opiniâtres que leur chef nominal ; ils ne se résignent pas toujours à déposer les armes ou à rester sur la défensive pour servir les combinaisons du Fabius Cunctator du Vatican.

La Belgique, un des pays que l’on se plaisait à regarder comme un fief du saint-siège, a infligé au successeur de Pie IX une défaite pénible. Les conseils de Léon XIII, en cela d’accord avec les plus sages des parlementaires catholiques, n’ont pu triompher des répugnances de l’archevêque de Malines et de ses suffragans. Tous les efforts du pape pour atténuer, aux yeux du cabinet de Bruxelles, les exigences d’un épiscopat qu’il ne pouvait désavouer, n’ont réussi qu’à le faire accuser d’intrigue et de duplicité. Une partie des libéraux a fait un crime au vicaire du Christ de recourir, comme un prince de ce monde, aux artifices de la diplomatie, tandis que ses naturels auxiliaires, les évêques, les professeurs de Louvain, le clergé, s’employaient plus ou moins sciemment à déjouer sa politique. Jusqu’au Vatican, dans l’entourage même du souverain pontife, nombre des habitans du palais apostolique se sont presque ouvertement réjouis de l’échec de Léon XIII et du cardinal Nina comme d’une démonstration de l’inanité de la politique de transaction.

La rupture diplomatique du saint-siège et du noble petit royaume qui semblait destiné à montrer que le catholicisme et la liberté politique n’ont rien d’incompatible, a peut-être été le plus grand déboire de Léon XIII. La suppression de l’ambassade de Belgique lui a été d’autant plus pénible qu’elle a été déterminée par les témérités de l’épiscopat et qu’il avait lui-même occupé jadis la nonciature de Bruxelles. C’est même dans ce pays parlementaire par excellence, à l’école du roi Léopold, que Léon XIII semble avoir fait son apprentissage politique.

Ce qui, pour le pape, rendait cette mésaventure de sa diplomatie encore plus sensible, c’est qu’elle portait un coup à tous ses plans et à tous ses calculs, à ce qu’on pourrait appeler son système. Léon XIII, depuis son avènement, n’a jamais caché son désir de renouer avec les gouvernemens des rapports officiels ou officieux. Faute de ministres attitrés de l’hérétique Angleterre ou de la Russie, schismatique, il a été heureux de voir gravir les hauts escaliers du Vatican aux envoyés plus ou moins avoués du tsar ou de M. Gladstone. Dans ses négociations avec les différens états, il ne paraît pas avoir eu seulement en vue les intérêts de l’église en tel ou tel pays, mais d’abord et avant tout l’intérêt du chef de la catholicité, de la curie romaine. Léon XIII semble avoir eu pour premier objectif de faire sortir le saint-siège de l’espèce d’isolement où l’avait fait tomber la politique à outrance de Pie IX. Ce souci perce dans toutes les démarches du souverain pontife en Allemagne, en Belgique, en France même. Qu’il traite avec M. de Bismarck, avec M. Frère-Orban, avec M. de Freycinet, Léon XIII s’est avant tout montré jaloux de maintenir ou de rétablir des rapports diplomatiques entre le Vatican et les divers cabinets. Si peu amicale que puisse être l’attitude des gouvernemens à l’égard de l’église, il tient à ne pas rompre avec eux ; s’il se produit un jour avec la France une rupture analogue à celle que la cour romaine n’a pu éviter avec la Belgique, l’initiative n’en viendra probablement pas du sud des Alpes. Et cela n’est point uniquement esprit de modération ou longanimité chrétienne, désir de laisser retomber tous les torts sur les adversaires de l’église, c’est avant tout prévoyance politique. Une pareille préoccupation se comprend sans peine dans la position faite au saint-siège depuis l’incorporation de Rome au royaume d’Italie.

Les ambassadeurs accrédités auprès du Vatican sont les derniers témoins de l’ancienne royauté pontificale. Leur présence à Rome est en quelque sorte une sanction internationale donnée par les gouvernemens étrangers à la souveraineté extraterritoriale que reconnaît encore au pape la loi italienne des garanties. Au fond même c’est là, et non dans les lois votées au Monte-Citorio et au palais Madame, qu’est la garantie la plus efficace de l’indépendance du saint-siège.

Or, le nombre des représentans des puissances auprès du Vatican a plusieurs fois été sensiblement réduit, et il peut chaque jour l’être davantage par le triomphe au-delà des monts des ennemis de l’église. Il y avait à la mort de Pie IX plus d’un vide dans les rangs de ces ambassadeurs qui, à certaines solennités, défilaient jadis en grand uniforme sous les voûtes de Saint-Pierre pour aller recevoir, de la main du pape, une palme ou un cierge. Ces vides, Léon XIII avait à cœur de les combler ; il craignait de voir toute la représentation diplomatique auprès du saint-siège réduite un jour à l’Autriche et à l’Espagne, peut-être même à quelques républiques hispano-américaines.

La Belgique est un état avec lequel le saint siège peut sans présomption se flatter de renouer tôt ou tard ses anciennes relations diplomatiques. En attendant, le départ du représentant du roi des Belges a été plus que compensé par le retour d’un envoyé prussien. Jusqu’à présent, c’est là le plus grand succès de la politique de Léon XIII. Il est inutile d’en signaler l’importance. Pour le Vatican, devenu une enclave du royaume d’Italie et en apparence à la merci du Quirinal, ce n’était pas un mince avantage que d’avoir ramené auprès du pape découronné un représentant officiel du plus grand souverain protestant du continent et de la première puissance militaire de l’Europe. On y voyait une sauvegarde pour le présent et un gage pour l’avenir, si bien que, durant quelques mois, l’Allemagne et l’Attila de Pie IX apparurent au palais apostolique comme les champions providentiels du saint-siège, comme les futurs restaurateurs de son indépendance temporelle.


IV

On a eu beau s’en exagérer la portée, le rétablissement de la légation dont M. d’Arnim avait été le dernier titulaire, était par lui-même une victoire de Rome ; mais ce premier avantage, précaire de sa nature, n’a pas eu tous les résultats qu’on paraissait en pouvoir attendre. Les négociations officielles entre la curie et Berlin n’ont pas marché plus vite que les négociations officieuses. Tour à tour suspendues et reprises, changeant de face à chaque saison et plusieurs fois sur le point d’être rompues, elles offrent depuis trois ans Les plus singulières alternatives, et peuvent, avant d’aboutir, passer par bien des phases encore. Quoique secondé par les sentimens personnels du vieil empereur Guillaume et par les embarras intérieurs de M. de Bismarck, Léon XIII n’a pu signer la paix avec le restaurateur de l’empire germanique ; il n’a obtenu qu’une trêve, et malgré les penchans pacifiques des négociateurs, les hostilités peuvent un jour ou l’autre reprendre ouvertement. L’accord de Rome et de Berlin reste à la merci des brusques combinaisons du ministre le moins scrupuleux sur les moyens et le moins jaloux de se montrer d’accord avec lui-même.

On paraît au Vatican ne pas s’être toujours fait une idée fort juste du caractère et des vues du redoutable ermite de Varzin. Jugeant d’autrui par eux-mêmes, Léon XIII et ses conseillers semblent avoir prêté à ce politique réaliste par excellence de grands rêves d’avenir, de vastes conceptions idéales. On cherchait à se persuader qu’en face des périls dont la révolution menace les trônes et les dynasties, le grand chancelier emploierait ses dernières années à raffermir la société ébranlée et à consolider les influences traditionnelles, que voyant dans la religion la principale digue contre les débordemens du flot démocratique, il travaillerait de ses mains à relever l’église en Allemagne et en Europe. De ce dominateur autoritaire, qui s’était tant de fois compromis avec la révolution, on espérait une politique de réparation et de restauration, systématiquement conservatrice dans le grand sens du mot. C’était là une illusion analogue au songe opposé des patriotes de l’Allemagne du Nord qui, liant le germanisme et le protestantisme, voulaient, en 1872, voir dans le Richelieu prussien un champion de la réforme, un continuateur de Luther destiné à émanciper à la fois l’Allemagne du joug de la Rome papale et de la prépondérance française. Aucun homme d’état peut-être n’a, ni dans un sens ni dans l’autre, moins sacrifié à l’idéalisme, aux rêves désintéressés, aux utopies de l’avenir ou du passé. Pour lui, alors même qu’il semble épris de chimères, ainsi que dans sa conversion au socialisme d’état, tout au fond se réduit en expédiens. Si chrétien, si monarchiste qu’il fasse profession de l’être, qu’il le soit même sincèrement, la religion et la révolution sont à ses yeux des forces dont il entend se servir pour ses fins sans jamais s’asservir aux leurs. Pour lui, l’église et le socialisme peuvent être tour à tour des adversaires ou des amis ; mais, pour lui, les alliés ne sont que des instrumens qu’on change suivant les conjonctures. Dans sa prodigieuse carrière il n’a eu qu’un but, la création, puis la consolidation de l’empire de la Prusse en Allemagne. À cet égard, on pourrait le rapprocher de notre indomptable compatriote, M. de Lesseps ; comme ce dernier, il n’a jamais en vue que son œuvre et le rêve réalisé de sa vie, avec cette différence qu’on peut se flatter de percer plusieurs isthmes, tandis qu’à moins de folie, on ne saurait prétendre fonder plusieurs empires.

M. de Bismarck en a agi avec le pontife de Rome un peu comme avec le calife de Constantinople, ne se faisant pas plus de scrupule d’encourager les visions du panislamisme que les illusions de l’ultramontanisme, laissant à l’occasion flotter au-dessus du Vatican, comme devant Yldiz-Kiosk, le mirage de son tout-puissant appui. Plus vastes étaient les espérances suscitées à la cour papale par ses premières avances, et plus il en attendait de concessions pour ce qui seul lui tenait à cœur, pour les affaires particulières de l’Allemagne. S’il n’en a pas obtenu davantage, c’est qu’après une courte période d’enchantement, la curie a découvert l’inanité des grands rêves fondés sur l’alliance prussienne.

Un des caractères des interminables négociations du saint-siège et du chancelier, c’est que la pacification religieuse de l’Allemagne, qui en semblait le seul objet, n’en était pour aucune des deux parties ni l’unique ni peut-être le principal but. Si à cœur que le souverain pontife eût la fin des souffrances de l’église en Prusse, ce que le Vatican escomptait avant tout dans une réconciliation avec Berlin, c’était l’amélioration de sa situation internationale, c’était le concours du nouvel empire vis-à-vis du jeune royaume dont le saint-siège se dit le captif. Pour M. de Bismarck, la paix religieuse n’était manifestement qu’un objet secondaire. L’essentiel, c’était d’amener par la fin du Culturkampf un nouveau groupement des partis, c’était, grâce au centre ultramontain, de faire passer ses projets parlementaires favoris. Si, après avoir paru tout près de signer un compromis, le Vatican et Varzin n’ont encore pu s’entendre, c’est en partie que, des deux côtés, on s’est aperçu qu’on avait peu de chances d’obtenir d’un traité de paix les avantages indirects qu’on s’en était promis.

L’Europe connaît les procédés diplomatiques de M. de Bismarck ; ils se résument dans le Do ut des ou mieux dans le Da ut dem. Pour lui, la politique est un véritable trafic et la diplomatie un marchandage ; avec lui des négociations sont une sorte de négoce. Outre que ces habitudes mercantiles et ce principe de donnant donnant sont d’une application difficile dans les affaires religieuses, avec une église souvent liée par ses traditions, le Vatican n’était pas maître de conclure avec « l’honnête courtier » de Berlin tous les marchés qu’en attendait ce dernier.

Si le prince de Bismarck se résignait à rapporter plus ou moins complètement les lois de mai, c’était moins pour mettre fin au Culturkampf que dans l’intérêt de ses projets économiques et de sa nouvelle politique protectionniste, que pour gagner les voix catholiques à son récent socialisme d’état et aux nouveaux impôts, destinés à rendre les finances du jeune empire indépendantes des subventions de ses divers membres et des « contributions matriculaires. » Dans un des plateaux de la balance qui sert à son trafic politique, il avait mis sa réforme favorite, le monopole du tabac ; dans l’autre les libertés de l’église catholique, et, après les avoir bien pesés, il prétendait troquer l’un contre l’autre l’émancipation des lois de mai et l’odieux monopole. La curie romaine n’a aucune raison spéciale de s’intéresser aux fumeurs d’outre-Rhin ; elle eût été maîtresse que le marché eût pu être conclu ; mais pour qu’il fût valable, il avait besoin d’être ratifié par les catholiques allemands, et ces derniers avaient contre cette ingénieuse convention des objections dont l’autorité de la cour romaine ne pouvait guère triompher.

Contradiction des choses humaines ! le grand grief du gouvernement prussien, le grand grief de M. de Bismarck comme de M. Gladstone et de beaucoup d’hommes d’état contre la papauté et l’infaillibilité papale, c’est qu’après le dogme proclamé en 1870, le pontife romain est plus que jamais l’arbitre suprême des consciences catholiques, ainsi asservies à un souverain étranger. Or, par une volte-face bien caractéristique de l’homme et de la politique, le grand-chancelier s’est tout d’un coup imaginé d’utiliser à son profit cette autocratie spirituelle dont il avait si longtemps dénoncé les dangers[12]. Le jour où il a cru ne pouvoir mener à bonne fin ses projets sans une réconciliation avec le centre catholique, M. de Bismarck a été frapper directement à la porte du Vatican, se flattant d’en obtenir de meilleures conditions que du centre parlementaire, espérant en finir plus vite et payer moins cher à Rome qu’à Berlin. C’est pour cela qu’il a commencé par rétablir l’ambassade auprès du saint-siège. Avec son aversion pour les chambres et son dédain des prérogatives parlementaires, au lieu de régler la question des lois de mai comme une affaire d’ordre intérieur dans l’enceinte législative ou de négocier avec ses adversaires politiques, il a préféré passer par-dessus leur tête et par-dessus le Landtag pour traiter de cabinet à cabinet, entre l’empereur-roi et le pape, ou mieux entre la Wilhemstrasse et la cour de Saint-Damas.

De cette façon, après s’être tant de fois plaint des empiétemens de la curie, après avoir lutté durant des années pour soustraire l’Allemagne à l’ingérence pontificale, il a lui-même fait appel à Rome et convié indirectement le saint-siège à s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Allemagne en agissant sur le centre, en pesant au besoin sur les catholiques, pour les amener à se soumettre aux vœux du cabinet de Berlin. Lorsqu’il a recouru à ce procédé inattendu, le chancelier ne s’est pas demandé s’il n’allait point s’infliger un démenti, s’il ne risquait pas de donner un pernicieux exemple, si c’était à lui d’enseigner aux catholiques allemands à prendre leur mot d’ordre à Rome. Selon son habitude, il n’a envisagé que le profit immédiat et le gain du jour, comptant bien, une fois l’affaire conclue, empêcher les sujets des Hohenzollern de trop souvent s’adresser à une autorité dont il a voulu lui-même leur imposer le joug.

Pourquoi cette combinaison, en apparence si simple, n’a-t-elle pas réussi et semble-t-elle ne devoir jamais donner au chancelier tout ce qu’il en avait d’abord espéré ? Cela tient avant tout à ce que nous disions plus haut, à ce que, si omnipotent qu’il paraisse, le saint-siège ne peut toujours disposer à son gré des voix catholiques des divers pays, ni faire manœuvrer au commandement les partis nationaux rangés sous les bannières de l’église. Comme on le prévoyait ici même, dès le début de ces longues négociations, M. de Bismarck se trompait en se figurant qu’il suffisait que le saint-père ordonnât à M. Windthorst de devenir ministériel pour que M. Windthorst s’exécutât[13]. Le centre ultramontain, de même que tout parti constitué, a ses vues et ses intérêts propres, ses engagemens et ses alliances, et, si désireux qu’il soit de la paix religieuse, si respectueux qu’il se montre de la chaire apostolique, il ne peut tout leur sacrifier ; il ne peut surtout leur immoler ce qui, sur le sol natal, fait sa force et sa popularité.

De même que la droite catholique en Belgique, le « centre » est autant un parti politique que religieux : pour obtenir l’abrogation des lois de mai, il n’entend ni s’annihiler ni se dissoudre. Or, l’entière soumission aux projets économiques du chancelier et le vote du monopole du tabac risqueraient d’être pour lui plus qu’une abdication, un suicide. Les précaires avantages que le prince de Bismarck prétend leur vendre aussi cher, les amis de M. Windthorst se flattent de les conquérir sur le champ de bataille parlementaire. En attendant, loin de licencier leurs troupes, ils refusent de désarmer, et imitant la tactique même de leur grand adversaire, ils se portent tantôt à droite, tantôt à gauche, selon l’intérêt du moment. Ils nouent et dénouent leurs alliances sans plus de scrupules que le chancelier, se flattant de l’user peu à peu, et par leurs rapides évolutions continuant à lui rendre impossible la formation d’une majorité gouvernementale. Confians dans leur force et sûrs de leur terrain, ils prétendent mieux juger des chances de la lutte des bords de la Sprée que de ceux du Tibre.

Tandis que M. de Bismarck semble enclin à rendre le Vatican responsable de l’opiniâtreté et des manœuvres du centre, le centre encourage le Vatican à la résistance ; il lui recommande de ne céder ni pour les sièges épiscopaux vacans ni pour la déclaration des nominations ecclésiastiques. M. de Bismarck a eu beau faire mine de s’engager sur la voie de Canossa, c’est M. Windthorst et non le pape Léon XIII ou le cardinal Jacobini, qui reste le leader des « ultramontains » allemands.

Dans ces interminables négociations, la curie ne se heurte pas seulement aux intérêts politiques de ses défenseurs laïques, mais parfois aussi aux prétentions, aux rancunes, à l’ardeur belliqueuse de sa milice ecclésiastique. Bien qu’il ait une autorité plus directe sur l’épiscopat et le clergé, le saint-siège ne peut toujours faire taire leur zèle ou leurs susceptibilités ; il ne peut leur faire oublier leurs souffrances ni sacrifier sans compensation au désir de la paix les plus illustres athlètes de ce long combat. Il faudrait de bien grandes concessions de la part de l’Allemagne pour justifier aux yeux de leurs ouailles l’abandon des archevêques de Cologne et de Posen. Puis, quand on trouverait moyen de pourvoir d’un commun accord tous les sièges vacans en droit ou en fait, les nouveaux titulaires pourraient encore parfois se laisser entraîner à des provocations ou des imprudences. On l’a vu récemment par l’exemple du prince-évêque de Breslau ; l’ancien curé de Sainte-Hedwige de Berlin, dont le passé semblait garantir l’avenir, Mgr Herzog, n’avait sans doute pas consulté Rome avant de publier son mandement sur les mariages mixtes. Après une guerre aussi longue et ardente que celle déchaînée par le Culturkampf, le Vatican ne saurait inspirer à tous les combattans d’hier un esprit de paix et de soumission. Quand on a soulevé d’aussi violentes tempêtes, aucun Quos ego ne peut subitement calmer les flots. Aussi, malgré les intentions conciliantes du saint-père et la lassitude du gouvernement allemand, la situation religieuse de l’Allemagne reste-t-elle toujours précaire, à la discrétion d’un ministre prompt à tous les reviremens, à la merci des passions ou des calculs des partis extrêmes.


V

De l’autre côté des Vosges, chez le peuple qui, du VIIe siècle au XIXe, s’était montré le soldat de l’église, chez les vaincus de 1870, Léon XIII, à son avènement, ne rencontrait pas de moindres difficultés que dans le nouvel empire germanique. Si la France et le saint-siège étaient officiellement en paix, si entre eux restait toujours en vigueur le grand traité de 1801, les hommes au pouvoir ne dissimulaient pas leur hostilité contre l’église. Le gouvernement, glissant de main en main, semblait près d’échoir aux partis dont toute la politique se résume dans la haine du catholicisme et qui, pour la république à peine affermie, ne paraissent concevoir d’autre mission que de déraciner le christianisme. Cette campagne de paroles blessantes et de mesures de défiance, tout ce système de taquineries et de vexations contre le clergé, Léon XIII, malgré certains conseils, s’est efforcé d’en adoucir les rigueurs et de l’empêcher de dégénérer en guerre ouverte entre l’état et le saint-siège. C’est peut-être en France, en face des gouvernemens ou des partis qui lui étaient le plus foncièrement hostiles, que Léon XIII s’est montré le plus modéré et le plus prudent. Aux actes les moins amicaux des gouvernans, aux menaces bruyantes, aux injures, aux cris de guerre du radicalisme, Léon XIII, en dehors des solennelles objurgations et des virulentes métaphores qui constituent les lieux-communs des bulles papales, n’a guère répondu que par des prévenances et de bons procédés, évitant de donner aucune prise au mauvais vouloir du gouvernement français, acceptant sans résistance ses choix épiscopaux, et, alors que tant d’ennemis harcelaient chez nous le clergé, maintenant au dehors, en Orient, la vieille solidarité de la France et du saint-siège, nous donnant même, au besoin, à Tunis un concours qui n’est point à dédaigner.

Dans cette politique d’apaisement, Léon XIII s’était associé un nonce fait pour en personnifier l’esprit. Homme d’église, jeté au milieu de politiciens libres penseurs qu’effarouchait le costume ecclésiastique ; homme du monde aux manières élégantes, aux traditions aristocratiques, perdu dans les salons démocratisés de nos ministères ; sans préjugés vis-à-vis des partis comme sans prévention contre les personnes ; unissant à la souplesse slave la finesse italienne, le représentant du pape, sans craindre le scandale des bonnes âmes ou la mauvaise humeur des mondains, avait su nouer d’excellentes relations personnelles avec l’Elysée et le quai d’Orsay, avec des ministres hérétiques ou positivistes. Malgré le parti-pris auquel il se heurtait, en dépit des obstacles inconsidérément jetés sur sa route par quelques-uns de ceux qui eussent dû la lui aplanir, M. Czacki eût remporté des succès s’il avait été en face de véritables hommes d’état, si les affaires se décidaient encore de cabinet à cabinet, et non dans l’ombre des couloirs des chambres ou dans les conciliabules d’anonymes comités électoraux. N’a-t-il pu gagner des adversaires qui ne se sentaient pas toujours la liberté d’agir à leur guise ou l’énergie de céder à leurs secrètes convictions, le dernier nonce n’en a pas moins bien mérité du saint-siège en modérant le zèle imprudent de ses amis et en enlevant des armes à l’hostilité de ses ennemis. N’a-t-il su épargner à l’église certaines épreuves, il a parfois pu contribuer à en tempérer les rigueurs et à éloigner des extrémités auxquelles on semblait pousser des deux bords opposés. Il a, en tout cas, montré à tous ceux qui ne ferment pas volontairement les yeux que, pour le maintien de la paix religieuse, la France républicaine avait tout profit à rester en relations diplomatiques avec le saint-siège et à ne point dénoncer le traité bientôt séculaire du concordat. N’eût-il rien fait d’autre, le cardinal Czacki n’aurait pas en vain usé ses forces et compromis sa santé.

De toutes les négociations entamées sous Léon XIII, les plus curieuses et les plus caractéristiques de sa politique, celles qui, dans leur insuccès même, font peut-être le plus d’honneur à son sens pratique, sont les secrètes négociations engagées entre M. Czacki et M. de Freycinet à propos des congrégations, avant l’exécution des décrets de mars. Bien qu’on lui ait attribué peu de goût pour l’esprit de la compagnie de Jésus, Léon XIII n’était assurément pas homme à renouveler envers elle le procédé radical de Clément XIV. La papauté ne pouvait se résigner à pareille amputation que sous la pression unanime des cabinets, alors qu’en cédant à leurs désirs, elle semblait en droit d’espérer le concours actif des gouvernemens. S’il ne lui était pas permis de sacrifier un ordre religieux pour en préserver un autre, Léon XIII s’est gardé d’adopter la politique intransigeante du tout ou rien. Au lieu de se borner à d’impuissantes récriminations ou de brandir l’épée surannée de l’excommunication, il a recouru à la diplomatie. Il ne s’est pas fait scrupule de traiter avec les auteurs des lois sacrilèges ni de paraître leur faire des concessions. Au lieu de venger les jésuites, irréparablement frappés, il a cherché les moyens de sauver les autres congrégations en leur faisant donner satisfaction au gouvernement de la république, sans affaiblir les droits juridiques et la situation légale des associions en cause. Ce moyen, on s’était flatté de le trouver dans une déclaration qui, de la part des ordres monastiques, n’était guère moins qu’une reconnaissance formelle de la république, un acte de loyalisme non sans analogie avec le serment imposé en certains états au clergé. Aussi pareil engagement excitait-il l’indignation des plus ardens zélateurs de l’ultramontanisme et soulevait-il la répulsion des politiques qui voulaient faire du catholicisme le patrimoine et l’instrument d’un parti. Si cette solution a échoué, c’est que, derrière le ministère responsable, se cachaient des influences ennemies de toute conciliation, systématiquement décidées à jeter la France dans un Culturkampf afin d’occuper l’humeur inquiète du pays, de donner aux appétits de la démocratie un os à ronger, de distraire les masses des grands problèmes politiques et économiques ; c’est qu’en réalité, le pouvoir effectif était aux mains d’hommes qui, par un spécieux calcul, professent que, dans un pays libre, il doit toujours y avoir une question, pour ne pas dire une plaie ouverte, et que la question religieuse est encore la moins périlleuse de toutes, la plus facile à faire traîner en longueur et la moins aisée à envenimer, la plus avantageuse pour le charlatanisme des empiriques en même temps que la moins grave pour la santé de l’état.

Les avances consenties par le représentant du pape ont beau avoir été repoussées et le saint-siège avoir ainsi inutilement froissé nombre de ses enfans ; les décrets de mars, qui ne semblaient d’abord qu’un épouvantail, ont beau avoir été appliqués au tranquille trappiste et au libéral dominicain, aussi bien qu’au remuant jésuite ; l’église enfin, menacée dans ses écoles, dans le recrutement de ses prêtres, dans ses moyens matériels d’existence, a eu beau se trouver en face de nouveaux périls, les zelanti de l’ultramontanisme, les fougueux prôneurs des anathèmes ont eu la douleur de ne pas voir les foudres romaines s’abattre sur la tête des « persécuteurs. » Le saint-père ne leur a même pas donné la consolation de retirer de Paris son représentant. Tandis que l’Italie laissait son ambassade en France vacante, le vicaire du Christ est demeuré en relations officielles avec la république française. Le nonce pontifical a, comme leur doyen, continué à offrir chaque année au président de la république les vœux des représentans des puissances, et, durant le court ministère du lu novembre, on a vu l’envoyé du pape, assis en face du ministre des affaires étrangères, présider de bonne grâce les dîners diplomatiques de l’auteur de la formule : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »

C’est qu’à l’inverse de certains conseillers, Léon XIII tient à ne pas rompre avec la fille aînée de l’église, alors même qu’elle semble mettre sa gloire à n’être plus que la fille aînée de la révolution. En dépit des efforts déployés autour de lui par les partis intéressés à enrôler le saint-siège dans leurs rangs, le Vatican n’entend pas épouser leurs querelles ; il se refuse obstinément à s’inféoder aux ennemis déclarés de la république. La papauté se garde de faire cause commune avec ceux qui proclament que hors la monarchie pas de salut ; c’est là un dogme que Rome ne veut pas inscrire dans son catéchisme. Léon XIII a beau n’avoir guère à se féliciter des républicains, s’il déplore dans ses discours ou ses bulles certains de leurs actes, il ne néglige aucune occasion de répéter que l’église est indifférente aux formes de gouvernement, qu’elle peut aussi bien frayer avec les républiques qu’avec les monarchies. Il prend soin de l’écrire lui-même à l’archevêque de Paris au lendemain des décrets contre les congrégations. Au Vatican, du reste, on est assez loin et assez haut pour apercevoir le tort presque irréparable que s’est pour longtemps fait le clergé français en se laissant bruyamment associer par le 16 mai 1877, comme par le 24 mai 1873, aux revendications des partis monarchiques. On sent que, dans un pays comme la France, où les révolutions ont coupé les racines souterraines de la monarchie, toute alliance de l’église avec les partisans des dynasties déchues tourne inévitablement contre elle, car, après la défaite, c’est toujours au clergé de payer les frais de la guerre. S’il ne tenait qu’à Rome, toute compromission de ce genre aurait depuis longtemps cessé : le Vatican ne se soucie point de voir le clergé s’infliger volontairement le supplice de Mézence ; mais, ici encore, bien que dans la majorité de l’épiscopat, Rome ait rencontré plus de prudente docilité qu’en Belgique, si ses efforts ont été déjoués, cela tient en partie à ce que, dans le clergé et parmi les laïques surtout, les catholiques ont été moins sages ou moins clairvoyans que leur chef.

Cette patience, cette longanimité du Vatican vis-à-vis de la France républicaine n’est point uniquement, comme on l’imagine parfois chez nous, une tactique hypocrite, inspirée par les nécessités du moment. Devant la marée montante de la démocratie, la papauté ne veut pas lier indissolublement sa cause à celle des monarchies. Depuis 1870, en tout cas, le saint-siège est personnellement beaucoup moins intéressé au maintien des trônes. S’il a des griefs contre les républiques, il n’a pas eu toujours à se louer des dynasties : laquelle n’a une fois chassé des moines et réprimé le clergé ? Depuis la perte du pouvoir temporel, depuis que le pape n’a plus sa place parmi les souverains, le Vatican redoute peut-être moins l’avènement de la république, au nord ou au sud des Alpes, que ne se le figurent d’ordinaire catholiques et libres penseurs. Devant les perspectives qui épouvantent la plupart des conservateurs politiques, il peut entrevoir des chances d’un rôle nouveau, des occasions de revanche pour l’église. Certes, par déférence pour les monarchies dont il peut encore espérer le concours, non moins que par méfiance pour la démocratie qui, en Europe, n’a rien épargné pour s’aliéner l’église ; par respect de l’esprit traditionnel et du principe d’autorité, dont la papauté se donne comme la plus haute personnification, autant que par antagonisme avec la révolution, qui n’en veut pas moins à l’église qu’aux rois, le saint-siège n’est nullement enclin à précipiter le cours des destinées de l’Europe, à aplanir les voies des transformations possibles, à ébranler de ses mains ce que d’autres minent sourdement ; mais la catastrophe, si elle devait jamais venir, ne le prendrait probablement pas au dépourvu, et, avec l’admirable souplesse dont il a donné tant de preuves, elle le trouverait peut-être prêt à tirer parti du bouleversement intérieur des états.

En attendant l’heure de ces hypothétiques révolutions, le Vatican continue à montrer aux souverains et aux états la religion comme la seule base de l’ordre social et de la fidélité des peuples. Une des raisons pour lesquelles le saint-siège est aujourd’hui loin de faire des vœux pour la chute des trônes, c’est que la papauté n’a point désespéré de reprendre sa place parmi les rois de ce monde. Elle compte encore sur eux pour l’aider tôt ou tard dans cette restauration. Le jour où elle viendrait à perdre toute foi dans l’appui des couronnes, la papauté ne serait pas loin de s’en détacher et de tenter d’autres voies, dussent-elles être périlleuses. Si Rome arrivait à se persuader que la monarchie ne peut être relevée pour le successeur de saint Pierre, elle se résignerait aisément à la voir s’écrouler partout autour d’elle, dans son voisinage immédiat particulièrement. Un jour viendra peut-être où l’on entendra dire : Si le vicaire du Christ ne doit plus être roi, plus de roi !

Avec la monarchie italienne la papauté a déjà une attitude toute spéciale, radicalement différente de celle qu’elle affiche vis-à-vis de tous les gouvernemens. Tandis qu’à tous les états, à tous les régimes, catholiques ou non, le saint-siège fait des avances significatives, Léon XIII est demeuré en face du gouvernement italien, dans une réserve absolue, ne tentant rien, n’offrant rien, se montrant, avec un peu plus de retenue dans la forme, non moins inflexible que son prédécesseur. Et cela vis-à-vis du gouvernement qui semblait le plus en droit de compter sur la modération du souverain pontife, dans l’état où le clergé et les catholiques étaient le plus désireux de voir une réconciliation, le plus disposés à lui faire des sacrifices. C’est là, où les idées de transaction eussent été le mieux accueillies des pouvoirs civils et de la masse des fidèles, que Léon XIII s’en est le plus délibérément écarté ou qu’il a manifesté le plus d’exigences. D’où vient ce contraste entre la condescendance du pape en dehors de la péninsule et sa raideur à Rome ? Pourquoi faut-il dire : Vérité au-delà des Alpes, erreur en-deçà ? C’est qu’en Italie la monarchie unitaire s’est faite aux dépens des états de l’église, et le pape, qui vit en paix avec les républiques les moins cléricales, ne veut point d’accommodement avec la dynastie installée dans son palais du Quirinal.

Le plan de Léon XIII, en ceignant la tiare, semble avoir été de signer la paix avec les autres gouvernemens, de s’en faire si possible des amis ou des alliés, pour concentrer tous ses efforts sur l’Italie et peser de tout le poids de la chrétienté sur elle. Dans la liquidation de la succession de Pie IX, Léon XIII aurait voulu s’arranger à l’amiable avec les débiteurs étrangers, pour être mieux à même de faire valoir ses droits sur l’antique héritage du saint-siège et revendiquer la propriété de la maison où il habite. Au milieu de toutes les difficultés où se trouve engagée l’église sur tant de points du globe, la question capitale pour le Vatican, celle qui toujours prime les autres, c’est la question romaine, c’est celle de sa demeure, de sa vie domestique. Et l’on ne saurait s’en étonner ; ce qui est en jeu au-delà des Alpes, en Allemagne, en France, en Suisse, en Belgique, en Irlande, en Pologne, c’est bien l’église catholique, mais ce n’est qu’une partie, qu’un membre de l’église. À Rome, au contraire, ce qui est en jeu, c’est la papauté même, c’est-à-dire la tête et le cœur du catholicisme. Une seule chose peut surprendre, c’est la décision et l’insistance avec laquelle un homme qui pèse ses paroles comme Léon XIII se plaît à proclamer et à répéter solennellement que la situation actuelle du saint-siège est intolérable. C’est là un grand mot qui semble devoir engager à de grandes résolutions. Le sort du saint-siège, depuis 1870, depuis la mort de Pie IX surtout, est-il aussi pénible et précaire que persiste à l’affirmer le saint-père ? Quels sont les motifs de ses doléances, quels sont ses espérances et ses calculs, quels sont les sentimens de ses amis et de ses adversaires ? de quelle manière peut se dénouer ce problème que le Vatican se refuse à considérer comme résolu ? Ce sont là des questions qu’on ne peut trancher sans jeter un coup d’œil sur les conditions de l’Italie actuelle et de la monarchie de Savoie, sans voir ce que la papauté et la royauté peuvent craindre ou espérer l’une de l’autre.


ANATOLE LEROY-BEAULIEU.

  1. Le même jour, une feuille illustrée représentait le cardinal Pecci avec la tiare accompagné de cette légende : « Voici le nouveau pape ; s’il ne vous plaît pas, il est encore temps de le changer. »
  2. R. Bonghi, Pio IX e il Papa futuro, 1874, p. 155.
  3. Pio IX e il Papa futuro, p. 156.
  4. Sur le caractère et le pontificat de Pie IX, voyez dans la Revue, notre étude du 15 juin 1878 et le livre intitulé : un Empereur, un Pape, un Roi ; Paris, Charpentier.
  5. La Revue des Deux Mondes particulièrement. Voyez, par exemple, le mandement du carême de 1877.
  6. Voyez, par exemple, le mandement du carême de 1877 et l’encyclique du 21 avril 1878.
  7. La chambre de « la signature, » où la Philosophie païenne avec l’École d’Athènes fait pendant à la Théologie avec la Dispute du saint sacrement.
  8. Voyez le mandement du carême de 1877.
  9. Mandement du carême de 1877.
  10. Dante, Purgat,., ch. XVI. Le poète néo-gibelin, l’auteur du de Monarchia, défenseur de l’indépendance des deux pouvoirs, des deux soleils, tandis que la plupart des ecclésiastiques représentaient l’autorité spirituelle par le soleil et l’autorité temporelle par la lune, qui n’a qu’une lumière d’emprunt.
  11. Lettre de Léon XIII au cardinal Nina, août 1878.
  12. Il est à noter que M. Gladstone, oubliant son livre du Vaticanisme, a lui aussi essaye sous main de s’assurer l’influence pontificale dans les affaires d’Irlande où le bas clergé et une notable partie de l’épiscopat encourageaient les revendications de la Landleague. Tel a été le but de la mission Errington.
  13. Voyez l’article de G. Valbert dans la Revue du 1er février 1879.